Ibiza, Espagne - [Mission d'introduction de Raven Kern] – Coquillages et crustacés

Soucieux de ne pas subir un coup de soleil, Raven avait étalé de l'écran total avant de bronzer pendant une vingtaine de minutes, puis il était allé ensuite barboter dans la piscine du luxueux hotel dans lequel il se trouvait, afin de se rafraichir. Quelques brasses plus tard, il s'arrêta et observa autour de lui le cadre magnifique qui s'offrait à sa vue. Ciel bleu, chaud solei, palmiers, hotel de rêve, plage exceptionnelle à quelques minutes de marche avec une mer turquoise, sans oublier évidemment les filles plus ou moins âgées en bikini ou maillot de bain qui se trémoussaient en profitant des rayons ou qui se trempaient à quelques mètres de l'adolescent.

Mais Raven ne perdait pas le sens des priorités pour autant. S'il se trouvait dans ce contexte paradisiaque, c'était pour une mission précise d'espionnage. S'adossant au bord de la piscine, les coudes sur le rebord de celle-ci, il se remémora le contenu de son ordre de mission reçu avant de quitter le ciel gris d'Angleterre pour rejoindre cette île de rêve.

Citation :

** CONFIDENTIEL **

ORDRE DE MISSION DE RAVEN KERN

CE DOCUMENT EST ÉQUIPÉ D'UN SYSTÈME ANTIVOL INVISIBLE. TOUTE TENTATIVE DE SORTIE HORS DU CENTRE DE CONTRÔLE ALERTERA IMMÉDIATEMENT L'ÉQUIPE DE SÉCURITÉ.

NE PAS PHOTOCOPIER - NE PAS PRENDRE DE NOTES

Destination : Ibiza (Espagne)

Contexte : Ibiza est une île espagnole de l'archipel des Baléares en mer Méditerranée. Elle est située à une centaine de kilomètres à l'est du cap de La Nao et des côtes de Valence, dans la péninsule Ibérique. Elle est également relativement proche des côtes algériennes. L'archipel des Pityuses comprend l'île d'Ibiza et celle de Formentera. Avec Majorque et Minorque, elle forme la province des Baléares. Sa superficie est de 572 km2, l'altitude maximale correspond à la Talaia de Sant Josep qui culmine à 475 m. Sa population compte 132 000 habitants dont 42 000 qui habitent sa capitale éponyme.

À la fin du xxe siècle et au début du xxie siècle Ibiza est réputée pour ses fêtes estivales attirant les fans de musique électronique, notamment de Balearic house, après avoir été un haut lieu de la culture des hippies et la culture underground des années 1960 aux années 1980.

L'afflux touristique, l'histoire récente de l'île avec la période hippie et aujourd'hui l'implantation massive de discothèques ont amplifié la criminalité (dans les Baléares double de la moyenne espagnole) notamment le trafic de drogue à un point où les autorités censées réprimer le trafic y sont impliquées. Depuis quelques années, Ibiza est notamment réputée pour être la plaque tournante du trafic de cocaïne en Europe. Avec la drogue, les discothèques et les activités nocturnes ont également entraîné une augmentation de la prostitution criminelle dont les exemples se multiplient, poussant le gouvernement local à envisager sa régulation légale pour lutter contre la traite des femmes que la prostitution illégale provoque.

Situé en bord de mer, l'hotel Torre Del Mar verra arriver durant une semaine Agustin Ortega ainsi que sa femme Alice et leurs jumeaux Ada et Aaron, âgés de 14 ans. A la même période, Lenny Maxwell sera présent dans cet hotel. Les deux hommes font parti de deux réseaux distincts de vente de cocaïne. D'après les informations du MI6, Agustin gère la logistique d'un trafic international et serait ainsi un des piliers du réseau tandis que Lenny, Anglais, est connu pour quelques trafics de plus faible ampleur au Royaume-Unis. Sa présence laisse à penser que ce dernier va être intégré au réseau international pour étendre son influence vers la Grande-Bretagne.

Mission : Agustin n'est probablement pas venu à l'hotel sans aucun document. L'objectif de la mission est d'obtenir le maximum d'informations concernant le nouveau rôle de Lenny Maxwell dans le trafic ainsi que de surveiller Agustin et d'éventuels collaborateurs.

Rôle de CHERUB : Cherub devra fournir un agent afin de jouer le rôle du fils d'un père célibataire nommé Pablo Soler, agent du MI6, en vacances à l'hotel Torre Del Mar. Il devra le seconder dans sa recherche d'informations et se rapprocher de l'un des enfants Ortega pour parvenir à ses fins (mise sur écoute de la chambre d'hotel de la famille, recherche de documents variés utiles, enregistrer ou entendre une conversation entre Lenny et Agustin...).

NOTE : CET ORDRE DE MISSION A ÉTÉ APPROUVÉ A L'UNANIMITÉ PAR LE COMITÉ D'ÉTIQUE DE CHERUB. Cette mission est classée RISQUE MOYEN.

Le contrôleur de mission sera Pablo Soler, correspondant local du MI 6 qui relayera toutes les informations obtenues vers le Campus.

Il est rappelé aux agents qu’ils ont le droit de refuser de prendre part à cette mission et qu'ils peuvent l’interrompre à tout moment de son déroulement. Ils courent le risque d'être exposés à des drogues illégales.

TOUT AGENT AYANT, EN TOUTE CONNAISSANCE DE CAUSE, CONSOMMÉ DE LA COCAÏNE OU TOUTE AUTRE DROGUE DE CATÉGORIE A SERA IMMÉDIATEMENT ET DÉFINITIVEMENT EXCLU DE CHERUB.

Raven avait dans son champs de vision trois des quatre protagonistes. Ada et Aaron se trouvaient dans la piscine, non loin de lui et nageaient calmement pour profiter de leurs vacances. Leur mère était allongée dans un transat à côté duquel deux autres avec serviettes indiquaient qu'ils étaient occupés par ses enfants. Quelques autres personnes se livraient à la douceur du farniente à cette période de l'année, avant l'afflux estival de touristes.

Tournant la tête vers le bar, l'agent n'avait pas manqué le père qui prenait un verre de cocktail en observant sa famille autour de la piscine. Quant à celui de Raven, il suivait pour le moment Lenny qui semblait être parti visiter le secteur.

Le garçon renommé pour l'occasion Arturo, avait posé ses affaires sur un transat, notamment avec la clé de sa chambre qu'il partageait avec Pablo, et son téléphone portable caché sous sa serviette.

Agusto	Alice	Aaron	Ada
Lenny	Pablo

[hrp : Contexte d'Ibiza honteusement pompé sur wikipédia ]

[hrp: Wikipédia est le meilleur ami du Rpiste ]


La chaleur du soleil sur sa peau, la température idéale de l’eau, des déesses au corps divins déambulant autour du bassin… Il n’y avait qu’un seul mot pour qualifier ce que Raven ressentait : Le bonheur parfait. Quant d’autres agents se gelaient les meules dans des trous perdus anglais, il avait écopé de la mission « Sea,Sex and Sun » sur la plus festive des îles méditerranéennes. Certes, ce n’était pas aussi paradisiaque que chez lui –par chez lui, entendez son ancienne maison aux Bahamas, et non pas sa chambre sur le campus- mais il appréciait tout de même de retrouver l’ambiance détendue et ensoleillée qui avait bercé son enfance. L’anodine odeur de la crème solaire le replongeait des années en arrière tout en l’invitant sournoisement aux douceurs du farniente. D’ailleurs, s’il n’avait pas été en mission, il se serait surement laissé tenter par une sieste sur l’un des transats de l’hôtel, mais le jeune agent avait comme consigne de se rapprocher des deux enfants d’Augustin Ortega, qui barbotaient justement dans la même piscine que lui.

Soucieux de ne pas perdre ses cibles de vue, Raven rejoignit le bord et s’accouda face aux deux autres adolescents tout en cherchant un moyen de les accoster. S’il avait été aussi bien foutu que Zachary Johnson il aurait tout misé sur son physique pour attirer l’attention de la jeune Ada, mais malheureusement, le bahaméen avait davantage de poitrine qu’Hazel Curtis ! Bizarrement, ce n’était pas forcément le genre de truc qui plaisait aux adolescentes… D’ailleurs, à cause de ce léger surpoids, la diététicienne du campus allait surement lui tomber dessus lors de sa prochaine visite médicale. Pourtant, lui, il se sentait bien dans son corps. Certes, il ne pouvait pas jouer la carte du séducteur mais il excellait dans le rôle de l’adolescent rondouillard rigolo et inoffensif, personnage qu’il avait perfectionné avec l’aide de son amie Béryl.

Alors que le jeune agent cherchait toujours un prétexte pour engager la conversation avec l’un des deux jumeaux, un éclat brillant attira son attention dans les profondeurs du bassin. Sans attendre, Raven lâcha le bord de la piscine et plongea pour rejoindre en quelques brasses l’objet scintillant qui s’avéra être un bracelet. C’était l’occasion qu’il attendait depuis le début. Après avoir esquissé un sourire sous-marin, l’agent s’empara de la chaine et battit des pieds pour remonter à la surface pour couper la route d’Aaron qui nageait tranquillement.

« Oups ! Désolé !" lança-t-il en faignant d’être essoufflé par cette minuscule apnée.

Il chassa l’eau de son visage de sa main libre et arbora son air le plus naïf avant de poursuivre, "J’ai trouvé ça au fond de la piscine,, dit-il en montrant le bracelet à sa cible, ce ne serait pas à toi ? » Demanda-t-il gentiment en reportant cette fois son attention sur Ada.

[hrp : Je note ta parfaite connaissance des PJ qui peuplent le Campus, et notamment la beauté toute naturelle de Zachary, magnifique garçon qui attire l'oeil admiratif tant de la gente féminine que de celle masculine qui la jalouse également... Bon point pour toi. Très bon point. Très très bon... Par contre n'invente pas d'éléments importants que je n'évoque pas dans mes messages, te permettant de tourner une situation à ton avantage (le bracelet). Ca va pour cette fois, parce que tu sais voir un corps parfait quand t'en vois un. Mais que ça ne se reproduise plus ]

Aaron sembla mal prendre d'être coupé sans raison par l'agent, comme en témoignèrent ses sourcils froncés. Lorsqu'Arturo montra le bracelet en commençant à parler en espagnol, l'attention d'Ada fut immédiatement attirée, tout comme celle de son frère qui s'intéressa de façon plus neutre à l'action qui se déroulait.

Silencieuse, la fille fit un signe négatif de la tête, tout en faisant du sur place. Aaron commenta également en espagnol, comme si sa soeur avait perdu sa langue :

" Faut croire que non. Ca ressemble plutôt à celui d'une gamine. " fit-il remarquer.

En effet, le petit bracelet possédait de fausses pierres roses en forme de coeur incrustées dans un petit bloc proche d'une gourmette, et la chaîne très fine aurait difficilement de quoi être fermée autour d'un poignet d'adolescente.

" Mais c'est gentil. " rajouta Ada.

Son frère la regarda avant de lui lancer :

" Allez, on sort. "

Docile, elle l'écouta et les deux jeunes sortirent. La soeur portait un maillot deux pièces noir et l'instant suivant, Raven eut tout le loisir de détailler davantage ses formes lorsqu'elle se sécha et finit par défaire ses cheveux qu'elle avait attaché rapidement avec une pince crabe pour les faire remonter le long de son crâne et ne pas les mouiller. Telle une pin-up de film, elle secoua la tête pour laisser sa chevelure retomber. Celle-ci atteignait ses omoplates. Aaron quant à lui portait un short de bain blanc avec une diagonale bleue marine flanquée de traits noirs. S'il y avait bien un trait que partageait le duo, c'était leur ligne svelte, trahissant une sportivité minimale, ou au moins une grande attention portée à l'alimentation pour elle. A en voir la mère, ils devaient avoir de qui tenir. Autre point notable, chacun d'eux avait la peau hâlée.

Enfilant ses lunettes de soleil, Ada s'allongea près de sa mère et discuta rapidement avec elle. Un peu plus à l'ombre avec un transat décalé, Aaron sortit une Game Boy DS et commença à pianoter dessus avec un air très concentré.

Au bar, le père venait de prendre un coup de fil, et discutait avec de grands gestes tout en étant tourné vers la mer face à la buvette. Mais soudainement, Raven sentit un index s'enfoncer dans ses côtes, derrière lui :

" Il est à moi ! " lui lança une gamine en regardant le bracelet.

Elle devait avoir sept ou huit ans, maximum.

" Tu veux jouer avec moi ? " demanda-t-elle avec toute la naïveté proche d'un "tu veux être mon ami ? ".

[hrp: Je tacherai de ne pas recommencer maître... (Bon là j'en fait peut-être un peu trop...) ]


Lorsqu’il déboucha devant Aaron, Raven eut presque l’impression d’interrompre Mickael Phelps dans un cent mètres nage libre olympique. En effet, l’espagnol fronça les sourcils avant de qualifier le bracelet de bijou de gamine. L’agent reporta à son tour son attention sur l’objet qu’il tenait toujours dans ses mains et le trouva pourtant à son gout. Ces petits cœurs roses scintillants, c’était à la fois terriblement kitch et super tendance ! Visiblement Aaron n’y connaissait pas grand-chose en cool-attitude, contrairement à « Arturo ». Au campus, le bahaméen possédait une centaine de petits bracelets fantaisies : bracelets brésiliens vert-jaune-rouge, parure en perles et coquillages, simples ficelles en cuir ou encore larges bracelets de force. Des petits trésors hérités de son enfance ou ramenés de ses missions.

Malheureusement cet objet fétiche ne lui permit pas d’approcher davantage les deux adolescents. En effet, sous les ordres d’Aaron, ils prirent congés de lui rapidement. Ada souligna toutefois sa gentillesse avant de quitter le bassin.

*Cheakpoint ! * songea Raven en lui accordant simple sourire, soucieux de ne pas se montrer trop insistant d’entrée de jeu.

Il suivit du regard les deux espagnols qui rejoignirent leurs transats. Le temps qu’ils se sèchent, l’agent fit une rapide analyse de la situation : Aaron était clairement le meneur. L’idéal serait de parvenir à sympathiser d’abord avec lui. Si c’était le cas, le bahameén était quasiment sûr qu’il parviendrait également à approcher Ada (de préférence dans son joli bikini noir). Si toutefois le garçon se montrait vraiment hostile, Raven tenterait d’aborder la fille seule. Voilà. Sur le papier, c’était simple. Il devait maintenant mettre tout cela en pratique. Son petit plan en tête, il fit une longueur et rejoignit la berge opposée pour s’extirper à son tour de l’eau. Son long short de bain hawaïen se cola sur sa peau tandis qu’il posait ses pieds sur les dalles doucement chauffées par le soleil printanier. Raven balaya sa chevelure de ses deux mains et s’apprêtait à regagner son propre transat lorsqu’un index s’enfonça dans ses bouées naturelles. Le bahaméen se retourna vivement et découvrit une petite fille haute comme trois pommes qui s’avérait être la propriétaire du bracelet.

« C’est à toi ? Tiens, je te le rends ! affirma-t-il en déposant la parure aux cœurs scintillants dans la main de la fillette, tu devrais l’enlever avant d’aller dans l’eau… » Ajouta-t-il afin de coller à son image de fils de bonne famille gentil et bien élevé.

Alors qu’il s’apprêtait à partir pour mettre son plan en pratique, la gamine lui proposa innocemment de jouer avec elle. Raven haussa les sourcils en découvrant son regard suppliant, digne d’un héros de dessin animé bien connu. S’ils avaient eut chacun dix ans de plus, l’agent se serait laissé tenter par cette proposition, cela ne faisait aucun doute. Malheureusement, ce n’était pas le cas.

« J’ai pas vraiment envie, répondit-il en toute sincérité, je préfère me reposer. » ajouta-t-il en souriant avant de regagner sa chaise longue.

Il attrapa sa serviette et se sécha soigneusement en observant du coin de l’œil Agustin en pleine conversation téléphonique. De là où il était, Raven n’entendait pas un traitre mot. Peut-être qu’en s’installant non loin d’Aaron, sous les palmiers, il pourrait faire une pierre deux coups : Se rapprocher du fils et parvenir à entendre des bribes de conversations du père…

Délaissant à contre cœur la parcelle ensoleillée, Raven tira son transat à l’ombre, à moins de deux mètres de celui d’Aaron qui jouait à la Game boy. De cette place, l’agent avait une vue idéale sur les différents protagonistes de l’histoire. Il s’installa sur sa chaise longue et laissa échapper un grognement de satisfaction avant de vérifier son téléphone pour voir si son « père » n’avait pas cherché à le joindre. Cela lui permit d’ailleurs d’exhiber fièrement son téléphone dernier cri dans l’unique but évident d’attirer l’attention du jeune espagnol…

La fillette afficha une moue boudeuse devant le refus de Raven à sa proposition pourtant ô combien ouverte sur des perspectives d'amusement sans fin. Tournant le dos immédiatement au garçon, elle trottina vers un autre mâle un peu plus jeune que l'agent, et lui proposa à son tour de jouer avec elle, preuve qu'elle venait de tourner la page plus rapidement qu'on ne pouvait l'imaginer sans s'inquiéter de briser le coeur du jeune homme.

Aaron observa du coin de l'oeil le garçon tirer son transat pour partager l'ombre du premier, puis sans un mot, il se concentra de nouveau sur son jeu. Raven put s'allonger et tripoter l'air de rien son téléphone pour rendre jaloux le fils Ortega qui ne sembla malheureusement pas vraiment s'intéresser au jouet électronique dernier cri dont l'agent semblait si fier. Il n'y avait sur celui-ci aucun message en attente d'être lu. Son père lui avait annoncé que sauf contre indication de dernière seconde, ils mangeraient ensemble à l'hotel, tout comme la famille Ortega. (Coincidence ? Je ne crois pas.)

Tendant l'oreille, "Arturo" put entendre une petite musique se dégager de la console. De l'autre côté, il entendit quelques fragments se dégager de la conversation d'Agusto.

" Non. Non plus. [...] Ils [...] plongée. [...] [...] demain soir plutôt.[...] " puis il s'éloigna en faisant les cents pas, concentré sur son appel toujours en faisant de grands gestes pour pimenter ce qu'il racontait.

Ada commença à se passer de la crème solaire, tendant la jambe tel un chat faisant sa toilette, bientôt aidée par sa mère qui lui en étala sur les zones difficiles d'accès. Remarquant que le garçon de la piscine était de nouveau près d'eux, elle lui lança un rapide sourire avant de détourner le regard, un peu gênée d'être observée. Aaron n'avait rien remarqué, visiblement, toujours plongé sur ses deux écrans.

Au grand dam de l’agent, Aaron ne fut aucunement intéressé par le superbe téléphone de Raven. Pourtant, il possédait vraiment pleins d’applications géniales comme le jeu qui permettait de donner des claques virtuelles à l’horrible pseudo-chanteur Matthew Grimland… Malheureusement, à en juger par la musique du jeu qui émanait de la console portable, le jeune espagnol semblait plus enclin à combattre Celia Fortner et ses sbires plutôt que de filer une correction à ce minot qui osait s’autoproclamer musicien. Masquant sa déception, Raven reposa son téléphone sur sa serviette à côté des clefs de sa chambre et tendit l’oreille pour essayer de glaner quelques informations du coté du père. Il ne parvint à entendre que des bribes de conversations qui lui permirent toutefois de faire quelques supputations…

Visiblement Agustin avait du mal à caler une date avec son interlocuteur. Cherchait-il à convenir d’un rendez-vous ? Ou confirmait-il un horaire pour une livraison ? Impossible de le savoir. Le trafiquant approuva finalement la date du lendemain soir et Raven nota mentalement cette indication pour en référer à son contrôleur. Cependant, une autre information dans la conversation attira l’attention du jeune agent. En effet, Agustin avait dit le mot magique : Plongée. Les doigts de pieds du bahaméen se mirent à frétiller à l’évocation de son activité favorite. Si la famille Ortega faisait une sortie en mer le lendemain, Raven devait absolument être de la partie ! Non pas pour observer la beauté des fonds sous-marins, ni pour ressentir l’incroyable sensation de plénitude et de liberté que l’on éprouvait dans les grands fonds, mais dans l’unique but de se rapprocher de ses cibles… Bien sûr. Cela va de soit !

Un léger sourire se dessina sur les lèvres de l’agent tandis qu’il songeait à cette perspective. Enfin, pour espérer accompagner les espagnols, il devait absolument les approcher, et, jusqu’à maintenant, ses maigres tentatives n’avaient pas vraiment porté leurs fruits.
Toujours à demi allongé sur son transat, Raven tourna la tête pour observer Alice qui étalait de la crème solaire sur la chute des reins de sa fille. Ada se tourna d’ailleurs furtivement vers lui avant de se soustraire à son regard, visiblement gênée.

Instinctivement, Raven reporta son attention sur Aaron- « le Bougon » comme il l’avait qualifié dans sa tête- pour voir s’il avait capté cet échange, mais le jeune espagnol était toujours concentré sur sa console. L’agent ne comprenait pas que l’on puisse être scotché à un jeu vidéo dans un cadre aussi idyllique ! D’ailleurs, il ne comprenait pas que l’on puisse rester scotché à une console tout court. Néanmoins, il s’y était mi par la force des choses : Primo, c’était un bon moyen d’accroche auprès des jeunes de son âge dans ses missions. Et deuxio, s’était une activité très répandue dans son groupe d’amis du Campus. Même si Raven ne participait qu’occasionnellement aux parties de FIFA (Juste pour ne pas avoir l’air d’être une grosse brelle !) il se maintenait au courant des dernières nouveautés dans l’univers des gamers. Il espérait d’ailleurs avoir bien identifié la musique du jeu d’Aaron sans quoi il risquait fortement de se ridiculiser :

« Tu joues à Dawn of Sorrow ? demanda-t-il subitement à son voisin de transat, J’aime bien Arikado. Ce perso, c’est le charisme incarné.» ajouta-t-il sans quitter des yeux Agustin qui s’agitait toujours non loin de là.

Dire que Raven s’était farci des centaines de pages Wikipédia pour donner l’illusion qu’il s’y connaissait un minimum dans ce domaine…

Surpris, Aaron mit en pause son jeu et regarda Raven pendant quelques secondes.

" Rien qu'à la musique tu reconnais ? Y'en a cinquante variations de Vampire Killer... " répondit-il pour expliquer son air ahuri.

Puis, rebondissant sur le commentaire de l'agent, il rajouta :

" Je le préfère quand il est en Alucard quand même... Soma il pue. J'arrive pas à terminer le jeu avec la bonne fin pour le débloquer... Mon père il veut pas que je regarde sur Internet... "

La mine bougonne pour illustrer son désarroi, il demanda au garçon :

" Tu l'as terminé toi ? T'as une DS aussi ? "

La poudre semblait prendre. Ada s'allongea de nouveau sur le transat, la peau légèrement luisante grâce à la crème solaire. Elle avait observé du coin de l'oeil son frère et Raven discuter, mais se détourna rapidement de leur conversation.

Plus loin, le père venait de raccrocher et s'approcha du groupe pour s'asseoir à côté de sa femme. Ils discutèrent quelques secondes sans que l'agent ne capte le moindre mot à cause d'Aaron :

" Je m'entraîne pour augmenter le niveau du personnage, je suis sur un boss trop dur. C'est la mort ! Une fois j'ai réussi à la tuer, mais là elle a une deuxième forme, je me fais toujours avoir... "

A en juger par le bouton pause enfoncé sur la console, Raven avait réussi à capter l’attention de sa cible. Il s’agissait maintenant de ne pas laisser filer Aaron le Bougon qui se montrait étonnamment loquace lorsqu’on le branchait sur un sujet qu’il aimait. L’espagnol révéla qu’il n’arrivait pas à finir le jeu et que son père l’empêchait d’aller trouver la solution sur le web. C’était une perche que l’agent se devait de saisir. Il déverrouilla donc le clavier de son téléphone tout en répondant aux questions d'Aaron.

« Non, j’ ai pas de DS. Mon ne paternel ne veut pas m’en acheter une, ajouta en arborant un air blasé qui voulait dire «Visiblement, tu sais ce que c’est ! ». En effet, Raven avait tout intérêt de faire croire qu’il avait, lui aussi, un père strict qui imposait sa loi. Ainsi, cela lui faisait un point commun avec sa cible. L’agent pianota sur son écran tactile, afin d’accéder à l’onglet « moteur de recherche » avant de poursuivre pour expliquer ses connaissances en matière de jeu vidéo :
« Mon meilleur pote a ce jeu, du coup, je peux y jouer quant je vais chez lui… » Mentit-t-il avec conviction.

Dans la réalité, son ami le plus fidèle était bien plus qu’un gamin accroc à la DS. En effet, Léo était un crac de l’informatique capable d’extraire n’importe quelle information confidentielle d’un PC en un temps record. Les deux agents s’étaient rencontrés lors d’une mission assez périlleuse qui nécessitait justement un piratage informatique complexe. Léo avait d’ailleurs obtenu son tee-shirt bleu marine à cette occasion. Depuis, les deux agents étaient liés par une amitié fraternelle nécessaire à l’équilibre de Raven. Contrairement à d’autres agents nettement plus solitaires, le bahaméen avait besoin d’être entouré par de vrais amis pour se sentir bien et Léo et Béryl participaient activement à cet équilibre. Après avoir simulé et menti continuellement en mission, le jeune garçon se ressourçait auprès de ses deux camardes dès son retour sur le Campus. Enfin, avant de revoir ses deux fidèles acolytes, il devait d’abord terminer –et réussir- celle-ci. L’agent jeta donc un coup d’œil par-dessus ses Rayban pour observer Agustin qui rejoignait sa femme et sa fille avant de reporter son attention sur Aaron.

« Voyons voir ce qu’affiche Google lorsque l’on tape « Vaincre la mort dans Dawn of Sorrow », murmura-t-il en alliant le geste à la parole. L’agent laissa fleurir un sourire un coin sur ses lèvres et adressa un clin d’œil à Aaron après s’être assuré qu’aucun des autres membres de la famille ne l’observait. Lorsque les résultats s’affichèrent sur l’écran de son téléphone, Raven le tourna légèrement vers Aaron pour finir de l’hameçonner avant de suggérer innocemment :

« On bouge ? »

Avec un peu de chance, le bougon l’inviterait à rejoindre la suite familiale pour assurer leur tranquillité durant leur recherche… On pouvait toujours rêver !

Aaron apprit avec déception que son nouveau camarade n'avait pas de console pour jouer avec lui. Il s'imaginait déjà en train de le défier sur quelques jeux qu'il maîtrisait, mais tout venait de voler en éclat. Il acquiesça à l'excuse du meilleur ami qui avait le jeu, sans se poser davantage de questions, et heureusement. La coïncidence semblait presque grosse !

Ravi de voir Raven utiliser son smartphone pour se rendre sur internet, le garçon jeta un rapide coup d'oeil à ses parents qui venaient de se taire pour se reposer, puis se reporta sur les informations qui pouvaient le mener à vaincre la mort elle-même, sans toutefois réussir à lire.

" Ca dit quoi ? " souffla-t-il avant que l'agent ne suggère de s'éloigner.

Surpris par cette soudaine proposition, Aaron jeta un nouveau coup d'oeil derrière lui, cette fois sur sa soeur, puis répondit d'un signe négatif de la tête, avant d'expliquer :

" Non, je reste là. Ma soeur voudra pas venir et j'ai pas envie de la laisser seule. "

Soudainement, le téléphone portable du père sonna, ce qui provoqua une rapide dispute avec la mère qui le sommait d'éteindre son appareil pendant leurs vacances, avant qu'il ne prenne l'appel et ne s'éloigne. La scène avait été suivie naturellement par les trois jeunes, et Alice récupéra rapidement son livre pour s'y replonger, les sourcils froncés. Elle devait être en train de marmonner intellectuellement quelques insultes, ou de ressasser ce qui semblait être une fâcheuse habitude de son mari.

" Il passe sa vie au téléphone. " commenta Aaron avant de demander à nouveau ce qui était donné comme informations pour vaincre son boss.

Ada, devant le spectacle qui venait de se passer, et dans l'atmosphère électrique qui était palpable, orienta son visage vers son frère et Raven, les observant probablement derrière ses lunettes de soleil.

Face au refus d’Aaron, Raven haussa légèrement les épaules en guise d’indifférence feinte. Pourtant, l’agent aurait largement préféré se substituer à la surveillance parentale pour tenter d’approcher le Bougon mais ce dernier n’avait pas envie de laisser sa frangine toute seule. Manifestement, l’espagnol et le bahaméen n’avait pas du tout la même définition de la solitude : Ada était entourée de son père et de sa mère et Aaron semblait s’inquiéter de la laisser en pareille compagnie. Y avait-il de véritables raisons pour qu’il soit angoissé ou était-il, tout simplement, un peu trop fusionnel avec sa jumelle… Raven penchait plutôt pour la deuxième solution. En effet, Ada s’était montrée particulièrement complice avec Alice lors de leur séance « crème solaire » et la fillette ne semblait pas avoir peur de son père outre mesure. Se cachant derrière un faux instinct protecteur, le jeune espagnol voulait surement surveiller et régenter les fréquentations de sa frangine. Pauvre Ada ! Enfin, peut-être que la jeune fille aimait cette situation. Raven avait lu plusieurs articles sur la gémellité qui expliquaient combien les jumeaux se suffisaient à eux-mêmes. Cet état de fait était même un peu flippant, voire carrément malsain dans certains cas ! Songea l’agent en ouvrant le premier résultat de sa recherche sur son smartphone.

Dès que la page s’afficha, l’agent fit défiler les différentes réponses du forum d’entraide avant d’expliquer la marche à suivre à Aaron pour qu’il puisse aisément anéantir son boss. En lui révélant ainsi la réponse, Raven prenait le risque que le jeune espagnol se désintéresse immédiatement de lui au profit de sa DS. Néanmoins ce petit subterfuge lui avait permis de s’introduire auprès du garçon. C’était toujours cela de prit.

Après avoir chuchoté à son voisin les différentes étapes pour vaincre la Mort dans Dawn of sorrow, Raven rangea donc son smartphone et fit mine de s’installer confortablement pour tenter une petite sieste. Cependant, caché derrière ses lunettes de soleil, l’agent ne manqua pas une seule miette de la dispute qui éclata entre les époux Ortega. Visiblement, les affaires d’Agustin allaient bon train au grand désespoir de sa femme qui voulait profiter de ses vacances en famille sans être gêné par des coups de fil inopinés. Le jeune agent ne put s’empêcher de se faire la réflexion que s’il avait eu une femme aussi sexy que Mrs Ortega, il aurait clairement préféré étaler de la crème solaire sur le dos doré de sa belle plutôt que de répondre aux sollicitations téléphoniques. Agustin ne partageait manifestement pas son point de vue puisqu’il répondit à l’appel en s’éloignant de nouveau. Raven tendit l’oreille dans l’espoir de capter quelques bribes de conversations mais se fut Aaron qui brisa le silence en commentant l’addiction de son père.

L’agent se tourna vers son voisin avant de déposer ses Rayban dans ses cheveux encore humides.

« Laisse-moi deviner : La boite de ton père ne peut pas se passer de lui et il passe ses journées et ses nuits en communications? Typique. J’ai le même à la maison. » commenta Raven en se composant une expression empreinte d’amertume.

Cela faisait deux fois qu’Aaron faisait des reproches à peine voilés sur le comportement d’Agustin. L’agent avait tout intérêt à laisser penser à l’espagnol qu’il était lui-même en conflit avec son paternel. Abandonnant sa pause détendue, Raven décida de s’asseoir sur son transat. Il ramena ses genoux sous ses bras croisés et fit mine d’observer la mer au loin, conscient qu’il était au moins observé par Ada. Au bout de quelques instants de pseudo-contemplation qui devait laisser à penser que le jeune Arthuro n’était qu’un « pauvre-gosse-de-riche-délaissé-par-son-père » il finit par prendre la parole en s’assurant de n’être entendu que d’Aaron:

« L’année dernière j’ai jeté l’Iphone9 de mon père dans la piscine de notre baraque. Ça résout rien mais ça fait un bien fou, commenta-t-il en esquissant un sourire, tu devrais essayer. » Suggéra-t-il finalement avec un sourire plus franc.

L’agent riva de nouveau ses lunettes de soleil sur son nez et s’allongea à demi en s’appuyant sur ses coudes tout en espérant que l’adage « La confidence est contagieuse... » se vérifie.

Ravi d'obtenir les informations qui lui manquaient, Aaron se replongea dans son jeu, comme s'y attendait Raven. Ce fut la dispute de ses parents qui l'avait sorti un instant de son occupation. Le garçon acquiesça à la supposition de l'agent :

" Ouai c'est à peu près ça. Il gère plein de trucs donc on l'appelle toujours pour avoir confirmation. "

Il haussa les épaules. Après tout, il avait l'habitude et ça ne devait plus vraiment l'affecter. Alors que l'appel du jeu se faisait de nouveau ressentir, la confidence de Raven fit écarquiller les yeux d'Aaron, un sourire amusé aux lèvres :

" Tu déconnes ? " demanda-t-il pour vérifier qu'il ne se moquait pas de lui, avant de commencer à rire doucement.

" Putain, si je faisais ça, comment il serait enragé. Il serait d'une humeur massacrante. Encore plus que d'hab. Et s'il découvrait que c'était de ma faute, je te raconte pas ce que je me prendrai... "

Le garçon agrémenta son commentaire d'un petit signe de tête négatif, illustrant que rien que l'idée ne lui plaisait pas. Puis sans transition, il se remit sur sa partie, tentant d'utiliser les conseils d'internet pour vaincre son adversaire récalcitrant, sans succès. Ou du moins, Aaron n'en parla pas !

Les minutes passaient et Agusto restait au téléphone, Ada et Alice bronzaient, Aaron jouait, et Raven s'occupait l'air de rien, bien que son ventre commence à gronder. Midi approchait à grand pas, et la mère de la famille Ortega le remarqua également. Elle commença à ranger ses affaires, bientôt imitée par sa fille puis par son frère.

" Bon, on va bouffer je crois. On se voit plus tard ? "

Ada passa devant l'agent, toujours dans son maillot de bain noir et Aaron prit sa suite pour retourner à leur chambre.

Encore sur son transat, Raven remarqua qu'Alice appelait sans discrétion son mari.

" Nous allons manger, Agusto ! AGUSTO ! " cria-t-elle pour attirer son attention, ce qui ne marcha qu'à moitié.

" Si tu n'es pas là dans dix minutes, nous irons manger sans toi ! " le menaça-t-elle.

La seule réponse qu'elle reçut fut un signe de main de l'homme occupé, qui se transforma en un geste lui signifiant clairement de le lâcher quelques instants. L'air exaspéré qui venait de lui crisper le visage laissait voir qu'il n'appréciait pas du tout d'être interrompu quand il téléphonait.

Finalement, Alice partit, laissant Agusto à son appel, et Raven décida à son tour de quitter les lieux. Il devait retrouver son père de mission avant d'aller déjeuner.

De retour à la chambre, quelques minutes avant l'heure prévue, l'agent remarqua que Pablo était déjà arrivé et pianotait sur son ordinateur. Remarquant le garçon, il lui sourit avant de noter quelques derniers éléments, et de refermer le portable qu'il rangea dans le coffre fort. Il était vêtu d'un bermuda et d'une chemise dans laquelle il semblait avoir assez transpiré.

" Tout se passe comme tu veux de ton côté ? Le feeling passe avec un des gamins ? " demanda-t-il avant de retirer sa chemise en se dirigeant vers la salle de bain.

" Le père Lenny est un sacré vicelard. Il est allé faire un tour de bon matin dans des coins un peu olé olé si tu vois ce que je veux dire... Après il a passé du bon temps dans un bar à reluquer comme un fauve en chaleur. J'ai l'impression qu'il profite surtout d'Ibiza avant le rendez-vous avec Agusto. Mais j'ai toujours pas de news sur l'heure ou le lieu. "

Pablo ressortit de la pièce, vêtu d'un pantalon et d'une autre chemise.

" Notre table est proche de celle des Ortegas. C'est un buffet à midi, donc tu devrais avoir l'occasion de continuer à te rapprocher d'un des deux gamins. Enfile un truc d'un peu plus présentable pour aller au resto quand même. " lui fit-il remarquer en pointant son short de bain.

L'homme sortit son téléphone portable et pianota dessus en attendant que Raven se prépare et lui fasse part de ses commentaires.

Le personnage du fils bien élevé avait fonctionné auprès d’Ada mais c’était le numéro du gamin rebelle qui semblait charmer Aaron. En effet, ce dernier se désintéressa de son jeu vidéo momentanément pour converser avec l’agent. L’espagnol révéla que son père était continuellement occupé avant d’imaginer la lourde punition qu’il risquait de se prendre s’il osait toucher à son téléphone. En guise de réponse, Raven souffla simplement avec un sourire :

« Tu sais maintenant pourquoi j’ai pas eu droit à ma DS… »

L’agent ricana quelques secondes et laissa finalement le silence s’installer entre eux. Il ne devait pas se montrer trop pressant et laisser Aaron revenir vers lui lorsqu’il l’aurait décidé. Enfin, s’il le décidait ! Soucieux de ne pas laisser transparaitre le moindre signe d’impatience, Raven fit une boule avec sa serviette et la cala sous sa tête avant de s’allonger plus confortablement. De l’autre côté de la piscine, Agusto s’entretenait toujours avec son interlocuteur téléphonique tandis qu’Alice et Ada peaufinaient leur bronzage. L’espion résista à l’envie de se déplacer jusqu’au bar, histoire d’écouter, l’air de rien, la conversation du père mais il savait qu’il ne devait pas être trop gourmand. Il avait déjà réussi à sympathiser un peu avec Aaron, ce n’était pas le moment de tout gâcher. L’adolescent attendit donc patiemment l’heure du déjeuner qui ne tarda pas à arriver. Alice sonna l’heure du départ et ses deux enfants obtempérèrent en rangeant leurs affaires respectives. Seul Agusto traina aux abords de la piscine au grand dam de sa femme qui ne se priva pas pour l’apostropher sans grande discrétion. Raven suivit l’échange- comme tous les touristes installés autour du bassin d’ailleurs- avant de se laisser distraire légèrement par Ada qui passa juste devant lui dans son joli bikini noir. Enfin Aaron le sortit de sa douce contemplation en lui proposant de se voir plus tard. L’agent fit glisser ses lunettes de soleil sur le bout de son nez et répondit :

« Pas de problème, je suis là jusqu’à la fin de la semaine de toute manière… A+»

La famille Ortega ayant quitté les lieux, Raven rassembla à son tour ses effets et rejoignit le hall frais de l’hôtel. Il devait retrouver Pablo, son contrôleur, pour faire le point avant le repas et lui faire part de ses avancées. L’agent se présenta donc dans la chambre, quelques minutes avant l’heure prévue et trouva son père de substitution en train de pianoter sur le clavier de son ordinateur portable. Soucieux de ne pas l’interrompre dans la rédaction d’un éventuel rapport, Raven lui accorda un simple sourire et se rendit sur le balcon pour étendre sa serviette encore humide. Il regarda quelques secondes la mer turquoise et le ciel tout aussi bleu et soupira d’aise devant ce spectacle. Enfant, il avait une vue similaire depuis sa chambre aux Bahamas... Tandis qu’il se faisait cette réflexion, le sentiment de sérénité du garçon s’effaça subitement. Il devait arrêter de ressasser les vieilles rengaines du passé. Sa chambre s’ouvrait sur la fontaine en face de l’entrée principale du Campus, et sur rien d’autre. D’un geste décidé, Raven déposa deux épingles sur le tancarville et regagna la chambre. Il fit coulisser la baie vitrée qui donnait sur l’extérieur pour la refermer et s’appuya contre la vitre fraiche en attendant que son contrôleur soit disponible pour lui.
Raven aimait bien Paolo. C’était un homme souriant qui prenait le temps de lui parler. Trop d’agents du MI6 pensaient que, pour avoir l’air crédible, il fallait tirer la tronche à longueur de journée et prendre de haut les gamins de CHERUB. Heureusement, Paolo n’était pas de ce genre là. Dès qu’il eut rangé tout son matériel dans le coffre, il s’enquit d’ailleurs de la matinée de son « fils ».

« Ça a été, répondit Raven en haussant légèrement les épaules, j’ai pu me rapprocher d’Aaron mais c’est encore un peu fragile. J’espère pouvoir renforcer notre lien cet aprem ou ce soir… » ajouta-t-il en parlant légèrement plus fort pour que Paolo entende depuis la salle de bain.

Ce dernier commenta alors sa matinée sans exclure les détails croustillants de l’histoire. Un léger sourire se dessina sur les lèvres du jeune agent en entendant l’expression « Olé-Olé ». Il suffisait de dire que Lenny était allé voir des prostituées mais manifestement Paolo prenait son rôle de faux-père très à cœur : Pas de vulgarité devant son fils ! Enfin, Raven ne devait pas se laisser distraire par le langage de son paternel, bien au contraire. Il avait des informations à lui transmettre, dans les plus brefs délais :

« Pour ce qui est du rendez-vous, j’ai peut-être une piste, souffla l’agent en se rapprochant de la porte qui desservait la salle d’eau, Agusto a passé sa matinée au téléphone avec un ou plusieurs interlocuteurs. J’ai pu entendre quelques bribes de conversation. Il n’arrivait pas à caler une date avec l’autre personne au bout du fil et ils se sont finalement calés sur demain soir. Ça n’a peut-être rien à voir avec Lenny mais ça vaut le coup d’assurer une filature assez poussée pour en être sûr non ? » suggéra-t-il tandis que Paolo ressortait de la pièce vêtu d’un pantalon et d’une chemise.

Raven le suivit du regard et poursuivit son compte-rendu, en essayant de ne rien omettre :

« Mise à part ça, dans la famille, les rapports avec Agusto ont l’air tendu. Aaron craint vraiment son père- bon, rien d’anormal tu me diras - mais Alice a l’air assez excédée par le comportement de son mari. Elle lui a fait une scène devant la moitié de l’hôtel car il passait trop de temps au téléphone. Agusto avait l’air de s’en foutre. Enfin, ça ne lui a pas plu que sa femme l’interrompe au milieu de sa conversation, mais il n’a pas raccroché pour autant. » expliqua-t-il en s’asseyant sur un coin du lit.

« Après, les autres membres de la famille ont l’air de bien s’entendre. Ada semble plutôt proche de sa mère, Aaron est assez protecteur envers sa frangine et il ne remet pas en cause l’autorité maternelle. J'ai des raisons de penser qu'ils vont d'ailleurs aller faire une sortie plongée tous ensemble, sinon... Voilà. » Conclut-il au bout de quelques secondes.

Le jeune agent attendit les éventuelles questions de son contrôleur mais Paolo précisa simplement qu’ils allaient descendre déjeuner et que ce serait peut-être l’occasion pour Raven de se rapprocher davantage de ses cibles. Le jeune agent hocha la tête et rejoignit la penderie pour dégotter quelque chose de potable à enfiler pour le repas. Il jeta son dévolu sur un bermuda en lin et hésita quelques secondes entre un tee-shirt ou une chemisette blanche. Soucieux d’être raccord avec son personnage, Raven reposa la chemise, attrapa un caleçon propre et se rendit dans la salle de bain.

« Ah oui, au fait, ça serait bien qu’on se fasse la gueule pendant le repas, expliqua le bahaméen tout en retirant son maillot de bain, j’ai dit à Aaron que tu étais un homme d’affaire trop accaparé par ton boulot pour t’occuper de ton fils. D’ailleurs, pour te montrer que j’existe, j’ai jeté ton téléphone dans la piscine de notre maison – ouais on est des gros bourges et on a une piscine- et du coup tu m’as puni en me privant de DS. Ça te va ? » Demanda l’agent en passant sa tête dans l’entrebâillement de la porte, Si tu veux, pour peaufiner mon personnage, je peux la jouer méga-rebelle en envoyant mon bol de soupe de poisson sur ta chemise propre durant le repas, plaisanta finalement l’agent en arborant un léger sourire coquin.

Tout en ricanant, Raven regagna l’intérieur de la salle de bain et se lava sommairement avant d’enfiler ses vêtements. Il examina rapidement son visage dans le miroir et remarqua de nouvelles taches de rousseurs apparues sur son nez à cause du soleil. Au bout de quelques minutes, le jeune agent sortit enfin de la salle d’eau. Il attrapa sa petite besace en cuir dans laquelle il glissa son portefeuille, son portable et les clefs de la chambre avant de ranger soigneusement dans une poche intérieur les micros à déposer chez les Ortega.

« On sait jamais ! lança-t-il à l’intention de son contrôleur, Bon, on descend ? J’ai trop la dalle là ! »finit-il par dire en posant la main sur le loquet de la chambre…

A la révélation d'un éventuel rendez-vous le lendemain soir, Pablo avait émit un grognement alors qu'il se changeait encore. Un peu plus amusé par la scène téléphonique, l'homme déclara :

" Tu m'étonnes. Ca la fout mal de se faire dresser par sa femme quand on est au téléphone avec des mafieux... "

L'attention fut également attiré sur la sortie prévue :

" De la plongée ? Tu sais quand ? Tu te débrouilles dans la flotte je crois ? Il faut que tu t'incrustes. L'hotel organise quelques sorties marines en milieu d'après midi, chaque jour. Ils doivent parler de celles-là. "

Puis les deux échangèrent leur place à la salle de bain, alors que le jeune agent indiquait quelques détails de leur couverture.

" Faire la gueule ? Je dois faire le méchant... Ok. Je suis plutôt sympa si je t'ai juste privé de console... Vu le prix de l'iphone... Personnellement, Je t'aurai fait bosser dans un bouiboui pour gagner de la thune et me le rembourser, au minimum. Privé de sortie, naturellement, et heure de retours des cours précise. Pas de télé. Pas d'ordi. Pas de téléphone. "

La proposition de lui jeter un bol de soupe sur la chemise fit également sourire Pablo, alors qu'il pianotait sur son smartphone.

" Je me ferai un plaisir de te filer une baffe devant toute l'assemblée, voire deux. T'as passé l'âge de la fessée déculottée je crois. Sauf si montrer ton cul à la gamine Ortega fait parti de ton plan drague. "

Lorsque Raven eut finit de se préparer, la chambre fut quittée et le restaurent fut atteint à peine une minute plus tard. La famille Ortega était comme prévu présente, hormis Agusto. Alice était attablée, visiblement de mauvaise humeur, devant son assiette presque vide. Seul ce qui ressemblait à une salade d'haricots verts occupait l'espace.

Ada et Aaron se trouvaient autour d'une des tables du buffet, se choisissant un repas un peu plus consistant que celui de leur mère. Les mets proposés étaient nombreux en terme de légumes et de viandes, tout comme les fruits et les pâtisseries en dessert. Comme à leur habitude, les deux jumeaux étaient collés à l'autre, jusque dans leurs passages de buffet en buffet. Quelques tables commençaient déjà à se remplir d'autres clients de l'hotel, et Pablo se dirigea tout naturellement vers l'une de celles proches de la famille cible.

" Bon, va te prendre à bouffer pendant que je garde la table. Et charge pas trop ton assiette. T'as vu ton bide ? T'as pas besoin de bouée à la piscine. "

Le rôle du père sans aucune délicatesse ne semblait pas du tout poser de problème à l'agent, qui, en tout professionnalisme, lançait un pique qui n'était pas si dénué de vérité. Celui-ci s'assit ensuite à sa table, les jambes étirées, alors qu'il se plongeait dans son smartphone pour y tapoter de nouveau, totalement indifférent à la moindre réaction que son fils pourrait émettre. Alice, quant à elle, n'avait pas manqué la scène et avait relevé les yeux en silence vers le pauvre garçon agressé par son père.

Ada et Aaron se trouvaient devant un poisson allongé sur des dés de glace, en décoration du buffet "fruits de mer". Le garçon faisait rire sa soeur en remuant le menton de l'animal en lançant de petits gémissements :

" Bwaa, bwaa, c'est froid, c'est froid, bwaa. "

Raven écouta avec un sourire amusé Pablo épiloguer sur les différentes sanctions qu’il souhaitait réserver à son jeune fils rebelle.

« J’ai moins de 14 ans, t’as pas le droit de me faire bosser, répondit toutefois ce dernier avec un air faussement narquois, quant à la fessée… Ça relève de la maltraitance sur mineur. Je peux t’envoyer en tôle pour ça. » Ajouta-t-il avec un large sourire.

L’ambiance bon enfant qui régnait au sein de la chambre d’hôtel agissait comme un petit sas de décompression pour le bahaméen. Cela lui permettait de recharger ses batteries avant de se fondre une nouvelle fois dans la peau d’Arthuro, ce qu’il ne tarda pas à faire, dès la porte de la chambre franchie. Le sourire enfantin laissa vite place à une moue boudeuse typique du pré-adolescent en crise. Il riva ses mains au fond des poches de son short et devança son père de quelques pas sans lui adresser la parole tout le long du trajet qui les mena jusqu’au restaurant.

Pour composer ses personnages, Raven prenait souvent exemple sur ses compagnons du Campus. Il aimait bien observer les autres agents afin de mimer leurs postures ou leurs expressions pour peaufiner un rôle. Par exemple, pour jouer un enfant spontané et nature, il copiait le comportement de Maxence « Tabernacle » Roy, le vocabulaire pittoresque en moins. Pour incarner un jeune bien dans ses baskets, il fallait se tourner vers l’aisance et la force tranquille d’un Flynn Matthews. Cependant, pour interpréter l’ado rebelle, Raven avait vraiment l’embarras du choix en terme de modèle. En effet, de nombreuses recrues de CHERUB avaient d’ailleurs rejoint ce département grâce à cette caractéristique. Malheureusement le bahaméen ne se classait pas dans la catégorie des insoumis et c’était pour lui un véritable rôle de composition que de jouer les gamins indisciplinés. Le secret était de ne pas tomber dans l’excès ou la caricature en enchainant les provocations inutiles envers son faux-père. Ainsi, lorsqu’il rentra dans la spacieuse salle à manger de l’hôtel, l’agent s’effaça afin de laisser le choix de la table à son paternel tout en sachant que Pablo allait surement se diriger vers un emplacement proche des Ortega. D’ailleurs, Raven ne manqua pas de remarquer l’absence d’Auguto ainsi que la mine dépitée d’Alice. Un peu plus loin, les jumeaux étaient occupés à choisir leurs différents mets autour du buffet, toujours collés l’un à l’autre. Faussement résigné, Raven suivit son contrôleur jusqu’à la table voisine de celle de la famille et s’apprêtait à s’installer lorsqu’ il fut interrompu par la tirade assassine de son faux-père.

Le bahaméen leva un regard incrédule en direction de Paolo. Il était vraiment Génial ! Un petit coup de maltraitance psychologique sous les yeux d’une mère de famille, et hop ! Arthuro devenait un pauvre enfant martyr qui attirerait forcément la pitié d’Alice ! Soucieux de saisir cette opportunité, Raven tira légèrement sur le bas de son tee shirt (qui lui moulait un peu le ventre, il est vrai) avant de croiser le regard de la mère Ortega. Dans cet échange furtif, l’agent tacha de faire passer toutes les sensations que devait ressentir son personnage : De l’embarras, de la colère et même un peu de honte d’avoir un père aussi con.
Néanmoins, il détourna rapidement les yeux et reporta son attention sur Paolo qui l’ignorait prodigieusement. L’agent du MI6 était vraiment très doué pour jouer les salauds ! Raven ouvrit la bouche pour s’offusquer d’un tel traitement avant de faire mine de se raviser. La pseudo-colère contenue permettait de maintenir un climat de tension qui attirerait l’attention d’Alice plus durablement qu’un unique coup d’éclat.
Priant pour avoir prit la bonne décision, l’agent secoua imperceptiblement la tête et rejoignit le buffet garni par une montagne de saveurs… Paolo lui avait tendu une perche immense pour qu’il se gave comme un porc et Raven n’allait surement pas laisser passer cette occasion ! De toute manière, la prochaine visite médicale s’annonçait déjà problématique à cause de son léger surpoids alors il n’était pas à ça près, songea-t-il en se servant une énorme louche de salade de pâtes froides. L’agent bifurqua ensuite vers les produits de la mer où les jumeaux étaient justement en train de composer leurs assiettes.

« Je suis sûr qu’on peut en trouver des aussi gros dans la baie, souffla l’agent en désignant d’un mouvement du menton le poisson avec lequel s’amusait Aaron. Eh ! Ça vous dit qu’on aille pêcher cet aprem’ ? ajouta-t-il subitement comme s’il venait d’avoir cette idée lumineuse à l’instant, Alleeez, insista-t-il, je ne veux pas passer le reste de la journée avec mon vieux, murmura-t-il en jetant un regard au dessus de son épaule. Enfin, il reporta son attention sur Aaron, parfaitement conscient qu’il était le principal décisionnaire du binôme… Même si le jumeau refusait sa proposition, Raven aurait peut-être l’opportunité d’en savoir plus sur le programme de l’après-midi chez les Ortega…

A l'arrivée de Raven, Aaron tourna la tête vers celui-ci afin d'écouter le commentaire sur l'animal marin. Pas convaincu, il demanda :

" T'es sûr ? C'est un poisson de haute mer ça... "

La proposition enjouée du garçon qui suivit sembla surprendre le fils Ortega qui répondit sans ménagement :

" Non, non. On peut pas cet aprem. Et puis en plus, notre mère préfère que nos activités soient encadrées par des pros. Elle aime pas trop nous laisser nous éloigner sans savoir exactement où on est. Le truc un peu chiant quoi. " détailla-t-il avant de se désintéresser du cadavre.

Les jumeaux continuèrent à faire leur tour de buffet et le garçon sembla s'arrêter un peu plus longtemps devant les desserts. Le choix était en effet difficile, entre les fruits parfois en salade, les yaourts, les pâtisseries, les fromages et autres glaces. Un paradis pour les gourmands qui avait de quoi ravir les petits et les grands !

Ada lui lança d'ailleurs qu'ils avaient bien le temps d'arriver au dessert et de revenir choisir après. Aaron avait déjà deux assiettes pleines dans les mains et devait avoir les yeux plus gros que le ventre. il répondit par la positive à sa soeur, et alla s'attabler avec elle, plus raisonnable, en laissant l'agent en plan entre le poisson et les légumes.

Pablo quant à lui attendait toujours à la table, passionnément lié à son téléphone en attendant que son fils revienne.

Soudainement, Raven sentit qu'on lui tirait le t-shirt. En se retournant, il reconnut l'enfant :


" Tu veux être mon ami ? "

[hrp : un message discret a été glissé dans ce message, sauras-tu le remarquer ? ]

Lorsqu’Aaron émit un doute concernant les connaissances en matière de pêche de Raven, ce dernier retint difficilement une protestation. Oui, il était parfaitement sûr de ce qu’il avançait, et non, ce n’était pas un petit citadin qui allait lui donner des leçons en matière de poisson ! Il avait passé les huit premières années de sa vie les pieds dans l’eau à observer la faune aquatique et il savait reconnaitre un poisson de bord de mer lorsqu’il en voyait un !
Légèrement blessé dans son orgueil, l’agent se contraignit toutefois au silence. Ce n’était pas le moment de faire foirer la mission en ne parvenant pas à mettre sa fierté de côté ! Le bahaméen se servit donc un bol de guisat de peix et écouta silencieusement le jumeau décliner sa proposition d’une sortie pêche avant de s’éloigner avec sa sœur en direction du buffet des desserts.
Raven les suivit simplement du regard et reporta finalement son attention sur l’étale des fruits de mer. Machinalement, il se servit un assortiment de crustacés tout en digérant les rares informations que lui avait délivrées sa cible.
Cet après-midi les Ortega ne pouvait pas sortir. Ils avaient donc déjà prévu quelque chose. Peut-être était-ce la fameuse sortie plongée organisée par l’hôtel ? Si l’agent n’arrivait pas à en savoir davantage durant le repas, il irait subtilement enquêter auprès de l’hôtesse d’accueil qui tenait le registre des inscriptions pour les sorties dans le hall de l’établissement…

Alors qu’il se servait une grosse cuillère de mayonnaise pour accompagner ses langoustines, Raven sentit soudainement une pression sur son tee-shirt. Interloqué, l’agent fit volte face et découvrit, non sans surprise, la gamine au bracelet de la piscine. La fillette le regarda quelques secondes avec ses grands yeux clairs avant de lui demander de but en blanc s’il voulait être son ami.

*Bordel !* songea l’agent en haussant les sourcils. Avant de répondre quoique ce soit, il tenta toutefois de voir si la petite pouvait lui être d’une quelconque utilité. Pour le moment elle ne semblait pas particulièrement proche d’Ada avec qui elle aurait pourtant pu nouer des liens malgré leur différence d’âge. En effet, ce n’était pas rare de voir des préadolescentes jouer à la grande sœur avec des gamines un peu plus jeunes qu’elles… Seulement, ce scénario ne semblait pas correspondre au tempérament de la jumelle qui était bien trop proche de son frère pour s’en détacher au profit d’une autre personne. Cette petite fille innocente risquait tout simplement de devenir le pire cauchemar de Raven si jamais elle continuait à le coller de la sorte ! Il devait lui faire comprendre qu’il n’avait vraiment pas envie d'être ami avec elle, en dépit de leurs gouts similaires en matière de bracelet…

« Non, désolé. » répondit-il sans animosité aucune, je suis trop grand pour jouer avec toi. » ajouta-t-il avant de se détourner.

L’agent espérait que cela suffirait et que la gamine n’allait pas lui faire une scène au milieu du restaurant. Il attrapa son assiette bien garnie et son bol de ragout de poisson, la spécialité locale, et retourna auprès de son paternel qui avait toujours son nez rivé à son Smartphone. A la table d’à côté, les enfants Ortega avaient pris place autour de leur mère. Raven leur accorda un regard mi-écœuré, mi-résigné, censé témoigner de toute l’antipathie qu’il éprouvait pour son père, avant de s’asseoir face à lui. Enfin, l’agent attendit que PaBlo découvre le contenu de son assiette sans toutefois oser le regarder dans les yeux .Certes il défiait son paternel, mais Raven voulait montrer qu’Arthuro ne faisait pas le malin non plus. On pouvait d’ailleurs interpréter cet acte de rébellion de différentes manières :
Pour un observateur au fait de la psychologie adolescente, on pouvait voir dans le comportement d’Arturo une volonté d’attirer l’attention de son géniteur tout en ne perdant pas la face suite à la brimade que Pablo avait osé lui proférer en public. Raven espérait d’ailleurs qu’Alice décrypterait de la sorte son comportement et qu’une certaine empathie se développerait en direction de son personnage.
Malheureusement, on pouvait aussi imaginer que Pablo avait agit pour le bien-être de son fils en surpoids et qu’Arturo n’était qu’un petit con qui remettait en doute l’autorité toute puissante de son père. L’agent osait toutefois penser que la mère Ortega n’était pas une adepte des humiliations publiques et qu’elle prendrait fait et cause pour son rôle…
En fait, tout dépendait de la réaction de Pablo. Allait-il pousser l’humiliation encore plus loin ou se contenter de désapprouver avec un simple regard ?
Personne ne le savait. Pas même Raven. La seule chose dont il était sûr, c’était que son contrôleur était assez imprévisible pour qu’il envisage toutes les possibilités, de la plus sage à la plus douloureuse…


[hrp : Si on pouvait éviter la fessée déculottée, Raven t’en serait reconnaissant…]

La fillette afficha une moue boudeuse, devant le nouveau refus de Raven de jouer avec elle. Faisant les gros yeux, elle lui lança, comme si elle s'en foutait même pas mal :

" Hé bah je ferai mes bracelets toute seule, et je les donnerai à mes copines, nah ! "

Satisfaite de sa réponse ô combien violente, qui ne laisserait probablement qu'un garçon en miette, écoeuré d'avoir perdu une telle occasion de s'amuser, la fille retourna à sa table un peu plus loin, où elle déjeunait avec ses parents. A en croire la banane qu'elle tenait à la main, elle s'était levée pour aller la prendre au buffet avant de voir Raven et de lui faire une proposition impossible à refuser.

De retour avec son père, Arturo n'eut pas le regard désapprobateur auquel il s'attendait. En fait, il n'eut aucun regard, tout court. Pablo était toujours plongé dans son smartphone, et la présence de son fils semblait presque être secondaire. Il resta bien une trentaine de secondes à fixer son écran en le tapotant, ou à passer son doigt dessus pour faire défiler un contenu, avant de finalement se lever sans crier gare, et de coller son téléphone à l'oreille en s'éloignant.

Devenant un autre homme, Pablo prit un air jovial en faisant quelques pas :

" Oui ? Roberto ? C'est Pablo ! Comment vas-tu ? Tout se passe bien ? " commença-t-il à discuter, plantant Raven à sa table comme s'il n'existait pas.

Alice n'avait en rien manqué la scène, et avait même relevé un sourcil de surprise devant la solitude établie du garçon. Ada aussi semblait avoir remarqué ce qu'il arrivait, tandis qu'Aaron, de dos, avait le nez dans son assiette. Les deux filles s'échangèrent un regard, visiblement tristes par empathie. Le fils Ortega finit par se retourner devant le visage du reste de sa famille attablée, et comprit rapidement la situation.

Un murmure passa rapidement entre les trois, et Aaron se retourna en appelant l'agent :

" Hey ! Tu veux manger avec nous ? " demanda-t-il, alors que Pablo s'éloignait toujours pour discuter en faisant les cents pas, un air totalement différent au visage tel qu'il l'avait eu en présence de son fils.

Alors qu’il attendait une réaction violente de la part de son père suite au contenu de son assiette, Arturo ne récolta qu’une extrême indifférence. Pablo ne semblait même pas avoir remarqué que son fils venait de s’installer face à lui. Raven resta silencieux, parfaitement conscient qu’il devait réussir cette scène-clef du petit scénario. Il ne savait pas si l’attention de la famille Ortega était portée sur Pablo et lui –il n’osait pas tourner la tête pour vérifier- mais ils devaient tout donner.

Lentement, le bahaméen leva donc les yeux vers son contrôleur qui l’ignorait toujours parfaitement. Devant tant de froideur, Raven attrapa sa fourchette et fit rouler quelques morceaux de pomme de terre dans son assiette, attendant le feu vert de Pablo pour manger (ou pas). Mais rien ne vint. Ni reproche, ni remontrance. Pas même un regard. Au bout de quelques minutes à scruter son téléphone, l’agent du MI6 finit d’ailleurs par se lever, et, sans accorder la moindre attention à son fils, il le planta là, tout seul devant son assiette garnie.
Abasourdi, Arturo suivit son père du regard, un masque d’incrédulité imprimé sur son visage. Pourtant, intérieurement, Raven ne pouvait que se féliciter de la tournure des événements ! Si la famille Ortega avait suivi cet échange, Alice serait obligatoirement touchée par le triste sort réservé à l’adolescent rondouillard de la table d’à côté. En fait, Pablo avait tout compris. S’il s’était énervé, cela aurait montré qu’il accordait au moins un peu d’importance à son fils. Là, c’était bien pire. Raven avait conscience de l’importance de ce moment où son personnage se rendait enfin compte qu’il était réellement invisible aux yeux de son propre père… Désillusion, tristesse et colère. Ce n’était pas si difficile que cela à jouer finalement, songea l’agent en sentant ses yeux le picoter. Il suffisait d’observer la mine joviale de Pablo lorsqu’il était loin de lui, de penser à un truc triste et injuste -genre ses parents écrasés sous un arbre- Et hop ! Le tour était joué ! Le visage de Raven venait de se décomposer en quelques secondes. Cependant, il ne fallait surtout pas que cela dure trop longtemps sous peine de passer pour une vraie lopette. L’agent chassa donc de son esprit l’image de ses vrais parents écrabouillés afin de ne pas se laisser submerger par une vague d’émotion qu’il aurait du mal à maitriser. Il se remémora plutôt le jour où il avait planqué tous les vêtements des gars du Campus pendant qu’ils prenaient leur douche au vestiaire... Voilà.
Le jeune agent secoua imperceptiblement la tête et se désintéressa de son faux-père avant de s’appuyer sur le dossier de son siège en soupirant. Faisant mine de regarder les choses sans les voir, il laissa son regard vagabonder jusqu’à ce qu’il croise celui d’Alice qui semblait l’observer avec une immense pitié.
*Bingo !* songea –t-il en détournant toutefois le regard, faussement gêné.

Son jeu d’acteur avait visiblement fait mouche ! Comme quoi, ça pouvait servir d’avoir assisté à la mort de ses parents et d’être, par conséquent, traumatisé à vie. Enfin, Raven ne devait pas oublier de remercier Pablo qui lui avait offert ce rôle sur un plateau.
Persuadé de sa réussite, Le bahaméen reporta son attention sur son assiette tout en pariant mentalement que dans moins de dix secondes, il se faisait inviter à la table des Ortega. Au bout de sept secondes et huit centièmes, Aaron se retourna enfin pour l’inciter à les rejoindre.

« Eh bien… C’est que… » commença Raven faisant mine d’hésiter tout en observant, tour à tour, la famille qui lui ouvrait les bras et son faux-père toujours au téléphone un peu plus loin, je…Hum. OK. » trancha-il finalement en faisant racler sa chaise sur le sol en se levant. Il attrapa son assiette et son bol et déposa le tout sur la table des Ortega avant d’adresser un sourire contrit à Alice :

« Merci. Je ne vous embêterai pas longtemps. Juste le temps que mon père ai fini son coup de fil. » ajouta-t-il en se retournant une ultime fois pour regarder Pablo. Au bout de quelques secondes (juste assez pour laisser planer un léger malaise), le bahaméen se détourna et s’assit aux côtés d’Aaron, face à Ada.

« Au fait, moi c’est Arturo.» lança-t-il avec un sourire plus franc cette fois, je viens de Barcelone. » Précisa-t-il alors tout en décortiquant une langoustine à l’aide de sa fourchette et de son couteau, C’est la première fois que je viens à Ibiza. Je trouve que c’est plutôt joli. En plus l’hôtel est sympa…Vous ne trouvez pas ?» demanda-t-il avant d’avaler une bouchée de crustacé préalablement trempé dans de la mayonnaise…

Alice sourit à Arturo et le rassura :

" Reste à notre table autant que tu le veux. Mon mari va encore rester une heure au téléphone. J'imagine que c'est pareil pour ton père. "

Aaron se saisit du peu d'informations qu'il connaissait de son nouveau camarade et lança :

" Ouai, son père est aussi un addict du téléphone. Il a même jeté son iphone à la flotte chez eux ! " indiqua le garçon en désignant Arturo.

Alice et Ada sourirent devant cette révélation, puis l'agent se présenta. La mère fit donc de même en commençant par ses enfants :

" Ada et Aaron, mais tu dois les connaitre. Moi c'est Alice. Barcelone ? J'y ai vécu avec mon mari ! Agusto y avait le siège de son entreprise à une époque. C'est une belle ville. L'architecture est très différentes d'ailleurs. "

La famille dégusta le repas pendant que Raven faisait la conversation. Les jumeaux semblaient avoir perdu leur langue, à moins qu'Alice ne s'impose naturellement.

" Nous venons souvent à Ibiza. Normalement cette fois c'est en vacances, alors on essaye de profiter de diverses activités. Agusto avait promis de freiner le téléphone, mais il faut croire qu'il n'y arrive pas. " nota-t-elle avec une pointe d'amertume.

" Moi je trouve l'hotel cool. " réagit soudainement Aaron, semblant trouver une fenêtre pour parler où il n'avait pas le bouche pleine.

" En plus y'a plein de trucs à faire. T'as vu la salle d'arcade à côté de la réception ? C'est trop bien ! "

" On ne vient pas ici pour jouer à des vieux jeux ! " répondit sa mère tout de suite. " En plus ça coûte une fortune ! " argumenta-t-elle en défaveur du loisir multimédia.

" Mais y'a des jeux de flingues, c'est trop cool ! "

" Et un jeu de danse. " rajouta sa soeur en souriant.

Pablo avait bien remarqué du coin de l'oeil le manège de Raven et son arrivée à la table de la famille Ortega. Il continuait à parler, l'air de rien, toujours éloigné de la table, faisant des va-et-vient incessants.

Après quelques nouvelles minutes, Agusto arriva. L'ambiance sembla soudainement tendue, le repas était bientôt terminé.

" Il était temps. " commenta Alice.

" C'était important. " se justifia simplement l'homme en observant Raven.

" Et tu es ? "

" C'est un ami de tes enfants. Arturo. Ils ont au moins en commun d'avoir un père absent quand il est l'heure de manger. " lança-t-elle en indiquant de la tête Pablo.

Agusto observa le père de Raven avant de se reporter sur sa famille.

" Si quand je reviens c'est pour être critiqué, autant ne pas revenir. " jeta-t-il, visiblement agacé par sa femme.

Agusto jeta un coup d'oeil à Raven qui semblait soudainement devenir le cadet de ses soucis, puis se dirigea vers le buffet pour se prendre de quoi déjeuner. Alice s'excusa ensuite auprès de l'agent, alors que les jumeaux mangeaient silencieusement le regard baissé dans leur assiette.

Alice faisait véritablement preuve d’empathie envers le jeune agent. Elle associait visiblement la solitude d’Arturo à celle de ses propres enfants et surement un peu à la sienne. En effet, tout le monde au sein de l’hôtel avait pu se rendre compte que madame Ortega était délaissée par son mari… Et ça, c’était bon pour Raven ! Alice était tellement aveuglée par cette identification qu’elle semblait même cautionner le geste de colère d’Arturo à l’encontre du smartphone de son père. Nul doute qu’elle avait dû avoir le même type de pulsions vis à vis du téléphone d’Agusto.

Néanmoins, l’agent n’était pas là pour faire une analyse psychologique de la famille Ortega. Même s’il aimait bien observer les gens et tenter d’en deviner un peu plus sur eux, il ne devait pas perdre de vu son objectif : Enregistrer –ou entendre- une conversation entre Lenny et Agusto au sujet du trafic de cocaïne. Tout en mangeant, le jeune homme se demanda si Alice était mêlée à ce petit commerce. Elle avait l’air d’être une bonne mère, bien sous tous rapports, mais l’agent était la preuve vivante qu’il ne fallait pas se fier aux apparences. Il décida donc d’amorcer la conversation afin d’en savoir davantage sur ses hôtes. En toute logique, Alice présenta sa famille avant de révéler qu’elle avait vécu quelques années à Barcelone, soulignant par la même occasion la richesse architecturale de la ville.

«Ouep, Gaudi ! lança l’agent en pointant l’extrémité de sa fourchette en direction d’Alice, J’habite pas loin du parc Guell ! » précisa-t-il après avoir avalé sa bouchée.

Le jeune homme n’avait pas choisi cette ville au hasard. Ses vrais parents avaient travaillé dans le tourisme au sein de la cité catalane avant sa naissance. Dans l’album photo familiale, que Raven avait feuilleté durant son enfance, il y avait donc des dizaines clichés de la ville que ses parents n’avaient pas manqué de lui commenter. Sans y avoir mi les pieds, le bahaméen avait l’impression d’avoir foulé les pavés de la rambla et observé les hautes flèches de la Sagrada Familia. D’ailleurs, peut-être qu’Arthur et Margaret avaient croisé le chemin des Ortega des années plus tôt…

Alors que Raven songeait à cette éventualité, Alice le sortit de ses pensées en se plaignant une nouvelle fois de l’indisponibilité de son mari… Hum. Si Raven réussissait sa mission, Agusto risquait d’être injoignable pendant un sacré bout de temps, pensa l’agent en adressant toutefois un sourire compatissant à la mère de famille.

Aaron sortit de son mutisme à ce moment là pour emettre son avis sur la qualité de l’hôtel. Raven écouta attentivement son voisin tandis que celui-ci vantait les qualités de la salle d’arcade attenante au hall de réception. L’agent avait bien évidemment visité ce lieu lors de son repérage sans pour autant s’attarder sur les différents jeux disponibles.

« Un jeu de tir ? Cooool ! On fera une partie si tu veux ! » commenta-t-il avec enthousiasme entre deux bouchés.

L’agent avait conscience qu’il devait absolument creuser sa relation avec les jumeaux et pas seulement offrir une oreille attentive à Alice Ortega. Et pour cela, quoi de mieux qu’une petite séance de tir avec son pote bougon ! Certes, il s’agissait d’un jeu vidéo –la sainte horreur de Raven-mais les jeux d’arcade avaient au moins l’avantage de simuler un minimum la réalité…

« Par contre Ada, je ne te propose pas un battle de danse parce que je suis sûr que tu vas me laminer ! précisa-t-il avant d’adresser un large sourire à la jeune fille, je suis vraiment trop nul ! expliqua-t-il finalement en piquant un morceau de mérou dans son ragout de la mer.

D’ailleurs, les poissons allaient-ils mordre à l’appât ? Raven espérait que ce qu’il venait de dire allait titiller la curiosité et l’envie de ses deux cibles. Aaron voudrait surement se mesurer à lui et, qui sait, Ada se proposerait peut-être pour lui donner quelques cours de danse…
En tout cas, si cela devait avoir lieu, ça se ferait dans le dos de « Maman Ortega » qui ne semblait pas voir les jeux-vidéos d’un très bon œil… L’agent ne releva pas les remarques de cette dernière et décida de remettre le sujet sur le tapis dès qu’il serait seul avec les jumeaux. Il reprit donc le cours de son repas comme si de rien n’était. Malgré les faibles remontrances d’Alice, l’ambiance fut plutôt bon enfant jusqu’à l’entrée d’Agusto. Dès que le trafiquant arriva, sa femme ne se priva pas pour lui envoyer une petite pique bien sentie. Raven fit mine d’être un peu gêné et reporta son attention sur son assiette ….vide. Bordel ! Il était vraiment trop bien dans son rôle de gamin grassouillet ! Néanmoins, il n’eut pas le loisir de contempler la porcelaine bien longtemps puisqu’Agusto le somma de se présenter d’un ton sec.

« Euh…Bonjour…» commença Raven en hésitant pour ne pas paraitre trop sûr de lui, …je suis… »

Il n’eut cependant pas l’occasion de finir sa présentation puisqu’Alice vola littéralement à son secours, telle une louve qui protège ses petits. Elle ne se gêna pas pour rabrouer une nouvelle fois son époux, ce qui eut au moins le mérite d’accaparer l’attention d’Agusto. En effet, devant l’affront de sa femme, le petit Arturo devint immédiatement le cadet des soucis du trafiquant. D’ailleurs, ce retournement de situation n’était pas pour déplaire à l’agent. Il devait se faire oublier et calquer son comportement sur celui des jumeaux. En silence, il sauça son assiette à telle point qu’il pu bientôt deviner son propre reflet au fond du plat.
Enfin, après un bref échange houleux avec sa femme, Agusto délaissa la tablée pour rejoindre le buffet. Dès qu’il fut parti Alice s’empressa de s’excuser auprès de Raven. L’agent leva les yeux de son assiette et dévisagea quelques secondes la mère de famille. Il ne comprenait pas pourquoi elle restait avec un type pareil. Lorsque l’on se sentait obligé d’excuser le comportement de son mari auprès d’un gamin de 13 ans, il fallait vraiment se poser des questions ! songea l’agent avant de répondre:

« C’est pas grave, vous inquiétez pas pour ça. »

Il haussa les épaules avec fatalité et se reconcentra immédiatement sur sa mission. L’atmosphère était lourde et c’était le moment rêvé pour jouer le gamin qui essaye maladroitement d’apaiser le climat en relançant la conversation. L’agent devait juste choisir un sujet pertinent, déjà tout trouvé :

« Et sinon, vous avez déjà participé aux animations de l’hôtel ? J’ai vu qu’il y avait une soirée Karaoké demain et tous les après-midis, il y a aussi des sorties plongées. J’aimerai bien en faire une un jour…A ce qu’il parait, les fonds sous-marins sont très beaux ici. » conclut-il en hochant doucement la tête.

Aaron fut ravi de se trouver un camarade de jeu pour la salle d'arcade, même si l'oeil désapprobateur d'Alice était clairement identifiable. Ada quant à elle sourit à Arturo qui se défilait d'avance pour danser en concurrence avec elle. Le jumeau ne manqua d'ailleurs pas de rajouter que sa soeur était suffisamment agile pour humilier le garçon !

Mais entre temps, Agusto était passé et l'ambiance avait été plombée assez lourdement. Heureusement, l'agent tentait habilement de relancer la discussion dans une direction qui l'arrangeait particulièrement. Aaron prit directement la parole :

" J'aime pas le karaoké moi. C'est un truc de fille. Mais on fait de la plongée à chaque fois qu'on vient dans le coin ! On y va cet aprem d'ailleurs ! Mais y'a plus de places je crois... "

Alice confirma alors :

" Nous avons pris les dernières places pour l'après-midi oui. Il faut réserver à l'avance pour ce genre de chose. Peut être que si tu demandes à ton père, il acceptera de t'inscrire pour demain, ou le jour suivant ? "
essaya-t-elle de tempérer tout de même.

Agusto revint soudainement, l'assiette remplie de quelques mets du buffet. Sans dire un mot, il s'assit à la dernière place libre entre Raven et Alice, fermant le cercle de la table aux assiettes vides. Un nouveau blanc s'installa rapidement, avant que le père ne demande :

" Quoi ? Je vous empêche de parler ? "

Du coin de l'oeil, Arturo remarquait Pablo qui continuait à téléphoner. Celui-ci s'était placé dans l'axe de vision de l'agent afin que les deux puissent s'observer l'un et l'autre. D'ailleurs, l'homme regardait régulièrement l'adolescent, l'air de rien, comme s'il attendait un signal.

Un voile de déception passa sur le visage d’Arturo lorsqu’il apprit qu’il n’y avait plus de place pour la sortie plongée de l’après-midi. Il écouta attentivement les conseils d’Alice avant d’afficher un léger sourire:

« Ce n’est pas très grave,j’irai m’inscrire tout à l’heure pour la session de demain ! lança-t-il en s’appuyant sur le dossier de sa chaise, Mon père viendra peut-être avec moi… »

L’agent jeta un regard en biais à son contrôleur avant d' hausser les épaules, fataliste.

« Vous y allez tous ensemble?" reprit-il à l’intention des trois autres protagonistes avant de se perdre dans la contemplation de sa fourchette.

L’agent laissa le silence s’installer tandis qu’il tentait d’en savoir plus pour planifier son après-midi. Dans un premier temps, il voulait savoir si Agusto comptait accompagner sa famille dans leur découverte des fonds sous-marins. Le bahaméen avait cru comprendre que ce serait le cas un peu plus tôt dans la matinée lorsque le trafiquant avait, semble-t-il, décliné un rendez-vous pour l’après-midi même en prétextant cette sortie plongée. Cependant Raven voulait en avoir le cœur net pour transmettre cette information capitale à Pablo. Si Augusto restait seul à terre, c’était l’occasion rêvée pour lui de rencontrer Lenny.
En revanche, si le père de famille accompagnait sa marmaille, Raven devait être de la partie. Coûte que coûte. Le jeune homme passa rapidement en revue les différentes possibilités qui s’offraient à lui. La première, et la plus simple, était de se présenter à l’accueil et vérifier qu’il n’y avait pas eu de désistement pour la sortie de l’après-midi.
Si ce n’était pas le cas, Raven avait d’autres échappatoires, certes plus compliquées à mettre en œuvre, mais pas complètement impossible :
Saboter le bateau de l’hôtel pour que la sortie soit annulée et que les participants soient obligés de rejoindre le groupe du lendemain (dans lequel Raven se serait préalablement inscrit, ça va de soit.) Ca s’était dans ses cordes : Lorsque l’on était particulièrement doué en mécanique, on était forcément compétent en sabotage. Cependant, ce n’était pas sur, à 100% que l’hôtel gère le report de participants de la sorte… Raven devait donc envisager d’autres solutions :
Se connecter sur le serveur de l’hôtel et modifier la liste des inscrits. Possible aussi, seulement si il n’y avait pas de manipulations trop complexes à effectuer. C’était Léo l’as de l’informatique, pas lui ! Se glisser discrètement derrière le comptoir pour changer un nom, oui. Pirater un système informatique ultra-protégé, non.
Ou alors, l’agent pouvait encore provoquer le désistement de plusieurs personnes. Après tout, ce n’était pas très compliqué. Ils étaient parmi les premiers clients de l’hôtel à manger, il suffisait de verser discrètement du laxatif dans l’un des jus de fruit du buffet en libre service, pour déclencher une vague de pseudo-tourista auprès des clients qui comptaient déjeuner un peu plus tard… Mouai, c’était envisageable… songea l’agent en jetant un regard insistant à destination de son faux-père. Raven devait soumettre ses hypothèses à Pablo rapidement afin qu’ils prennent une décision conjointement sur leur marche à suivre.

Sur ces entre-faits, Agusto arriva avec son assiette garnie de mets et s’installa entre Alice et l’agent, jetant un nouveau froid autour de la tablée. Soucieux de ne pas perdre de temps dans l’élaboration de son plan, Raven croisa une nouvelle fois le regard de son père, dans l’espoir que celui-ci vienne le délivrer.

Alice partagea la tristesse d'Arturo un instant devant l'annonce de places indisponibles pour la session plongée sous-marine. Elle lui confirma ensuite qu'il devait rester quelques places pour le lendemain. A la question sur l'activité de famille, Aaron répondit immédiatement :

" Ouai, tous ensembles. " avant que sa mère ne rajoute :

" Ce qu'il y a de bien avec les profondeurs, c'est qu'on ne peut pas décrocher le téléphone. N'est-ce pas, Agusto ? " taquina-t-elle son mari, comme s'il y avait besoin de le citer pour comprendre à qui s'adressait la remarque.

Le concerné émit un grognement, visiblement peu sensible à la plaisanterie qui tentait de réchauffer l'atmosphère.

" J'y suis pour rien s'ils sont pas fichus de diriger les affaires sans moi pendant deux jours. Que des incapables. Je me demande pourquoi je les vire pas tous des fois... "

" Tout ne va pas s'écrouler en une semaine quand même ! " tempéra Alice avant que son mari ne rétorque, agacé :

" Qu'est-ce que t'y connais, à mes affaires ? C'est pas toi qui y passe tes journées que je sache, hein ? " continua-t-il sur un ton de plus en plus empli de reproches devant celle qui jugeait sans savoir.

Une seconde passa, et la mère demanda, cherchant à comprendre le sous-entendu, s'il y en avait un :

" Oui, moi je glande à la maison, à la tenir propre pour quand tu invites tes poivrots à finir la soirée chez nous, à hurler alors que les enfants dorment. Enfants que j'élève seule parce que tu pars constamment à gauche et à droi... "

Sans détour, Agusto la coupa, bouillonnant.

" Ha c'est la meilleure ça ! Tu craches pas sur les billets que je ramène à la maison, mais faut en plus que je sois constamment à la maison, souriant, pour faire une seconde journée de boulot pour récurer les chiottes ! "

L'homme avait tapé la table du plat de la main, faisant vibrer celle-ci et le couvert de façon sonore. Incapable de rester assis à cette table, il se leva brusquement en faisant grincer sa chaise, alors que Pablo arrivait en sauveur aux yeux de Raven.

" Arturo ?! Qu'est-ce que tu fais à cette table à ennuyer ces gens ? T'en as pas marre de faire ton intéressant ? A constamment me créer des problèmes ! Hein ?! Qu'est-ce que dirait ta mère si elle te voyait ?! "

Entrant dans une colère noire, celui-ci attrapa le garçon et le força à se relever. Un craquement de tissus se fit entendre sans que toutefois le t-shirt ne semble déchiré, et il lui colla une belle baffe devant l'assistance en lui crachant :

" Même en vacances il faut que tu fasses le con ! Putain. "

Cette entrée en matière avait soudainement refroidit Agusto, immobile, qui avait observé la scène. Etonnamment, il prit même la défense de l'agent :

" C'est mon fils qui l'a invité à notre table, ce qui était particulièrement stupide puisqu'il déjeunait avec vous. " lança-t-il en jetant un oeil au concerné.

Pablo passa son regard du père à son fils, puis retomba sur le sien, avant de finalement lancer à la famille accueillante :

" Ouai... Ok. Désolé qu'il vous ait emmerdé. Je vais lui filer une correction une fois à la chambre. Ca lui apprendra à emmerder les inconnus... " informa-t-il en redescendant d'un ton.

" Il n'a rien fait de mal ! " intervint immédiatement Alice qui tentait de protéger le pauvre Arturo.

Mais ce fut Agusto qui lui répondit :

" Laisse ce monsieur gérer sa famille comme il le veut ! Tu n'en as pas assez de vouloir foutre ton nez dans mes affaires, il faut que tu le foutes chez les autres maintenant ?! "

Puis il se concentra à nouveau sur Pablo :

" Désolé. "

" C'est rien. " répondit Pablo en attrapant par l'épaule son garçon, et avant de le pousser vers la sortie de la pièce.

Dans le restaurant, un silence de mort planait. Personne n'avait osé réagir durant l'action. Alors que les deux agents sortaient, des murmures commencèrent à se faire entendre. Probablement des gens qui jugeaient le manque de savoir-vivre. Et quelques nouveaux mots entre le couple Ortega qui semblait de nouveau en proie à une querelle.

Jusqu'à la chambre, Raven se fit malmener par un Pablo qui semblait se sentir très bien dans son rôle. Une fois la porte ouverte, il y poussa sans ménagement le garçon et la referma en la claquant. Pablo ferma les volets automatiques et se métamorphosa soudainement.

Se rapprochant de l'agent, il lui prit doucement le visage pour observer l'endroit de la baffe en demandant :

" Ca va ? J'ai pas frappé trop fort ? "

La claque avait heureusement surtout était sonore.

Pablo alla s'asseoir au bord du lit et rajouta :

" Je te rachèterai un t-shirt en souvenir. Désolé. "

Puis il s'écroula en arrière sur le lit en lançant :

" Avec tout ça, j'ai rien mangé... Au fait, je suis un bon connard ? " interrogea-t-il.

Quelques instants plus tard, les agents redevinrent sérieux, et le contrôleur interrogea l'agent de Cherub sur ce qu'il avait appris de nouveau.

Plus le repas avançait, plus le ton montait entre les époux Ortega. Les sous-entendus à peine voilés laissaient petit à petit place aux lourds reproches : L’éducation des enfants, les journées de travail interminables, les copains poivrots,… Le couple passait en revue tous les sujets de discorde possible et imaginable. Bien sûr, l’agent ne perdait pas une miette de cet échange fort instructif. Pour ne pas avoir l’air trop avide, il s’était composé un masque passablement embarrassé pour l’occasion : Un petit sourire compatissant à destination d’Ada par-ci, un léger raclement de gorge par-là… Et voila !
Néanmoins, l’atmosphère se dégrada d’un cran lorsqu’ Augusto se leva brusquement après avoir tapé du poing sur la table. Raven observa quelques secondes le visage crispé du trafiquant qui semblait vraiment hors de lui. L’agent était prêt à parier que les colères d’Augusto Ortega devaient être particulièrement renommées dans le milieu. S’il était capable de se mettre dans des états pareils au milieu d’un restaurant bondé, il ne devait pas se priver pour intimider ses collaborateurs à grands coups d’engueulades dévastatrices…

D’ailleurs, il était peut-être temps de s’éclipser, songea le bahaméen qui n’avait pas vraiment envie de faire les frais de la mauvaise humeur du trafiquant. De plus, l’agent avait collecté les informations qu’il voulait et il devait maintenant planifier la suite des opérations avec son contrôleur de mission. Alors qu’il se faisait cette réflexion, Pablo déboula, tel le messie, dans son champ de vision. Nickel, son « papa » allait le tirer de là, pensa Raven en suivant des yeux Pablo qui approchait. Cependant, l’agent déchanta lorsqu’il découvrit la mine furieuse du contrôleur. Il s’était peut-être réjoui trop vite. En effet, les craintes de Raven se confirmèrent puisque Pablo se mit à lui hurler dessus à son tour, faisant taire Augusto Ortega par la même occasion. Le contrôleur, dans un excès de rage particulièrement bien feint, évoqua, entre autre, la génitrice d’Arturo.
La mère. Voila une carte que les deux agents n’avaient pas encore jouée et qui allait leur permettre, sans nul doute, d’étoffer encore un peu plus leurs personnages… Le cerveau de Raven passa en revue les différentes options qui s’offraient à eux pour donner encore plus d’intensité à cet instant dramatique : Une mère décédée ? Un divorce douloureux ? … Bref, une séparation terrible dont le père et le fils ne parvenaient pas à se remettre…Oui, il fallait tabler de ce côté-là. Un truc bien pathos à faire pleurer dans les chaumières !
Le jeune garçon jeta donc un regard foudroyant à son supposé paternel qui avait osé évoquer devant des inconnus sa pseudo maman chérie. L’agent voulait donner l’illusion que Pablo avait outrepassé la barrière invisible à ne pas franchir. La respiration haletante et les ailes du nez frémissantes, Raven finit par rétorquer sur un ton étonnamment calme:

« Si maman était encore là, elle aurait honte de toi, pas de moi. »

La réaction ne se fit pas attendre. Pablo empoigna son fils sans ménagement et le força à se lever. Raven tenta bien de résister, en vain. Son tee-shirt émit un craquement sinistre au moment où son regard croisa les pupilles dilatés de Pablo. C’était un putain de bon acteur quand même, songea le jeune agent en voyant le contrôleur armer son geste. Cette fois, il n’allait pas y réchapper. Bien qu’il ait été formé pour parer les coups, Raven n’esquissa pas le moindre mouvement de défense pour contrer la claque qui s’abattit violemment sur sa joue gauche. L’agent crut entendre de vagues murmures de surprise dans l’assistance avant qu’un silence de mort ne s’installe. C’était parfait, le tableau idéal. Lui, la tête baissée, une main plaquée sur sa joue en feu et son père en train de s’enfoncer dans sa connerie. Merveilleux. Bien qu’il ne quitta pas des yeux ses chaussures, le bahaméen put constater qu’Alice était indéniablement acquise à sa cause et que même Agusto prenait son parti. Après une brève conversation entre les parents Pablo poussa son fils en direction de la sortie, non sans avoir réussit l’exploit de relancer la dispute entre les Ortega. Raven ne leva même pas la tête pour saluer une dernière fois ses deux nouveaux amis. Il parcourut les couloirs de l’hôtel, tête baissée, sous les brimades incessantes de son paternel. Enfin, ils débouchèrent devant leur chambre dans laquelle le jeune agent fut poussé sans ménagement. Le visage fermé, le bahaméen resta piqué au milieu de la pièce tandis que le contrôleur contournait le lit pour fermer les volets roulants. Au fur et à mesure que la pénombre s’installait dans la chambre, un sourire se mit à fleurir sur les lèvres du garçon qui finit par pointer ses deux index vers le ciel :

« Le double prix d’interprétation masculine est décerné à….. Pablo et Arturo Soler dans « Coquillages et crustacééés » ! Wouhhouh ! » murmura-t-il, rayonnant.

« On a été bons, hein ? Dis ? Qu’est-ce que t’en a pensé ? demanda-t-il avec empressement alors que Pablo lui saisissait le menton l’air passablement inquiet, j’avais peur qu’on en fasse un peu trop mais apparemment s’est passé hein ? poursuivit-il sans se départir de son large sourire en se laissant docilement ausculter.

C’était l’un des rares moments où Raven redevenait un enfant comme les autres. Lorsqu’il était content de lui, il agissait plus spontanément. Et pourtant, cette caractéristique était à bannir par tous les agents de CHERUB, mais parfois, c’était plus fort que lui. Il en avait besoin. Certes, il venait de se prendre une claque mémorable devant une cinquantaine de personnes mais le jeune homme était vraiment heureux. Quelque part, il avait envie de lire un peu de fierté dans les yeux de Pablo même si, au fond de lui, il savait très bien que tout cela n’était que son travail et qu’il ne devait rien attendre de cet ordre là.

« Ça va, t’inquiète … » répondit-il finalement en se dégageant de l’étreinte de son contrôleur avec un sourire plus mesuré cette fois, ça a claqué fort mais j’aurai plus rien d’ici trente minutes. »

Il s’approcha de son armoire, ouvrit l’une des portes et farfouilla dans les rayonnages à la recherche d’un nouveau tee-shirt à revêtir puis il secoua la tête négativement lorsque son contrôleur lui proposa de lui en acheter un nouveau.

« Pas la peine… » ajouta-t-il sans toutefois s’étendre sur le sujet.

L’art du reprisage faisait parti des choses plus ou moins avouables que lui avait transmises sa grand-mère avant de décéder. L’agent ne doutait pas qu’il viendrait facilement à bout d’une déchirure avec un fil et une aiguille mais il n’irait surement pas s’en vanter auprès d'un gars aussi bad ass que Pablo! Dans sa quête d’un nouvel habit, il trouva dans son sac de voyage deux Mars à moitiés fondus et passablement écrasés qu’il jeta à Pablo qui s’était installé sur le lit.

« J’ai que ça. Désolé. D’ailleurs, pour ton info, leur ragout de la mer était franchement délicieux ! Hummmm, T’as vraiment raté quelque chose…» ajouta-t-il légèrement narquois.

Il attrapa le petit tabouret et le déposa en face de son contrôleur avant de s’asseoir dessus, son tee-shirt propre posé sur ses genoux.

« C’est vrai que tu maitrises particulièrement bien le gros connard, finit-il par dire en réponse à la remarque de Pablo, Tu devrais venir nous donner des cours de théâtre au campus. Quoique, réflexion faite, certains agents de CHERUB n’ont pas besoin de cours pour être de vrais cons.» railla-t-il en ricanant, ‘Fin bon… » Conclut-il en retrouvant finalement son sérieux.

Il ne devait pas perdre trop de temps avec des bavardages aussi il se lança sans préambule dans le compte-rendu de son copieux repas à la table de la famille Ortega :

« Ils se rendent tous à la sortie plongée organisée par l’hôtel cet aprèm. Apparemment il n’y a plus de places mais ça ne tient qu’à nous de changer la donne. Mise à part ça, j’ai l’impression qu’Alice n’est pas vraiment au courant des affaires de son mari qui l’accaparent énormément. Comme prétexte pour expliquer ses nombreux coups de fils, Agusto s’est plains de ses collaborateurs incapables mais c’est peut-être juste une excuse de façade pour ne pas dire qu’il planifie un gros coup. » expliqua l’agent en haussant les épaules.

Raven regarda en l’air comme si ses souvenirs étaient inscrits au plafond avant de lâcher, pêle-mêle, toutes les autres informations qu’il avait pu recueillir:

« Alice et Agusto ont vécu à Barcelone –D’ailleurs c’est là qu’on vit nous aussi, pas loin du parc Guëll- , précisa-t-il avant de poursuivre, ils viennent souvent à Ibiza et pas forcément pour les vacances d’ailleurs. Alice a bien insisté en disant que cette fois c’était pour le loisir donc ça laisse à penser qu’ils viennent parfois pour d’autres raisons. Leur couple bat franchement de l’aile, mais ça je pense que tu l’avais remarqué, et j’ai pu tisser de nouveaux liens avec Aaron : Je vais lui proposer une petite séance de tirs dans la salle des jeux d’arcades. Ça à l’air d’être son truc. Pour Ada, c’est en bonne voie mais je ne veux pas brusquer les choses. Son frère est hyper protecteur avec elle alors il ne faut pas que je me le mette à dos. Je pense pas que jouer le bourreau des cœurs soit une bonne stratégie. Je suis gentil mais sans plus quoi… » expliqua-t-il en se rongeant l’ongle de son annulaire.

« Mais bon, notre principal objectif maintenant c’est que je me pointe à cette foutue sortie plongée, reprit-il plus déterminé que jamais, j’avais envisagé plusieurs trucs genre, saboter le bateau, pirater le réseau pour m’inscrire ou empoisonner gentiment les touristes du resto histoire de libérer des places mais avec la scène qu’on vient de jouer, le maître d’hôtel acceptera peut-être de rajouter un pauvre gamin martyrisé à la liste surtout si c’est pour l’éloigner momentanément de son père violent, tu crois pas ? »

Raven se leva et observa son visage encore rougi dans les reflets de la grande baie vitrée. Il caressa sa joue endolorie avant d’ajouter :

« Faut pas que je perdre trop de temps, ça aura plus d’impact si j’ai encore la marque. »

Il tapota énergiquement la zone enflammé histoire de conserver plus longtemps une belle couleur rougeoyante et jeta son tee-shirt propre sur le lit à côte de Pablo :

« Je me changerai après. Ça te va ou t’as une meilleure idée ? » Finit-il par demander.

Pablo sourit à l'enthousiasme de Raven et répondit simplement à sa question :

" J'en pense que j'ai été excellent, et que tu fais second rôle pas trop mal. "

L'homme attrapa rapidement les mars fondus que lui jetait son fils de mission, et lui en relança un directement dessus. 

" Tu veux m'intoxiquer, c'est ça ? Je préfère encore avoir le ventre vide. "

Mais la remarque sur le ragout de mer lui fit lâcher un râle d'agonie, et Raven subit un nouveau bombardement de friandise avec la seconde barre chocolatée.

La remarques sur les "connards" du Campus fit sourire Pablo, assit au bord du lit.

" Y'a des cons partout, de tout âge, de tout sexe, de toute religion, et de toute ethnie. Faut s'y faire. "

Puis les annonces arrivèrent, et Raven raconta ce qu'il avait pu apprendre, confirmant par la même occasion la sortie plongée de la famille l'après-midi même. Pablo acquiesça quant au fait de se rapprocher d'Aaron sans draguer Ada. 

" D'une certaine façon, t'as déjà les deux dans la poche. Alors inutile de tenter plus pour tout perdre en effet. "

Néanmoins, quand l'agent parla de se trouver une place l'après-midi même pour aller avec la famille participer à leur sortie, l'homme temporisa :

" Notre objectif n'est pas de les suivre à tout prix. Si on sait où ils sont, ça nous permet au contraire de placer sur écoute leur chambre et de la fouiller. C'est une partie importante de la mission. " rappela-t-il au garçon.

" On n'aura peut être pas d'autre occasion aussi sûre. Donc pour l'heure, il faut vérifier qu'ils quittent bien l'hôtel comme prévu à bord du bateau de plongée, et s'attaquer ensuite à leur chambre. La 289. Serrure à clé basique. Ca ne devrait pas être compliqué d'entrer. Le départ de l'hôtel est à 14h30. Et il est... 12h45. " annonça-t-il en jetant un oeil à sa montre.

" En attendant, fais ce que tu veux. Moi je crois que je vais passer me prendre un truc au snack à côté... T'iras vérifier que les Ortega partent bien à leur sortie. Dès que tu me confirmes, je m'occupe de la chambre. Ca marche ? "