2015/06/20-L - Bureau d'Eric Taylor

C'était une bêtise. Très certainement. En même temps, malgré son sens des responsabilité, Eric avait encore une attitude proche des enfants du campus. Le genre d'attitude qui fait qu'il était capable de réprimander sans aller cafter plus haut, contrairement à une Sarah Freston, ou pire... Un Ethan Groove. A cette pensée, et surtout à la saleté de parcours aquatique qu'il leur avait fait faire sur instruction de la directrice, Hazel réprima une petite grimace de dégoût avant de se reprendre. Eric serait-il là?

Vu l'heure, il devrait être dans son bureau. Bureau devant lequel était planté Hazel, pesant encore le pour et le contre. Oh et puis zut! De toute manière, au point où elle en était, elle ne risquait pas grand chose. Même en se faisant coller, c'était pas comme si elle avait des potes avec lesquels sortir ou aller s'amuser. Déterminée, elle leva la main, revers de celle-ci contre le bois et frappa trois petit coups secs, attendant une réponse ou juste le silence.

Voilà bientôt une heure qu'Eric était plongé dans un document écrit. Pour une fois, l'ordinateur était en veille, chose assez rare pour le noter lorsqu'il était dans la pièce. Penché sur le bureau, la tête inclinée au dessus du dossier et retenue par une main pensive, le cerveau du jeune homme était en ébullition, dans un silence total. Il hésitait pour la suite des évènements. Cas par cas, il essayait de déterminer toutes les solutions avec les avantages et inconvénients qui étaient liés.

Eric avait conscience de marcher sur des oeufs, et la moindre erreur provoquerait des retentissements dans plusieurs milieux, sans parler des retombées qu'il subirait, relativement peu agréables dans certains cas. Il soupira bruyamment, alors qu'il sentait une barre au front lui appuyer sur le crâne. Lorsqu'il entendit frapper à sa porte, il lança un juron dans sa tête, avant de refermer le dossier sans nom, et de se lever pour aller ouvrir. Se dégourdir les jambes ne lui ferait peut être pas de mal finalement.

Eric s'approcha de la porte et actionna la poignée. Hazel. Le visage encore soucieux de sa réflexion précédente, il l'observa une seconde, ne s'attendant probablement pas à être dérangé par une élève plutôt que par un prof.

" Un soucis ? " demanda-t-il comme si c'était la seule raison valable qu'il voyait pour qu'on lui rende visite au bureau sans invitation.

Connaissant Hazel, elle devait avoir une idée derrière la tête. Elle ne viendrait certainement pas se confier à lui ou à quique ce soit, d'après lui.

Ah, il y avait du monde. Prêtant l'oreille, Hazel perçut du mouvement de l'atre côté du battant. Elle se recula un peu, pour ne pas paraître trop intrusive, cherchant d'avance un moyen d'aborder le sujet. Tourner autour du pot serait une perte de temps avec un membre du personnel du campus. De même qu'il serait futile d'essayer de noyer le poissons sous des excuses bidons. Alors quand la porte s'ouvrit, elle ne chercha pas à cacher ses impressions premières. Bien sûr qu'elle était soucieuse! Elle risquait non seulement de se prendre un vent, mais en plus une punition en prime.

"Bonjour. Désolée de te déranger, mais oui, j'ai un soucis."

Elle jeta plus par habitude que par réelle intérêt un coup d'oeil sur ce qu'il y avait derrière Eric. Personne, tant mieux. Elle poursuivit son tour d'horizon en prêtant un instant l'oreille pour s'assurer que personne ne venait directement dans leur direction.

"J'ai besoin d'accéder à certaines informations, et le dossier ne m'est pas accessible sur le réseau du campus. Tu accepterais de m'aider?"

Elle releva un petit regard un peu embarrassé sur le contrôleur. Tout allait se jouer là et elle ne manqua pas de rester à l'affut des réactions d'Eric.

Avec tout ça, il n'avait même pas pensé à la saluer en ouvrant la porte. Tant pis, elle n'allait pas se vexer pour si peu. Sans surprise, il y avait bien un soucis, mais pas de l'ordre auquel il avait pensé. Aucun bobo pendant un parcours d'obstacle ou en escalade, pas de porte forcée menant à un vol ou à une blague de mauvais goût, ni même de rixe entre agents. Hazel voulait des informations. Mais là où elle est avait besoin de lui, c'était pour passer outre la confidentialité de celles-ci. Accepter de l'aider sans plus de détails serait mentir.

" Faut voir les infos et le sujet en général. Si ça se trouve, j'y ai pas accès non plus. Enfin, de façon reconnue j'entends. " précisa-t-il avant d'inviter la jeune fille à entrer en ouvrant la porte un peu plus grand et en se décalant.

" Viens m'expliquer ça à l'abris des oreilles indiscrètes du couloir des profs. "

Puis il referma derrière elle et retourna rapidement à son bureau en attrapant au passage le dossier qu'il étudiait précédemment pour le ranger dans un tiroir.

" Vas-y, prends le siège que tu veux, je t'écoute. "

Rares étaient les agents qui faisaient preuve d'autant de zèle à résoudre des affaires ou à se préparer à une prochaine mission. En général, la très grande majorité se contentait des informations qui étaient données par les contrôleurs, et à juste titre. Un tri en amont était constamment fait pour ne garder que ce qui serait utile pendant les interventions. Intrigué, Eric observait Hazel avec attention en se demandant de quoi il pouvait bien s'agir d'aussi utile pour qu'elle ait le cran de venir lui proposer de passer outre certaines sécurités.

Hazel eut un regard vaguement amusé quand Eric parla de ses accès. C'était bien parce qu'une accréditation pouvait n'être qu'accessoire pour un contrôleur avec sa spécialité qu'elle était venue ici. resterait à savoir si au-delà de ses droits Eric serait d'accord de jouer les hackeurs pour un simple agent. Elle profita de la discrétion proposée pour entrer dans le bureau, non sans jeter un petit coup d'oeil rapide et curieux au dossier sans nom que le contrôleur s'empressait de ranger dans un tiroir. Il y avait vraiment beaucoup d'informations qui restaient cachées aux enfants ici. Ce qui était normal en un sens. Si l'un d'entre eux devait se faire prendre, mieux valait pour la sécurité du territoire qu'il en sache le moins possible.

Elle choisit un siège au pif et s'installa dedans, profitant des secondes que mit Eric pour s'asseoir à son tour pour réfléchir à la façon d'aborder les choses.

"Lors de notre dernières missions, mes camarades et moi avont été confrontés au SQUID. C'est un groupe terroriste en quelque sorte. On ne peut pas dire que ça ait été une réussite. Seulement nous avions croisés certains de leurs membres probablement fichés. Si nous avions eu connaissance de cette organisation, il est probable que nous aurions agit autrement. J'ai voulu en savoir plus au retour, mais les informations accessibles sont très... Superficielles. Trop pour être convenablement préparés face à eux. Je sais qu'on est censés savoir que ce qu'on veut bien nous dire pour les missions, mais je veux vraiment en savoir autant que possible sur eux. Est-ce que tu pourrais m'aider?"

Eric observa Hazel un instant en se demandant précisément ce qu'elle attendait de lui. Des informations sur le SQUID, il en avait forcément. Tôt ou tard, chaque contrôleur voyait passer des éléments sur ce groupe. Donner quelques informations ne coûtait rien, si ça pouvait l'aider à se faire une idée de qui ils étaient.

Le garçon se repoussa dans le fond de son siège, les mains toujours sur le bureau, puis il réfléchit quelques secondes sur ce qu'il pouvait lui raconter. Finalement, il lança les premières idées qui lui venaient :

" On a entendu parler du SQUID il y a maintenant cinq ans environ. Un diplomate britannique qui s'est fait descendre en Asie. Des personnes ont maquillé ça en acte quelconque, mais après enquête, on a découvert qu'en fait c'était un groupe qui avait commandité le meurtre. C'est à priori la première fois où on a entendu parler d'eux. Après on les a retrouvé dans d'autres missions. Ils sont un peu dans tous les domaines criminels qu'on peut trouver. Drogue, proxénétisme, espionnage, cambriolage, meurtre, chantage, sabotage... On sait pas trop la direction qu'ils veulent avoir, à part faire de la thune. Y'a jamais eu de revendication politique ou autre. Ils engagent des mecs pour faire le boulot. On sait rien de leur hiérarchie, et le peu de mecs qu'on chope ont rarement le temps de parler si tu vois ce que je veux dire. " indiqua-t-il en passant rapidement son index sur son cou pour faire le signe de l'égorgement.

Eric se fit gonfler une joue en réfléchissant, puis fit changer l'air de côté à plusieurs reprises, avant de finalement rajouter :

" Toi à Jersey tu as rencontré le trafic d'armes. Ils fournissent les terroristes du globe indépendamment du pays ou de l'idéologie des groupes qui reçoivent les armes. La thune, la thune, la thune. Comme d'hab. Même les pays sous embargo arrivent encore à se procurer des armes grâce à eux. Syrie, Corée du Nord, Iran... "

Finalement, il s'accouda sur la table et se rapprocha de fait un peu d'Hazel.

" On connait pas grand monde de vivant pour vous fournir des photos de mecs que vous êtes susceptibles de rencontrer. En général, ils se cantonnent en plus à un secteur géographique, ça aide pas à étoffer. Donc si on t'a pas filé de photo pour ta mission, c'est qu'on ne sait pas vraiment qui y sera. C'est un peu la dèche. " admit le contrôleur en se renfonçant dans son fauteuil.

D'autres infos, il en avait. Mais rien qui soit vraiment utile. Et certaines affaires pas jolies n'étaient surement pas utiles à être divulguées, si ce n'était pour faire faire des cauchemars aux agents qui pourraient les rencontrer...

C'était là que tout allait se jouer en quelques sortes. Elle s'attendait à un minimum de résistance, ou un rappel simple des directives élémentaires du campus. Seules les informations qu'on voulait bien leur donner devaient être connues. Hazel le fixa donc, attendant le verdict, ou un non, ou quelque chose dans ce genre, mais pas une acceptation aussi facile. Elle eut une très courte expression de surprise quand Eric commença son récit sans même émettre une seule objection. Elle se ressaisit rapidement. Les révélations tombaient les unes après les autres, et ce n'était pas vraiment pour la rassurer.

Dans les grandes lignes, il y avait ce qu'elle savait déjà. Ils étaient multi-fonction. Mais surtout très bien organisé. Au point où elle en venait à se demander s'il s'agissait vraiment de terroristes. Par définition, un terroriste avait des revendications, des croyances, des objectifs autres qu'encaisser un max de blé. Mais là... C'était pire que ça. le SQUID était une sorte de mercenariat amélioré. Pour peu qu'on en ait les moyens, on pouvait s'offrir de quoi semer le chaos où on voulait. Ils n'avaient aucune limite. Un embargo ne les arrêtaient pas. Ils étaient partout... Vraiment partout? Assez pour faire en sorte que personne ne puisse témoigner de leurs actes. Assez pour qu'il ait fallu le meurtre d'un diplomate pour les faire connaître. Et encore, ça c'était en partant du principe qu'ils ne cherchaient pas à se faire connaître à ce moment-là.

Elle resta pensive quelques secondes. En gros, cherub avait des informations sur ce qu'ils faisaient. Et encore. Pas de personnalité réellement connues, à part celle qu'ils avaient repéré à Jersey, et encore. Ce type pouvait très bien avoir été éliminé depuis. Elle s'accouda à son tour sur la table, passa une mains sur ses lèvres en fixant le vide, avant de revenir fixer Eric.

"Le diplomate tué, c'était qui? Il travaillait sur quoi? J'imagine qu'une sorte de schéma a dû être tiré des activités connues. Parce que pour faire aussi varié et aussi discret, le SQUID doit être infiltré partout. Vraiment partout. Et je ne parle pas que des milieux politiques ou économiques. Même des services secrets de différents pays doivent probablement compter des taupes."

Ce qui pouvait inclure le MI5 et le MI6. Mais là, ils seraient tous très très mal barrés. Même le diplomate tué aurait pu l'être juste pour que son remplaçant soit quelqu'un de plus coopératif auprès du SQUID.

Toujours enfoncé dans son fauteuil, Eric leva les sourcils en observant au dessus d'Hazel pour retrouver le nom du diplomate.

" C'était quoi son nom déjà à lui... " réfléchit-il pendant une dizaine de secondes.

Ca me revient pas. Je vais vérifier ça directement... " finit-il par avouer.

Le contrôleur tourna sur son siège et s'inclina pour appuyer sur son ordinateur. Aussitôt, il fut éclairé par l'écran qui s'éveillait. Rapidement, il tapota quelque chose sur son clavier et frotta son doigt sur une encoche de celui-ci, avant de ramener sa main sur la souris.

Il fit quelques clics habiles et fronça finalement les sourcils.

" J'ai pas accès aux infos. J'le crois pas. Si j'y ai pas accès, qui peut ? " fit-il remarquer avant d'observer Hazel avec un sourire mutin.

" Bon, tu vois rien et t'es pas là hein ! " lui lança-t-il distraitement avant de récupérer un boitier qui ressemblait à un disque dur et de le connecter par USB à son ordinateur.

Quelques secondes passèrent pendant lesquelles Eric resta parfaitement silencieux, concentré sur son ordinateur. Puis soudainement, il s'arrêta de tapoter et de cliquer et déposa ses bras sur ses cuisses en fixant l'écran, comme s'il attendait. Ses yeux balayaient l'écran rapidement puis finalement, il parla de nouveau :

" Brian Pierce, à Bangkok. Donc c'était la Thaïlande le pays en question. Bon, je sais pas trop si tu connais par coeur l'histoire contemporaine du pays, mais en gros en 2006 y'a eu un putsch qui a fonctionné de la part des militaires. Le premier ministre, Thaksin Shinawtra, est d'ailleurs allé se réfugier chez nous. Les militaires ont installé au pouvoir un parti démocrate surnommé les chemises jaunes, ce qui n'a pas trop plu à certains. "

Il laissa passer quelques secondes, balayant à nouveau l'écran des yeux.

" Du coup en 2010 y'a eu de violentes émeutes contre le nouveau gouvernement. Les opposants étaient entre autre composé d'un parti politique appelé le Front national uni pour la démocratie et contre la dictature, ou UDD. On les surnomme aussi les chemises rouges. Au final une centaine de morts et deux milles blessés... Pendant les émeutes, on a demandé à Brian d'être en contact avec les chemises rouges afin d'assurer un soutien, et ça s'est su. Forcément, le gouvernement en place a moyen apprécié que leurs révoltés aient le soutien de la Grande-Bretagne, déjà que le ministre viré avait été accueilli chez nous. "

Il se frotta le menton, et rajouta :

" Pour la fin de la petite histoire, y'a eu des élections en 2011, et un parti allié de l'UDD est maintenant au pouvoir. Et le leader du parti allié n'est autre que la petite soeur du ministre exilé. Pour le moment ça tient. Mais le parlement thaïlandais est encore celui instauré par les militaires, alors ça continue à être tendu. "

Finalement il reporta son attention sur Hazel.

" Donc c'est un peu tendu entre la Thaïlande et nous. Ils ont flingué notre diplomate, et on a soutenu une révolte. Ca fait 1 partout. Balle au centre. Les deux pays la ferment. "

Lorsque la fille imagina que le SQUID était infiltré partout, Eric haussa les épaules :

" Chais pas. Ils sont organisés c'est clair. Après ils connaissent peut être bien les trucs sur place s'ils sont assez riches. Y'a pas forcément à imaginer carrément des taupes partout. On est tous assez surveillés de toute façon. On peut pas passer un coup de fil vers l'extérieur sans être enregistré je parie. Faudrait être vraiment malin pour rester discret une fois infiltré... "

Eric s'étira les bras au dessus du bureau et indiqua en retournant à l'ordinateur :

" Bon, je vais pas traîner non plus. On sait jamais... Les infos t'aident un peu ou pas du tout ? " demanda-t-il en éteignant à nouveau son ordinateur avant de retirer le boitier.

Se remettant face à Hazel, il la complimenta en lui souriant :

" En tout cas c'est cool de voir que tu t'intéresses sérieusement à tout ça. Ca manque les agents aussi consciencieux que toi. "

Ce ne devait pas être évident de sortir de mémoire tout ce qu'on savait au pied levé, alors qu'on traitait une foule de dossiers divers et variés. Jusqu'ici, le contrôleur avait été précis, alors pourquoi se priver de quelques données supplémentaires? Quand il alluma son écran pour en lui répondre autant que possible, Hazel préféra reste silencieuse, accoudée au bureau, des fois qu'en l'ouvrant trop, Eric décide que finalement mieux valait s'arrêter là. Elle ne fut pas particulièrement surprise quand il annonça que le fichier ne lui était pas accessible. Si les contrôleurs en savaient bien plus que les élèves du campus, elle ne se faisait pas d'illusion sur le peu qu'ils devaient savoir face à quelqu'un comme la Moore, par exemple. C'était certainement là que ça allait coincer. L'écossaise baissa les yeux sur ses mains. Avec ce nouvel obstacle venait une autre opportunité d'en finir là. Ou alors il faudrait négocier la suite des événements. Quand elle releva les yeux sur le sourire mutin d'Eric, elle ne fit que hausser les sourcils. Il n'allait quand même pas hacker joyeusement le système du campus sans rien demander en échange? Sérieux?

Là elle ne cacha pas son étonnement. La bouche entrouverte, il lui fallu quelques secondes pour se reprendre. Un contrôleur, sans même demander quoi que ce soit, lui donnait toutes les infos qu'elle demandait et forçait un dossier aux accès limité comme ça. C'était tellement incroyable que ça frisait le surnaturel. Se reprenant, Hazel referma prestement la bouche et se contenta de lever les mains.

"Je n'ai même jamais toqué à cette porte."

Mais n'empêche, il y avait de quoi tiquer. Elle eut un regard légèrement suspicieux en fixant le contrôleur pendant qu'il forçait tranquillement les accès au dossier. Rien. Pas d'exigence, pas de demande particulière, pas de reproche, pas même le moindre commencement d'objection. Pour ce qu'elle connaissait des autres contrôleurs, rien n'était jamais gratuit. Ah si, leur mépris ou leur dureté, à la rigueur. Mais là... Eric avait une réputation de bon copain auprès des élèves, mais pas à ce point tout de même. Les infos ne tardèrent pas à pleuvoir à nouveau.

C'était une base d'histoire au final. Même si Hazel s'était concentrée sur l'Amérique du Sud dans son dernier travail, elle avait quelques bases sur le sujet Thaïlandais. Assez pour savoir que le premier ministre, par "chance", se trouvait à l'assemblée générale des nations unies quand l'armée prenait le contrôle des médias pour annoncer leur autorité fidèle du roi du pays. Le reste fut surtout un amas de conséquences plus ou moins catastrophiques de tentative de stabilisation du pays. Emeutes, révoltes diverses, votations insatisfaisantes, morts à gogo... Jusqu'à l'arrivée de la petite soeur au pouvoir. Mais là encore, les changements apportés n'avaient paru à Hazel qu'une méthode pour calmer les foules plus que de réelles solutions. En attendant, un semblant de calme était revenu.

Pour ce qui était de l'histoire derrière l'histoire, c'était encore différent. Un diplomate envoyé pour soutenir la révolution, un ministre protégé, un meurtre qui, par hasard, égalisait le score juste assez pour que la Grande-Bretagne ait eu à souffrir des conséquences de ses implications. Comme disait Eric, un partout, balle au centre. Ou comment écarter les britanniques avant qu'ils ne passent pour de trop gros opportunistes. Dit comme ça, ça lui semblait très bien goupillé. Alors soit les chemises jaunes avaient de quoi financer le SQUID, avec l'aide probable de quelques richesses royales, soit les britanniques s'en étaient occupés eux-mêmes pour équilibrer les choses sans que ça ne passe par eux. A moins qu'il y ait une toute autre affaire derrière, mais comme les membres du SQUID ne vivaient jamais assez longtemps pour apporter des réponses... La deuxième option pourrait presque sembler la meilleure dans le sens où la logique voudrait qu'on accuse les chemises jaunes, et donc innocente la Grande-Bretagne, ce qui arrangerait bien cette dernière pour garder un certain contrôle, même indirecte, sur la Thaïlande.

"Ça soulève d'autres questions, mais qui resteront sans réponses. On ne saura probablement jamais qui a payé le SQUID pour le coup. Mais ça me donne une petite idée sur l'étendue de leurs compétences."

Ce qui restait bien plus vaste que ce qui était sous-entendu dans le premier dossier superficiel accessibles aux agents. Concrètement ça ne l'aidait pas des masses pour chercher des lances-missiles, à moins que ces derniers aient pour but de servir une cause qui arrangerait subitement vite l'emprise de la Grande-Bretagne sur l'Irlande. Mais là... Penser plus sérieusement que le propre gouvernement pour lequel ils travaillaient tous s'offrait des mercenaires sans scrupules pour s'offrir des opportunités politiques avait de quoi faire froid dans le dos. Mais dans ce cas, qu'est-ce qui lierait l'Irlande, l'Ukraine et l'Allemagne? Ces Lance-missiles avaient-ils des objectifs reliés les uns aux autres ou étaient-ils destinés à des contrats totalement indépendants les uns des autres pour le SQUID? Mieux valait qu'elle n'en parle pas à ses camarades de mission, et qu'elle se base uniquement sur leur objectif en gardant ces information en mémoire, des fois qu'une opportunité d'en savoir plus se présente. Toujours pensive, elle fut tirée de ses réflexions par la dernière remarque d'Eric. En même temps, si les accès étaient n'étaient pas "limités", peut-être que certains agents iraient plus loin.

"Quand on sait ce qu'on risque d'affronter, autant se renseigner un minimum. Mais ce qui m'étonne le plus à vrai dire, c'est qu'un contrôleur répondre aux questions d'un simple agent sans hésiter et aille même jusqu'à commettre un acte répréhensible sans émettre un seul début d'objection."

Elle plissa les yeux en observant Eric encore quelques instants avant d'ajouter, l'air de rien.

"J'ai pas beaucoup de scrupules à essayer de passer outre les règlements quand je pense que ça peut en valoir la peine."

Malgré sa réputation de bonne élève, Hazel avait déjà défié l'autorité quand elle avait jugé quelque chose comme injuste. Au désavantage de camarades d'ailleurs. Un agent devait pouvoir réfléchir par lui-même et défendre ses opinions. Si elle ne le faisait pas de temps à autre sur le campus, comment être capable de le faire correctement en mission quand la situation l'exigeait? Surtout en se retrouvant malgré elle affiliée à d'autres agents comme ça avait ét le cas Jersey? Sur ce point-là, elle n'avait clairement pas assuré.

" C'est difficile de suivre tous les bandits en même temps, surtout quand leur envergure est faible. On ne peut s'intéresser qu'aux plus gros ou ceux d'une certaine taille. Le SQUID n'existait probablement pas avant, ou était connu sous un autre nom en étant bien plus petit. On a pris le train en route et on a essayé de rattraper le retard... " déduit Eric du peu d'informations qu'ils avaient sur le groupe terroriste.

Il acquiesça d'un signe de la tête quant à connaître l'étendue des compétences du SQUID. Ils savaient tout faire, et étaient potentiellement partout, avec des moyens. C'était à priori ce qu'il fallait retenir. Ils étaient dangereux, tout simplement.

Lorsqu'Hazel annonça son étonnement face à la facilité d'obtenir des informations confidentielles, le contrôleur se contenta de sourire amusé et annonça :

" Aucun secret ne peut être gardé éternellement de toute façon. La rétention d'information n'est pas toujours justifiée. Et est parfois injuste. "

Eric sourit sincèrement à Hazel, avec amusement, lorsqu'elle lui expliqua que passer au travers du règlement ne la gênait pas si c'était nécessaire.

" Je suis un peu pareil. Mais tu as déjà dû le remarquer je pense. "

Après tout, le statut d'hacker permettait souvent d'accéder à des informations pour nourrir sa curiosité, et personne n'ignorait que le garçon était dans son domaine. Il avait un contrôle relatif sur toute l'informatique du Campus et tous les agents l'imaginaient savoir lorsqu'ils téléchargeaient des fichiers, ou discutaient. D'ici à ce que le jeune homme puisse tout lire, il ne fallait probablement pas exagérer. Et même s'il en avait la possibilité, il avait probablement autre chose à faire. Du moins, les jeunes l'espéraient. Mais les rumeurs racontaient que rien ne lui échappait depuis les ordis et les télécommunications internes.

" Si je t'ai donné toutes ces infos, c'est que je pense que ça en vaut la peine. Tu as un bon esprit de déduction. Peut être que tu pourras obtenir des informations relatives à ce que je t'ai appris, un jour. Enfin va pas te mettre en danger pour ça. Que tu sois blessée est la dernière chose que je veux. La sécurité avant tout. Sois pas une tête brûlée comme la moyenne des gamins qui veulent prouver des trucs. T'es au dessus de ça j'espère. " annonça-t-il en lui souriant de nouveau tranquillement.

Le contrôleur s'étira à nouveau, puis demanda, sur le ton de la conversation badine :

" Ca va les cours, les missions, le moral ? Pas trop dur ? Pas de passage à vide ? Aucun soucis particulier ?"

Pour sa part, Hazel restait assez sceptique quant aux premières réflexions d'eric. Un groupe avec autant de diversité ne devait probablement pas être si petit que ça. Ou tout du moins son influence n'était elle pas petite du tout. Mais pout ce qu'elle e savait... Habituée plutôt à suivre des ordres qu'à pousser des enquêtes sur des années entières et un seul group terroriste, elle n'était certainement pas la plus habilité à donner son avis sur la question. Tout ce qu'elle en retirait c'était que le SQUID lui inspirait comme un étrange sentiment de paranoïa. Elle se contenta de hocher la tête à la seconde remarque. Rien ne restait vraiment secret au milieu d'espions. Normal en somme. C'était bien pour ça aussi qu'elle n'avait pas vraiment de secret non plus. Ou qu'elle veillait à ne pas les partager. Pour le reste...

Quand il disait qu'ils étaient semblable en un sens, il n'avait pas tort. A un détail majeur: ils n'avaient pas les mêmes moyens de défier l'ordre établi. Si Eric était un as du bidouillage informatique et de la récupérations de données, elle restait très limitée dans ce genre de domaine et devait se montrer un peu moins subtile.

"Oui... Sauf que nos méthodes sont différentes. Pour le moment."

Elle voudrait bien elle aussi avoir le niveau d'un hackeur. Mais elle en était encore vraiment très loin. L'écossaise apprécia néanmoins l'attention d'Eric. C'était toujours sympa pour elle d'entendre qu'elle avait quelques qualités qui de une n'étaient pas annoncées juste pour être exploitées par la suite par des opportunistes trop flemmards pour faire leurs devoirs, et de deux que ce ne soit pas non plus face à témoin à titre d'exemple histoire de lui mettre volontairement ou pas ses petits camarades à dos. Mais pour ce qui était de se mettre en danger par contre... Non. Hazel n'aimait pas prendre un risque qui n'avait pas été mûrement réfléchit. Mais une chose était certaine, avec Lindsey et Bryn dans les pattes, elle allait devoir revoir son échelle des prises de risques acceptables, vu qu'elle ne jouait pas que sa propre vie ou celle d'un contrôleur expérimenté. Elle leva pourtant un regard lent sur Eric, et sans le lâcher des yeux, lança un très naturel...

"Evidemment."

Tout en sachant pertinemment que si elle découvrait quelque chose de particulièrement important, elle n'hésiterait peut-être pas à pousser un poil le danger pour rapporter des preuves. Surtout pour un groupe comme le SQUID. Elle trouva pourtant amusant sa manière de tourner sa phrase. Un peu comme si il ne la considérait finalement pas comme une "gamine" au milieu de tous les autres, ce qu'elle était pourtant. Il ne s'agissait cependant que d'une impression. De toute manière, Hazel ne voulait rien prouver. Elle faisait ce job par convictions personnelles, pas pour faire reluire son égo. Même si parfois il fallait avouer que ça pouvait faire du bien, elle ne placerait jamais ça dans son ordre des priorités. Les informations principales données, Eric aurait pu vouloir retourner simplement à ce dossier sans titre qu'il avait si rapidement planqué dans un tiroir à son arrivée. Mais non. Il prenait son rôle de grand frère spirituel à coeur.

"Les cours oui. Les missions, peut mieux faire. Le moral, toujours. Certaines choses sont plus dures que d'autres, mais je suis là pour apprendre. Pas de passage à vide."

Bon, tout n'était peut-être pas totalement vrai. Mais dans l'ensemble, l'écossaise n'avait rien à redire à quoique ce soit. Si problèmes il y avait, c'était parce qu'elle les laissaient s'installer, ou qu'elle avait choisi de les ignorer pour se concentrer sur quelque chose de plus important. Comme par exemple ignorer qu'une conversation malencontreuse au détour d'un couloir avait été saisi concernant un cadeau à acheter pour l'anniversaire de Max pour lequel elle n'avait pas reçu d'invitation, ou ignorer les saletés qu'un Zack pouvait balancer dans son dos dès que l'occasion se présentait, ou... Ah la la, il y avait tant de choses négligeables. Bêtement douloureuses mais négligeables. Autant penser à autre choses.

"Certaines branches comme l'informatique me font encore de la résistance, mais on ne peut pas être bon partout."

Eric sourit, et confirma :

" Pour le moment. "

Il ne doutait pas une seconde qu'avec le temps, chacun des agents du Campus se ferait sa place dans un domaine bien précis duquel il pourrait se donner les moyens d'avoir ses propres méthodes d'action. Il écouta les quelques réponses rapides données quant à la situation de la jeune fille et acquiesça à chacune d'elles, semblant en prendre bonne note mentale.

" Te prends pas le chou pour rien sur ta dernière mission. Vous êtes revenus entiers, et vous aurez toujours d'autres occasions d'en apprendre davantage. Et puis ça dépend des partenaires souvent. " lança-t-il avec un sourire entendu.

La relation tendue avec un certain t-shirt bleu marine n'était inconnue pour personne.

" Mais si tout va bien, tant mieux. " conclut-il finalement, avant qu'Hazel ne fasse part de ses "difficultés" sur le domaine de l'informatique.

Il ne savait pas si elle venait de dire ça parce que c'était lui l'un des profs principaux de cette matière ou si c'était réellement la seule matière actuellement dans laquelle elle n'était pas à l'aise. Dans le genre bûcheuse, Hazel était assez renommée, ce qui amenait une interrogation :

" T'as une idée de la raison de cette résistance ? Le format des cours ? Le contenu ? T'accroches pas trop ? Ou ça t'intéresse juste pas ? C'est pas facile d'apprendre un truc qu'on n'aime pas. "

Sans s'en rendre compte, Eric s'était saisit d'un stylo qu'il faisait machinalement voltiger entre ses doigts avec agilité, comme ces élèves qui n'écoutaient jamais en cours et se concentraient davantage à leur apprentissage du Pen Spinning.

" Si t'as besoin d'un coup de main sur un truc, t'hésite pas. C'pas comme si j'aimais pas l'informatique. " précisa-t-il ironiquement avec un sourire en coin qui donnait un garçon comme un petit air sûr de lui.

Enfin quelqu'un qui évoquait spontanément les soucis qu'impliquait le partenariat! C'était la première fois que quelqu'un considérait ce menu détail comme une des causes possibles si ce n'est d'un fiasco, au moins d'une réussite incomplète. Enfin! Elle ne pu résister à l'envie de répondre elle aussi par un sourire entendu, quoique plus navré. Malgré les tensions qui régnaient, et ses efforts pour passer outre malgré les commentaires déplacés récurrents de Zack, elle n'avait pas su fermer la grande gueule du requin. Pour ça, elle était tout aussi si ce n'était plus fautive que ses camarades. Elle aurait dû s'imposer, obliger le t-shirt bleu marine et son égo à l'écouter au lieu de l'ignorer dès qu'il n'avait plus de propos blessants à lui balancer. Et Bryn, le pauvre... C'était sa première mission et ni elle ni Zack n'avait eu la présence d'esprit de l'encadrer convenablement. Enfin Zack... Par définition elle ne pouvait pas lui en vouloir, elle savait déjà très bien qu'il ne fallait pas compter sur ce genre d'agent. Donc au final... C'était sa faute à elle.

"Je peux pas rejeter la faute sur mes partenaires. On a tous commis des erreurs, moi la première."

Faire confiance en la compétence des autres était par définition une erreur, donc. Boarf, c'est par les échecs qu'on apprend le mieux après tout. Dommage que celui-ci ait coûté la vie à un agent, même si ils n'étaient pas directement en cause dans cet incident. Autant se concentrer sur d'autres aspects à améliorer. Les cours en faisaient partis, ils les préparaient au terrain.

"C'est pas une question d'aimer ou pas. J'aime pas l'histoire, mais je fais des bonnes notes quand même. C'est peut-être juste un blocage. L'informatique, c'est du chinois pour moi."

L'électronique, c'était plus simple. Sans doute n'avait-elle tout simplement pas eu le déclic nécessaire à la compréhension. Mais hacker un programme lui paraissait juste... Impossible. En même temps, elle ne s'était pas encore vraiment penchée sur ce problème, plus occupée ces derniers jours à prendre de l'avance sur les devoirs et essayer d'améliorer sa condition physique.

"Quoique je m'en sortirai probablement mieux avec le chinois en fait."

Au moins les langues, ça elle aimait - sans arrières-pensées. Si en plus l'alphabet était différent, c'était encore plus stimulant pour l'écossaise. Peut-être qu'elle se mettrait alors vraiment au chinois.

"Je sais que tu as des dossiers importants qui doivent être prioritaires."

Elle jeta un coup d'oeil en direction du tiroir dans lequel Eric avait glisser le fameux dossier sans titre qu'il devait potasser avant qu'elle n'arrive.

"Mais si un jour tu as du temps, j'aurais certainement besoin d'un coup de main."

Ne serait-ce que pour ouvrir un ou deux dossiers inaccessible sans être obligée d'impliquer quelqu'un d'autre.

Eric acquiesça distraitement de la tête lorsqu'Hazel tenta d'étaler la faute sur l'échec partiel de Jersey à l'ensemble de l'équipe. Néanmoins, le garçon sembla soudainement plus concerné quand la jeune fille avoua ne pas parler la "langue" informatique. Il parut surpris et lâcha :

" A ce point ? "

Il semblait découvrir l'étendue des "dégâts". La remarque sur le chinois arracha un sourire amusé au contrôleur.

" Zhōng Guó shì jiǎn dān yì xié! " puis il rajouta rapidement " C'est plus simple d'avoir le déclic. Quand on l'a pas, faut insister encore et encore, ou prendre des cours particuliers. "

Hazel sembla ensuite vouloir prendre congé d'après l'orientation que prenait la conversation, rappelant au jeune homme qu'il avait malheureusement des dossiers chauds en attente, notamment un qui avait tout de l'épée de Damoclès. Prenant une mine dépitée, il précisa :

" Y'a toujours un truc. Ce dossier n'est pas particulièrement urgent, mais c'est un sac de noeud qui mérite que je m'y penche pour essayer de le démêler. C'est assez sensible et... préoccupant. " admit-il en s'enfonçant dans son siège.

Il sourit néanmoins à la fille, moins joyeusement.

" C'est le quotidien. " ponctua-t-il, avant qu'Hazel ne jette une bouteille à l'eau.

" Quand tu veux. " répondit-il à la demande d'aide sans sembler être gêné à l'idée de faire des heures sup.

" Tu vas faire quoi toi ? Retourner potasser le rapport de ta mission ? " s'enquit-il par curiosité badine, alors qu'il se remettait à jongler avec son crayon.

Et oui, c'était la honte. Hazel l'intello en personne avait une faiblesse liée au cours. Non pas que ça l'empêche de réussir ses exercices, mais la sommes d'efforts demandés ne valaient clairement pas le résultat. Les solutions ne coulaient pas de source comme pour la plupart des autres branches. A croire qu'elle n'avait juste pas l'esprit informatique. Quant au chinois, l'écossaise eut une tête juste improbable en essayant de comprendre le sens des mots prononcés par Eric. Ok, elle avait encore du boulot en perspective. Elle approuva d'un simple signe de la tête. Bosser et encore bosser, de toute manière elle ne savait faire que ça, donc tôt ou tard ça finirait bien par rentrer.

Quant au dossier... Le simple fait de le qualifier de préoccupant suffisait à titiller la curiosité de la fillette. Tout plein d'infos inaccessibles juste planquées dans un tiroir. C'était de la pure provocation. Son regard s'échappa en direction du dit dossier caché avant de revenir prestement au contrôleur. Il était prêt à l'aider, ce qui au final ne l'étonnait pas tant que ça. En revanche, ce qui était plutôt surprenant c'était qu'il relance la conversation. Il devait avoir mieux à faire et au lieu de ça, il lui posait une question insignifiante, à croire qu'il était prêt à tout pour retarder encore un peu l'inévitable casse-tête qui tenait dans son tiroir.

"Très probablement. Et aussi faire un petit quelque chose pour un anniversaire, mais rien de bien urgent, j'ai du temps."

Elle se recula à son tour sur son siège et croisa simplement ses mains sur ses genoux en lançant avec un petit sourire amusé.

"Tu voudrais un coup de main pour ton dossier?"

C'était plus sur le ton de la plaisanterie. Hazel savait très bien que ce n'était pas avec ses treize ans et sa formation encore basique qu'elle allait pouvoir aider un contrôleur. D'autant plus que les informations contenues dans le dossier étaient très confidentielles. Quoique pour le confidentiel, Eric avait déjà prouvé que sa vision du sujet restait assez flexible.

Eric esquissa un sourire amusé par la tête que fit Hazel face à la langue asiatique. C'était toujours étrange de voir des profils occidentaux parler des langues qui n'étaient clairement pas de leurs régions. Mais avec le temps, et le nombre de relations de faux-semblants qui existaient, il fallait passer au delà de ce genre de considération ethnique.

Le contrôleur saisit bien la curiosité de la jeune fille. Ce n'était pas la première fois qu'elle regardait très rapidement en direction du tiroir où le dossier avait été rangé. C'était probablement comme le décolleté des filles, songea-t-il amusé. Les garçons pensaient toujours qu'on coup d'oeil rapide était passé inaperçu, alors qu'en réalité il avait été tout à fait capté par la concernée.

" Un anniversaire ? " demanda le garçon en réfléchissant quelques secondes.

" C'est celui de qui ? Vous êtes trop nombreux pour que je retienne toutes les dates... " se justifia-t-il avant d'en terminer avec la demande de soutien.

" Si tu veux, je peux te donner un cours privé ce soir et demain dans la journée. Après je pars à l'autre bout du monde pour quelques jours. Je vais finir par avoir la carte premium pour les vols à force. " ironisa-t-il.

La proposition indécente que lança l'agent concernant le dossier arracha un sourire au contrôleur. Taquin, il n'hésita pas à répondre :

" T'es mignonne. Faut laisser faire les grands. Va apprendre tes tables de multiplication et on en reparle. "

Eric se releva et invita Hazel à faire de même avant de se diriger jusqu'à la porte en lui posant une main derrière la tête. Celle-ci aurait presque put être ressentie comme une caresse si le mouvement avait été là. Etrangement, le contrôleur n'avait jamais eu la réputation d'avoir la moindre tendresse tactile pour les agents, ce qui rendait le geste d'autant plus surprenant.

" Bon courage et prends soin de toi. " conclut-il en souriant alors qu'il lui ouvrait la porte.

Spontanément, Hazel répondit à la question d'Eric concernant l'anniversaire.

"Maxence Roy, le canadien."

La précision était certainement surfaite. L'accent de son camarade et son vocabulaire souvent aussi imagé qu'incompréhensible faisait qu'il était assez repérable au milieu de tous les autres enfants du campus. Un peu comme la discrétion légendaire avec laquelle le requin avait invité quelques agents en prenant un soin tout particulier à esquiver l'intello du coin. Sympa de voir que ses ressentis persos passaient après la quantité de cadeaux qu'il pouvait faire rapporter à son meilleur pote. Mais ça n'allait pas l'empêcher elle de faire un petit quelque chose pour le canadien, même si ça ne vaudrait jamais un bowling dans une bonne ambiance ni un gâteau de circonstance. Enfin, c'était l'intention qui comptait, non? Et puis le contrôleur lui proposait de faire quelque chose de plus constructif qu'une fête ce soir. Comment résister?

"Je veux bien le cours privé ce soir. Après on verra selon les besoins."

Quant à la taquinerie, c'était de bonne guerre. Elle devait pas abuser non plus sur la récupération d'informations. Elle répondit tout de même, sur un air faussement blessé.

"Mais voyons, je suis une grande!"

Les centimètres aidant. La maturité aussi un peu sans doute. Mais pour le reste... C'était pas encore gagné. Elle se leva pourtant sans rechigner, et s'étonna même du geste du contrôleur. C'était bizarre, il avait beau être toujours très fraternel avec tous les enfants sur le campus, il n'avait pourtant jamais un geste physique pour aller avec sa sympathie. Elle lui jeta un petit coup d'oeil intriguée avant de franchir le seuil. Une fois dans le couloir, elle se retourna pour fixer Eric droit dans les yeux.

"Merci beaucoup, pour tout. A ce soir, alors."

Elle agrémenta les dernières paroles d'un sourire un brin charmeur et tourna simplement les talons. Après tout elle connaissait mal Eric, donc il n'y avait certainement rien d'étonnant dans son geste. De toute manière, elle en aurait confirmation dans le courant de la soirée, quand la migraine dûe à un excès d'informatique se sera imposée.




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