Ibiza, Espagne - [Mission d'introduction de Raven Kern] – Coquillages et crustacés

Tout en retournant s’asseoir face à son contrôleur, Raven ouvrit l’emballage du Mars que lui avait jeté Pablo et croqua dans le chocolat fondu. Il n’avait pas eu le temps de prendre un dessert au restaurant, il pouvait bien terminer son repas sur une petite note sucrée, songea-t-il en léchant un filet de caramel qui avait coulé sur sa lèvre inférieure.
 
Après avoir sagement philosophé sur la connerie humaine, Pablo approuva finalement son  axe d’approche des enfants Ortega clairement orienté sur Aaron. Raven se contenta d’hocher la tête, satisfait d’être conforté dans son choix :  Les jumeaux étaient à manipuler avec précaution. Ils étaient tellement proches l’un de l’autre que le bahaméen trouvait ça presque malsain. Il ne savait pas quelle tournure allait prendre la relation entre le frère et la soeur plus tard mais il avait déjà une petite idée sur la question… Alors que des pensées tordues se formaient dans son cerveau, il  secoua imperceptiblement la tête pour les chasser et se concentra de nouveau sur les paroles de son contrôleur qui, cette fois, désapprouva sa stratégie. Pablo jugeait inutile d’accompagner la famille Ortega en sortie plongée prétextant qu’il valait mieux profiter de ce moment pour mettre leur chambre sur écoute.
 

« L’un n’empêche pas l’autre, objecta Raven, tu peux très bien t’occuper de la chambre pendant que je suis avec eux, ça nous fait deux fois plus de chance d’entendre ou d’enregistrer une conversation importante. » ajouta-t-il avant d’argumenter sa position :
 
« Agusto n’est quasiment jamais dans leur suite. Il peut très bien avoir un échange avec Lenny depuis n’ importe quel endroit avec son portable. Autant essayer de multiplier nos chances en mettant son mobile sur écoute en plus de la chambre. Sur le bateau il sera bien obligé de lâcher son tel’ s’il veut plonger un peu. A ce moment je pourrai tenter de m’en emparer pour y installer une application-espion. » Expliqua-t-il persuadé du bien fondé de son idée.
 
Cependant, Pablo joua la carte de la sureté, préférant ne pas avancer trop de pions simultanément. Passablement déçu, Raven s’en remit toutefois au choix de son contrôleur. Ils étaient une équipe. Ils pouvaient être en désaccord mais il devait, au final, faire bloc.  Le gamin écouta donc posément les directives de son contrôleur qui lui demanda finalement son approbation.
 
« Ok, ça marche pour moi…mais sache que si tu estimes, subitement, que mon idée est meilleure que la tienne, commença-t-il en contenant difficilement un petit sourire amusé, tu as le droit de changer de position Pablo, je ne t’en tiendrai pas rigueur… »

Il devait arrêter de taquiner son contrôleur constamment, sinon il allait vraiment finir par se prendre une vraie torgnole ! pensa-t-il en se levant. «Bon,  je vais allez faire un tour. Je pense que c’est ce qu’Arturo aurait fait après s’être fait humilié. Il serait resté dans sa chambre ou il aurait fuit l’hôtel. » Expliqua-t-il en se remettant progressivement dans la peau de son personnage.
 
Le garçon enfila son tee-shirt propre et ouvrit les volets roulants afin de récupérer son maillot de bain et sa serviette sur l’étendage. Au vue de la chaleur qui régnait sur l’île, il irait bien piquer une tête si l’occasion se présentait. A défaut de découvrir les profondeurs sous-marine d’Ibiza, il en profiterait peut-être pour se rafraichir dans une petite crique au calme avec comme point de mire l’embarcadère de l’hôtel. Comme ses affaires étaient déjà sèches, il fourra le tout dans son sac à dos, non sans avoir vérifié en amont que tout son attirail de parfait petit espion se trouvait bien dans le double-fond de son Eastpack.
 

« J’y vais. » précisa-t-il après avoir refermé méthodiquement les volets, dès qu’ils sont partis, tu veux que je te rejoigne pour qu’on fasse le boulot à deux et qu’on perde moins de temps ou tu préfères que je fasse le guet vers l’embarcadère ? »
 
Dès qu’il eut obtenu la réponse, Raven riva ses lunettes de soleil sur son nez avant de murmurer :
 
« Bon allez…Bon appétit mon papounet chéri… »
 
Il fit glisser légèrement ses Rayban  et adressa un clin d’œil goguenard à son contrôleur avant de quitter la pièce précipitamment. Une fois dans le couloir, il fit disparaitre toutes traces d’amusement de son visage et avança, tête baissée, dans les dédalles de l’hôtel. Lorsqu’il déboucha dans le hall, il ne s’attarda pas et ne jeta même pas un regard à la salle d’arcades pour voir si Aaron était là. De toutes manières, son personnage n’était pas dans de bonnes dispositions psychologiques pour aller s’amuser. Le jeune homme quitta donc l’établissement, et son air climatisé, pour rejoindre l’extérieur et sa brise marine délicieusement chauffée par le soleil. L’Hôtel Del Mar avait la particularité d’être installé immédiatement en bord de mer, pour la plus grande joie de l’agent. Ce dernier s’arrêta donc quelques minutes pour contempler la grande bleue à perte de vue. La mer lui manquait. Vraiment. Le roulis des vagues avait bercé toute son enfance. L’odeur iodée si particulière de la côte évoquait immanquablement des souvenirs heureux liés à ses parents. Tout cela le rendait un peu mélancolique, mais il ne chercha pas à refouler ses émotions : En effet, cela l’aidait pour composer et comprendre son personnage. Arturo aussi devait surement être nostalgique d’une période heureuse où Pablo n’était pas encore un gros connard et où sa mère était encore avec eux. Le jeune homme inspira profondément et se frotta la joue doucement, conscient qu’il pouvait être observé de n’importe quelle fenêtre de l’hôtel qui donnait sur la plage avant de prendre la direction de l’embarcadère un peu plus loin.
 Longeant le rivage, il s’arrêta finalement devant le panneau qui indiquait les horaires des visites et vérifia l’heure du prochain départ. 14h30. Il était 13h00, il avait donc une heure et demi à tuer. Balayant la côte du regard, le jeune homme se mit en quête d’un endroit qui lui permettait d’avoir une bonne visibilité sur les va-et-vient de l’embarcadère et de l’hôtel. Il mit immédiatement de côté les transats réservés aux clients de la pension, où plusieurs touristes blancs comme des culs ou rouges comme des écrevisses, étaient déjà massés en train de faire bronzette. Il jeta finalement son dévolu sur une petite digue artificielle qui fermait à moitié la baie dans laquelle l’hôtel était installé. Le jeune garçon rejoignit donc le feu d’entrée positionné à l’extrémité de la jetée et s’installa sur un grand caillou plat à l’ombre du petit phare. Pour n’importe quel observateur extérieur, il n’était qu’un gamin qui recherchait un peu de calme. Le jeune homme se félicita mentalement d’avoir trouvé cette place stratégique qui lui offrait une bonne vision d’ensemble. Finalement, il ne regretta qu’une chose : Ne pas avoir amené sa canne à pèche avec lui, histoire de mêler l’utile à l’agréable…

Aux remarques que le jeune agent avait adressé à son contrôleur, ce dernier se contenta d'expliquer :

" Sur le bateau, tu ne seras jamais seul avec le téléphone d'Agusto. Tu ne pourras pas le récupérer et y placer un mouchard discrètement. Il y a toujours des gens qui restent sur le pont. Et tu devras plonger en même temps que les autres. Quant à une discussion avec Larry, j'imagine qu'il évitera juste d'en avoir une durant cette sortie. Il ne peut pas s'isoler pour parler. "

Puis le père et le fils s'étaient séparés. Depuis sa position surélevée, Raven observait les alentours où il ne se passait rien de très passionnant. Quelques touristes passaient, visitant le secteur, ou traversant juste une zone pour en rejoindre une autre, seuls ou en famille. Le ciel était assez clair. Seul un nuage isolé avait décidé de se rendre de l'autre côté de l'horizon sans grande conviction d'y parvenir entier.

Les minutes passaient lentement. Si au début le garçon se perdait dans ses pensées, le temps devenait de plus en plus long et chaque regard à sa montre ne laissait que moins d'écart avec le précédent coup d'oeil. La chaleur lourde de l'après-midi commençait à se faire de plus en plus sentir et Raven fantasma à plusieurs reprises sur l'idée d'aller piquer une tête dans la piscine quelques secondes pour rapidement retourner à son poste de garde. Néanmoins la crainte de rater le moment pour lequel il était là était bien trop forte, aussi, frustré, il patienta, encore et encore.

Puis enfin, le moment qu'il attendait tant arriva ! L'heure approchait, et quelques personnes s'avançaient de l'embarcadère pour participer à la sortie plongée organisée par l'hôtel. L'agent remarqua quelques têtes qu'il avait déjà aperçu à la piscine, et finit par reconnaitre Alice, entourée d'Ada et d'Aaron. Cherchant Agusto à l'avant et à l'arrière du petit groupe, il ne le vit pas. Etait-il encore en retard ? Il restait encore une petite dizaine de minutes avant que le départ ne soit lancé.

Le groupe de touriste avait rejoint le petit navire à partir duquel ils allaient partir, et un homme les accueillit, tandis que d'autres s'affairaient à préparer le matériel encore en chargeant le bateau.

Le rythme lancinant des vagues qui viennent s’écraser contre la digue. La chaleur accablante du temps de midi. Un repas copieux tout juste ingurgité. Bref, toutes les conditions étaient réunies pour que Raven ait envie de faire une petite sieste réparatrice. Et pourtant, l’agent gardait les yeux bel et bien ouverts. Certes, il était à demi allongé sur sa serviette et semblait somnoler mais derrière ses lunettes de soleil ses sens étaient en alerte. Ce n’était pas parce que Pablo lui avait laissé du temps libre qu’il était dégagé de sa mission. Bien au contraire. Le jeune homme profitait de ce moment pour élaborer plans et hypothèses qui lui permettraient de remplir ses objectifs. Il espérait sincèrement que la mise sur écoute de la chambre des Ortega allait porter ses fruits même si Augusto ne semblait pas passer énormément de temps dans cette pièce. Enfin, cela ne coutait rien d’essayer. Pablo était un pro et cela ne serait qu’une formalité pour lui de s’introduire dans cette chambre pour y cacher quelques micros.
 
Tranquillisé par cette hypothèse, le bahaméen se mit à observer le va et vient des touristes sur la plage d’en face. Parmi les vacanciers, il remarqua entre autre, un jogger inconscient en train de courir torse nu sous un soleil zénithal, une mamie outrageusement bronzée toute vêtue de blanc promenant son chiwawa et une famille nombreuse rejoignant la plage, les bras chargés de sacs débordant de sauts, de pelles, de raquettes, d’objets gonflables et de ballons. A priori, rien de bien important. Le spectacle du quotidien avec ses individus tout à fait normaux, du moins, en apparence. L’agent esquissa même un sourire lorsqu’il vit le chien de la vieille mordiller la bouée en forme de canard qui s’était envolée d’un des cabas de la famille. Après avoir suivi, d’un air amusé, l’échange plus ou moins houleux entre les différents protagonistes (« Hé vous pouvez pas tenir votre chien en laisse ! » « Et vous,vous ne pouvez pas caler votre bouée ! ») l’agent jeta un coup d’œil à sa montre qui lui indiqua qu’il devait encore patienter trois quart d’heure …
 
Le jeune homme soupira légèrement et se leva pour s’étirer. Il ôta ses tongs et descendit quelques rochers pour aller tremper ses pieds dans l’eau afin de se rafraichir. C’est qu’il commençait à faire drôlement chaud ! Machinalement, il leva la tête en direction de l’hôtel et de sa piscine. Non, non, non. Il ne devait même pas y penser. Quoique, il pouvait très bien se baigner ici. Après tout, l’eau était bonne et il avait amené son short de bain dans son sac….
Raven évalua la situation quelques secondes avant de se raviser. Il savait très bien que s’il se retrouvait dans l’eau il ne résisterait pas longtemps à l’idée de travailler son crawl ou de battre son record personnel en apnée. Non, il valait mieux qu’il se re-concentre sur son job. Il remonta donc de quelques mètres et patienta sur sa serviette à l’ombre du petit phare jusqu’à l’horaire prévu.
 
Au bout de trente minutes, les choses commencèrent à bouger du côté de l’embarcadère. Les moniteurs de plongée furent les premiers à arriver. Beaux et bronzés, ils semblaient être le parfait cliché des jeunes saisonniers d’Ibiza. L’un d’entre eux salua d’ailleurs la vieille bronzée qui s’était installée à l’ombre d’un pin avant de l’inviter à les rejoindre pour une sortie en mer. La mamie déclina l’offre mais précisa toutefois qu’elle s’était inscrite pour le lendemain. Raven esquissa un léger sourire moqueur en se disant qu’elle était surement restée pour mater les muscles de ces jeunes éphèbes en guise de dessert ! En les voyant charger les combinaisons et les bouteilles, l’agent ne put s’empêcher d’avoir une pensée pour sa mère qui exerçait ce même métier avant de décéder. D’ailleurs, se servait-elle, elle aussi, de sa plastique irréprochable pour attirer des clients ? Il n’avait jamais envisagé les choses sous cet angle mais maintenant qu’il y pensait, c’était fort probable… Retenant une légère grimace devant cette déduction – Il n’aimait pas trop imaginer sa mère user de ses charmes sur quelqu’un d’autre que son père – le garçon reporta son attention sur les premiers touristes qui arrivaient sur le ponton. Il reconnut quelques clients de l’hôtel qu’il avait croisé à la piscine ou au restaurant avant de découvrir les frêles silhouettes des femmes de la famille Ortega accompagnées uniquement par Aaron.  Raven laissa courir son regard sur le chemin qui menait à l’hôtel mais il n’y vit aucune trace d’Augusto. Jusque là, rien d’anormal. Après tout, le trafiquant n’avait pas brillé par sa ponctualité jusqu’alors. S’attendant à le voir arriver d’un moment à l’autre avec son téléphone rivé sur son oreille, Raven attendit donc patiemment l’heure du départ pour donner le feu vert- ou pas- à son contrôleur…

[Si je peux me permettre une toute petite remarque de mise en forme : essaye parfois de couper tes paragraphes plus tôt. Les derniers de tes deux précédents messages sont vraiment épais.  ]

Les secondes passaient inlassablement, et aucune trace d'Agusto où que ce soit. L'heure du départ approchait, l'un des moniteurs commençait à donner quelques règles basiques avant d'embarquer, signe qu'il considérait également que tous les inscrits étaient présents. Tournant la tête à plusieurs reprises pour refaire le chemin de l'hôtel jusqu'au bateau, puis détaillant chaque personne près du moniteur, Raven fut persuadé d'une chose : le père Ortega n'était pas là.

Quelques instants plus tard, le groupe monta à bord du navire de plongée, et celui-ci quitta tranquillement la zone d'embarquement avec les deux autres moniteurs. Alice, Ada et Aaron se trouvaient bien à bord, mais la famille était incomplète. 

Soudainement, l'agent reçut un SMS :

Pablo a écrit:

Agusto parti voiture. Je suis. Toi chambre.

Le message était assez succinct, probablement tapé très rapidement par le contrôleur, mais l'ordre restait malgré tout assez explicite.

[Décidément j’ai un problème avec l’orthographe de tes PNJ ! !]
 
Le menton logé dans le creux de  sa main droite, Raven attendait toujours qu’Agusto fasse une entrée remarquée, comme il savait si bien le faire. Le reste  des Ortega avait déjà pris place à bord du bateau et il ne manquait que le charismatique paternel pour compléter le tableau de la famille au bord de l’implosion. Cependant, le trafiquant ne semblait pas réellement pressé de faire office de détonateur…  En effet, à moins de cinq minutes de l’horaire de départ, il n’était toujours pas en vue, ni sur le ponton, ni sur le chemin qui menait à l’hôtel…
 
En voyant la petite vedette larguer les amarres, Raven dut vite se rendre à l’évidence : Agusto était resté à terre. Sans attendre, l’agent farfouilla dans ses poches pour récupérer son smartphone afin d’envoyer un texto à Pablo pour lui expliquer la situation. Moins d’une minute plus tard, son contrôleur lui répondait avec un Sms bref mais tout à fait explicite : C’était à lui de mettre la chambre sous écoute pendant qu’il effectuait la filature du trafiquant.
 
Ok, songea-le bahaméen en repliant lentement sa serviette pour la ranger dans son sac à dos. Il ne s’agissait pas de confondre vitesse et précipitation. Dans l’hôtel, il serait clairement moins libre de ses mouvements, aussi, il devait planifier un maximum de chose pendant qu’il était tout seul sur cette digue, loin des regards indiscrets. Il transvasa donc son pistolet à aiguille du fond de son Eastpack à la poche de son bermuda, afin de l’avoir plus rapidement à porté de main, puis il prit la direction de la plage en revenant sur ses pas.
 
L’agent déboucha sur le sable fin quelques minutes plus tard mais il ne prêta pas vraiment attention à la famille nombreuse qui s’était installée là, en plein cagnard. Il grimaça simplement en entendant l’ainée des gamins chantonné le dernier tube de Matthew Grimland. Dire que cette infâme mélodie était sensée être le nouveau tube de l’été. Bordel. Plutôt crever que d’entendre cette soupe durant deux mois… Le bahaméen hâta donc le pas et passa devant la vieille bronzée, qui de près, ressemblait étrangement à Magda de "Marie à tout prix"… S’il n’avait pas été aussi pressé, l’agent aurait même immortalisé la mémé avec son téléphone pour montrer à Léo combien la ressemblance était frappante !
 
Enfin bon,  ce n’était pas le moment de collecter quelques souvenirs d’Ibiza pour son pote… Il aurait tout le temps de faire cela, une fois sa mission accomplie, pensa-t-il  en se concentrant sur son objectif. Il ne s’agissait pas de laisser quoique ce soit au hasard. Il arbora donc la mine mélancolique qui caractérisait, selon lui, son personnage et pénétra dans le hall de l’hôtel. L’air conditionné fonctionnait à plein régime et quelques clients trainaient encore à table dans le restaurant. Sans se précipiter, Raven passa devant la salle d’arcade et traversa l’entrée avant de gravir les escaliers qui menaient au second étage. Une fois sur le palier, il prit à gauche afin de rejoindre les chambres au numéro impair puis il avança silencieusement le couloir. Un rapide coup d’œil en l’air lui permit de vérifier que l’hôtel ne bénéficiait pas d’un système de vidéosurveillance très élaboré. Il avait bien repéré quelques caméras dans le restaurant ou dans le hall mais les étages supérieurs ne semblaient pas être équipés de ce genre de système. Tant mieux pour lui, songea-t-il en remontant ses lunettes de soleil dans ses cheveux. Poursuivant sa progression, il se mit à scruter les numéros en lettres d’or inscrits sur chaque porte.
281.
La moquette grise étouffait parfaitement chaque pas de l’agent qui se mouvait dans un silence mortel.
283.
Les luminaires du couloir éclairaient le corridor d’un halo artificiel donnant un caractère légèrement surnaturel à la scène.
285.
Le vrombissement de l’air conditionné devenait de plus en plus insistant…
287.
Bordel, songea Raven, il ne lui manquait plus qu’un tricycle pour re-jouer une scène culte de l’un de ses films préférés !
 
Dédramatiser la situation, c’était sa manière à lui de faire redescendre la pression. Il aimait particulièrement l’état d’excitation dans lequel le plongeait ce type d’exercice, mais il savait aussi que cette émotion pouvait parfois se muer en stress handicapant. Envisager les événements avec humour lui permettait de rester parfaitement maître de ses nerfs. Chacun sa technique après tout ! considéra-t-il en sortant son pistolet à aiguille de sa poche, non sans avoir vérifié en amont que la voie était libre.
 
Pablo avait raison :  La serrure à clefs basique de la chambre 289 ne résista pas longtemps au matériel haute technologie de l’agent qui crocheta le verrou sans grande difficulté. La bahaméen pénétra donc précautionneusement dans la chambre de la famille Ortega…

[Edit Contrôleur : Ce qui est en gras est quelque chose qui relève de ma masterisation et que tu ne peux considérer comme acquis sans indiquer auparavant que tu vérifies, et attendre une réponse de ma part te confirmant les choses. Ce qui est rayé est ce que tu fais qui est lié à ces éléments en gras qui n'est donc pas valide, car pas avéré. On reprends un peu avant ]

Raven se dépêchait de remonter vers les chambres pour remplacer son contrôleur de mission. Forcer la serrure avec son pistolet serait un jeu d'enfant d'après Pablo. Il n'y avait donc pas trop de craintes à avoir. Le père Ortega était hors de l'hôtel et sa menace était donc levée, tandis que le reste de sa famille était partie en mer. Le garçon l'avait vu de ses propres. Le chemin ne pouvait qu'être libre, quand bien même il croiserait l'espace d'une seconde un vacancier qui quitterait sa chambre. Personne ne gênerait l'agent.

Personne ? Non. Car une irréductible variable venait de ruiner - au moins dans l'immédiat - l'infiltration de Raven, en la personne des... femmes de chambres. Celles-ci avaient leurs chariots de ménage garés le long du couloir, et quatre dames nettoyaient une à une les pièces, en duo. Elles discutaient et riaient tranquillement en travaillant, prenant chacunes un côté du couloir mais en avançant au même rythme.

Lorsque l'agent observa les numéros en s'approchant, l'air de rien, il remarqua rapidement que le chariot était à côté des chambres 289 et 291 (en face), qui trouvaient leurs portes grandes ouvertes avec les dames à l'intérieur qui faisaient des va-et-vient pour récupérer quelques objets de nettoyages quelconques dans leurs affaires de travail.

Raven se voyait déjà en train de forcer la serrure de la chambre des Ortega afin de cacher, en moins de quelques secondes, les fameux micros à des endroits stratégiques. Après tout, cela se passait toujours de la sorte dans les films d’espionnage ! James Bond ne tombait jamais sur les femmes de ménage. ^{( Sauf dans « Bons baisers de Russie », mais c’est plutôt la femme de ménage qui lui tombe dessus pour le coup)}.Alors pourquoi fallait-il que ça lui arrive à lui ?! songea le jeune agent en voyant le charriot d’entretien entre les chambres 289 et 291.
 
Pestant mentalement, le garçon bifurqua afin de rejoindre ses propres appartements. Ce n’était qu’une affaire de quelques minutes mais il ne voulait pas passer ce temps là à errer dans les couloirs et prendre le risque d’attirer l’attention sur lui. Pourtant, il se doutait que les deux femmes n’en auraient pas pour longtemps, tant l’entretien de chaque chambre devait être minuté : Nettoyer la douche et les toilettes. Vider la poubelle. Changer les serviettes. Remettre des échantillons de savons et de shampoing sur le lavabo. Faire le lit. Passer un coup de balai. Vingt minutes, tout au plus !
 Mais avait-il du temps à perdre ? Une telle occasion d’avoir le champ libre ne se manifesterait peut-être pas deux fois … Agusto en ville, le reste de la famille en mer. ..
 
Tout en faisant ce constat, Raven referma la porte de sa chambre derrière lui et se retrouva dans la pénombre. Il devait essayer d’attirer ces dames dans une autre partie de l’hôtel afin de gagner quelques minutes qui se révéleraient peut-être très précieuses. Après tout, il lui restait un « Mars » auquel il n’avait pas encore touché. Il n’avait qu’à écraser la confiserie sur la jolie moquette de l’escalier avant d’aller prévenir les deux dames afin qu’elles nettoient tout ça. Si l’une d’entre elle était occupée sur cette tache, l’autre serait obligée d’accélérer le mouvement, et donc, de finir les chambres plus rapidement…
 
Ca se défendait… songea le bahaméen en haussant les épaules. Il attrapa donc la barre chocolatée intacte qui trainait encore sur le petit bureau de la chambre puis il ramassa l’emballage de celle qu’il avait mangé après son repas, (ce n’était pas le moment de laisser des preuves aussi accablantes de sa future culpabilité) avant de ressortir dans le couloir. Il prit donc la direction de l’escalier mais il hasarda toutefois un ultime regard dans le corridor qui desservait la 289 afin de voir si les deux femmes de ménage n’étaient pas déjà passées aux chambres suivantes…

Avec une démarche habituelle du gamin qui s'ennuie, Raven rejoignit un escalier, le mars dans sa poche et contre sa main. Celui-ci allait pouvoir fondre rapidement et mieux s'étaler sur la pauvre moquette innocente. Les femmes de ménage devaient être en train de terminer la chambre 289, mais l'agent avait la sensation de devoir agir pour leur faire accélérer le mouvement.

Devant sa victime, le garçon put jeter un oeil rapide autour de lui, puis s'accroupir une fois s'être assuré qu'aucune personne ne le surprendrait en train de vandaliser l'hôtel. Le Mars fut ouvert puis sauvagement écrabouillé sur la moquette. C'était un vrai carnage. Le caramel liquide s'étalait peu à peu et collait les poils, le chocolat fondu imbibait le tapis tout en changeant sa couleur. Etait-ce une forme de vengeance de l'adolescent envers la confiserie symbolisant son léger surpoids ? Difficile à dire pour un observateur extérieur, qui heureusement n'existait pas !

Son oeuvre accomplie, et les doigts un peu collants, Raven put reprendre sa route.

Raven repassa devant le corridor qui desservait la chambre des Ortega afin de voir si les dames de service avaient avancé mais malheureusement pour elles, le charriot était toujours stationné au même emplacement. L’agent allait donc être obligé de commettre un acte de haut vandalisme ! se dit-il en rejoignant les escaliers. Ce n’était pas vraiment dans sa nature de saboter le travail des autres mais il avait appris, avec le temps, qu’un espion de sa majesté pouvait se permettre ce genre de chose. Il avait le droit de mentir, de simuler, de se conduire comme un vrai connard, …tout ça pour le bien de ses concitoyens … Oui, rien que ça !

Si Raven avait accepté de rejoindre CHERUB initialement, c’était surtout pour cette caractéristique: On lui avait donné l’occasion de rendre service à la société. D’être utile. D’aider. D’être davantage qu’un numéro dans un orphelinat. En intégrant les services secrets, il devenait  une personne décisive qui rendait le monde meilleur. Bien sûr, en grandissant il s’était rendu compte que ce monde était nettement moins manichéen qu’il le croyait initialement. Il n’y avait pas les gentils d’un côté et les méchants de l’autre. Les gens honnêtes et intègres face aux mafieux, pourris et odieux. Tout était nettement plus contrasté aujourd’hui. Même son propre rôle dans l’histoire… Cependant, il essayait de ne pas trop y penser. C’était le genre de chose qui l’empêchait de dormir et il préférait  reléguer ses inquiétudes dans un coin de sa tête pour se concentrer sur l’aspect positif des choses, en l’occurrence, œuvrer pour le démantèlement d’un réseau de cocaïne.

C’est donc en pensant à tous les toxicos qui ne verraient jamais le jour grâce à lui, qu’il écrasa rageusement son Mars sur la moquette de l’hôtel. D’ailleurs, il s’étalait drôlement bien! L’agent avait bien fait de  réchauffer la confiserie au creux de sa main, le caramel n’en était que plus coulant. Il termina son œuvre du bout de sa chaussure et prit bien garde d’ôter les résidus collants de sa semelle en frottant sa pompe sur le bord des marches d’escaliers qui menaient à l’étage supérieur.

Une fois son carnage accompli, Raven le contempla quelques secondes avec un léger sourire satisfait et décida enfin de revenir sur ses pas. Cette fois, il s’engouffra dans le couloir de la chambre 289 et se composa une mine de circonstance juste avant que des deux femmes de ménage ne sortent de leur chambre respective pour déposer les serviettes dans le linge sale.

« Excusez-moi de vous déranger, commença-t-il en arborant une mine contrit dont il commençait sérieusement à se lasser, il y a un truc tout écrasé dans le couloir là bas, devant les escaliers,  indiqua-t-il en montrant du doigt l’endroit d’où il venait, ça fait une grosse tâche. En plus ça à l’air un peu visqueux… » ajouta-t-il en ponctuant sa phrase d’une légère grimace. J’ai failli marcher dedans. »


Il regarda tour à tour les deux femmes en leur accordant à chacune un léger sourire désolé.

Alors, ira ou ira pas ?

La femme de ménage écouta attentivement ce que lui rapportait Raven et un air fatigué s'afficha sur son visage. L'autre lui posa alors la main sur l'épaule et indiqua qu'elle allait s'en charger, avant de s'éloigner vers l'escalier tâché.

" Les gens n'ont vraiment aucun respect... " commenta la dame avant de remercier le garçon en refermant la porte de la chambre des Ortegas et d'y donner un tour de clé.

Elle avança ensuite le charriot d'un mètre et déverrouilla la chambre à côté pour y pénétrer et reprendre son travail. En face, les deux autres femmes de ménage semblaient avoir pris un peu de retard et terminaient de changer les draps, probablement pour un nouvel arrivant.

Le portable de Raven vibra alors.

Papa a écrit:

Bar. Rencontre possible.

Après avoir servit son petit numéro de gamin parfait, Raven se retourna pour regarder l’une des quatre dame d’entretien s’en aller en direction des escaliers d’un pas las. Dès qu’elle eut disparu au bout du couloir, il reporta son attention sur l’autre femme de ménage qui déplora le manque de civisme des individus.
 
« C’est clair… » Approuva-t-il en hochant doucement la tête.
 
Bon Ok, c’était lui le gros cochon qui venait de ruiner la moquette de l’escalier mais il était finalement vachement d’accord avec la femme. Lui, il faisait tout cela pour le bien de la société alors que la majorité des gens se conduisaient de la sorte sans se soucier des conséquences.  Certes le résultat était le même mais l’intention était différente, et pour l’agent, cela avait son importance !
 
Visiblement soucieuse de ne pas perdre de temps, la dame d’entretien ferma la chambre des Ortega à clef et avança jusqu’à la suivante, plantant Raven dans le couloir sans plus de cérémonie. Ce dernier jeta un bref coup d’œil  dans la pièce d’en face pour évaluer l’avancement de l’autre binôme d’agents de service quant il sentit son portable vibrer contre sa cuisse. Machinalement, il s’éloigna un peu pour consulter le texto qu’il venait de recevoir de « Papa Pablo ».
 
Trois mots. Trois mots qui voulaient dire qu’il devait ramener ses fesses le plus vite possible au rez-de-chaussée pour capter une hypothétique rencontre. Depuis quant Agustin était-il revenu à l’hôtel ? Raven ne le savait pas mais il aurait tout de même bien aimé recevoir un sms de Pablo un peu plus tôt pour l’informer de ce retournement de situation… Ce n’était pas comme si le trafiquant pouvait remonter dans sa chambre à tout moment et tomber sur lui, un micro dans chaque main et la bouche en cœur, pesta mentalement le jeune agent en rejoignant le couloir principal tout en pianotant un message sur son écran tactile.

Ton fils chéri a écrit:

 
J’arrive mais j’ai pas eu le temps de mettre en place la surveillance.

 
Sans perdre une seconde, il rejoignit les escaliers  que la dame d’entretien était occupée à récurer,il lui souffla un « bon courage » compatissant avant de descendre les marches pour rejoindre une nouvelle fois le hall d’entrée. Il traversa le restaurant qui s’était considérablement vidé et déboucha dans le bar dont les grandes baies vitrées donnaient sur la piscine de l’hôtel. Balayant l’espace du regard, l’agent chercha sa cible afin de s’installer non loin de lui…

Alors même qu'il était dans le bar de l'hôtel, Raven ne vit rien du tout de particulier. Tout était calme, et seul un couple était à une table en train de discuter avec des cocktails. Aucune trace d'Agusto, pas plus que de Pablo. Soudainement, un sms de ce dernier arriva :

Papa a écrit:

Non, ils vont se rencontrer au bar à putes. Installe la surveillance.

Prenant conscience de son erreur, l'agent retourna immédiatement près de la chambre des Ortegas. Il ne restait plus que la femme de ménage seule qui terminait la chambre à côté de celle de la famille, tandis que celle en face avait disparu. En regardant plus attentivement, le garçon remarqua de petites pancartes pendues aux poignets : " Ne pas déranger ".

Patientant l'air de rien un instant dans le couloir en tripotant son portable, l'adolescent observa du coin de l'oeil la dernière chambre être terminée puis la femme de ménage s'éloigner après son travail effectué. Jetant un coup d'oeil autour de lui, Raven put commencer à s'occuper de la serrure qui céda assez rapidement, et pénétra à pas de loup dans la chambre qui venait d'être nettoyée.

La disposition des meubles rappela immédiatement au Bahaméen la sienne qu'il partageait avec Pablo à l'exception de deux lits doubles au lieu de deux simples. Une salle d'eau avec douche, des rangements divers tels qu'une penderie, deux meubles avec trois tiroirs chacun. Quelques valises étaient également planquées sous les lits pour économiser de la place, et un frigo de petit taille était dans un rangement assez peu large sans porte, surmonté d'un placard tout aussi peu pratique pour y placer des vêtements dont le battant était fermé.

Aucune trace d’Agusto. A vrai dire, dans le bar, il n’y avait personne hormis un jeune couple en train de siroter des mojitos, ou un cocktail similaire, à en juger par les feuilles de menthe flottant à la surface des verres. Flairant la bourde, Raven commença à tapoter le tissu de son short à la recherche de son téléphone juste avant que  celui-ci ne se mette à vibrer dans le fond de sa poche arrière. Après avoir enfin mit la main sur l’objet tant convoité, il consulta le SMS de Pablo qui l’informait de son erreur. Le bar…à putes. Cette précision avait son importance ! songea-t-il en se remémorant la conversation qu’il avait eut à midi avec son contrôleur au sujet de ce cher Lenny et de ses établissements de prédilections. L’agent pianota un rapide « OK »  avant de ranger son Iphone là où il l’avait trouvé.

Plutôt soulagé d’avoir un peu de temps supplémentaire pour faire son travail convenablement ( et réellement heureux de ne pas avoir ruiné la moquette pour rien)il reprit donc la direction des étages supérieurs en s’efforçant de ne pas se hâter. Les dames d’entretien n’avaient pas encore fini la chambre en face de la 289, cela ne servait à rien de se précipiter, se dit-il en rivant ses mains au fond de ses poches et en adoptant une posture légèrement vouté, genre « adolescent-mal-dans-sa-peau ». Au bout de quelques minutes, il arriva donc dans le couloir nonchalamment et constata avec satisfaction que les femmes étaient sur le point de terminer leur tâche. Histoire de faire mine d’être occupé, il commença une partie de « Happy-Slap-Matt », la fameuse application dans laquelle on devait gifler Matthew Grimland pour le faire exploser. Tout en jouant, il surveilla du coin de l’œil le départ de la dernière femme de ménage et dès que le champ fut libre, il troqua son Smartphone contre son pistolet à aiguille afin de déverrouiller la chambre des Ortega.

Les choses sérieuses commençaient enfin, songea-t-il en s’agenouillant devant la poignée. Tout en grimaçant légèrement, il fit jouer la fine tige en métal dans la serrure jusqu’à ce qu’un clic significatif retentisse, et sans perdre une seconde, il se glissa subrepticement à l’intérieur de la pièce. Après avoir prit soin de refermer la porte précautionneusement derrière lui, il prit quelques secondes pour observer la chambre qui était relativement semblable à la sienne, bien qu’un peu plus grande.

Le moins que l’on puisse dire c’est que les dames d’entretien avait bien fait leur boulot ! Tout était nikel ! Malheureusement, Raven n’était pas là pour faire l’inspecteur des travaux finis, ni pour remettre la médaille à l’Agent d’Entretien du Mois. Non, il examinait si minutieusement les lieux dans l’unique but d’évaluer les meilleurs emplacements pour loger ses micros, et après son inspection, il se décida finalement sur trois endroits stratégiques :
Il disposa le premier derrière la tête de lit, parfaitement à l’abri des regards indiscrets, le second dans le petit interstice entre le frigo et le meuble de rangement sans porte et le troisième dans la salle de bain, planqué derrière la tuyauterie de l’évier. Raven imaginait parfaitement Agusto s’isoler momentanément dans la salle d’eau pour passer un coup de telephone. D’ailleurs, pour les mêmes raisons, l’agent aurait bien mi sur écoute le balcon de la chambre mais il ne pouvait pas prendre le risque de se montrer sur la loggia des Ortega qui donnait directement sur la piscine alors que toute la famille était, soi-disant, partie en mer.

Cependant, le jeune homme ne se laissa pas abattre par ce constat. Pendant qu’il était enfermé ici, il comptait bien profiter un peu de la situation pour effectuer une petite recherche de notes, d’agenda ou de quoique ce soit qui puisse être en lien avec sa mission. Il se donna donc quatre minutes, pas une de plus, pour effectuer sa fouille et commença par ouvrir la penderie…

Avec minutie, Raven déposé ses micros dans les espaces qu'il jugeait les plus efficaces pour capter une information qu'Agusto pourrait lâcher dans l'une des pièces, puis entreprit de fouiller les lieux.

Dans la penderie, il vit deux séries de robes et de jupes, certaines adultes et d'autres plus petites. Au pied, un sac à main était déposé et contenait tout un tas de choses dont un homme ne comprendrait sans doute jamais l'utilité d'en avoir avec soit perpétuellement, pour leur majorité.

Clés, rouges à lèvres, miroir de poche, une pochette avec des papiers de voiture, un chéquier et des cartes de fidélités diverses, une petite trousse rose dans laquelle se trouvait des écouteurs, un petit pingouin en peluche qui se trouvait être un sac de courses réutilisable, une petite brosse à cheveux rétractable, un déo-bille à la vanille, un prospectus pour un centre de balnéo ainsi qu'un stick pour les lèvres à la fraise, une bombe anti-agressions, un paquet de mouchoirs, des petits stylos et un éventail. Rien que ça !

Dans un autre sac de plage à côté se trouvaient des magazines, un livre, des crèmes de protection solaire et d'hydratation de la peau, une serviette roulée en boule, une bouteille d'eau à moitié vide et un stylo. Définitivement, rien d'intéressant.

Puis ce fut l'heure de jeter un oeil aux commodes. Délicatement, Raven retira le premier tiroir et tomba nez à nez avec des sous-vêtements féminins de diverses tailles. De la classique culotte, au string, en passant par le tanga, du soutien gorge adulte ou jeune adolescente, le garçon eut quelques secondes pour se rincer l'oeil tout en vérifiant en véritable professionnel que rien ne se trouvait en dessous. Quelques tops et t-shirts étaient en concubinage au même étage, mais ne cachaient eux non plus rien de particulièrement utile.

L'étage en dessous révéla l'équivalent masculin, bien moins passionnant aux yeux de l'agent. Les caleçons et autres boxers, il connaissait déjà fort bien, et si son ami Léo y aurait peut être trouvé un intérêt, ce n'était pas son cas. Par acquis de conscience, il confirma que rien ne se trouvait en dessous en y mettant les mains, puis s'attaqua au dernier étage, en bas, qui ne dévoila qu'un sac de plage froissé encore dans son plastique d'origine.

Un coup d'oeil rapide dans le placard de la salle de bain, par acquis de conscience, ne dévoila rien d'autre que l'intimité de la famille, et notamment celle de la mère et de la fille avec une boite de tampon "faible flux" et des serviettes hygiéniques, divers produits de beauté et crèmes pour le corps, shampoings et démêlants et gel douche à la noix de coco, ou encore des médicaments divers et autres pansements.

Retournant dans la salle principale, Raven remarqua sous l'un des lits doubles une valise à code, fermée. Il entamait très nettement la dernière minute de recherche qu'il s'était autorisée.

Raven débuta son examen des penderies en s’efforçant d’être rapide et efficace. Les vêtements des femmes de la  famille Ortega y étaient suspendus en ordre avec à leur pieds, deux sacs. Soucieux de ne rien laisser au hasard, le bahaméen les inspecta rapidement. Le premier sac à main contenait un nombre incalculable d’objets hétéroclites et de produits parfumés : Vanille par-ci, fraise, par-là… Visiblement Alice ne lésinait pas sur les fragrances !
 
Le jeune homme passa ensuite au caba qui ne révéla que quelques articles de plage et une serviette en boule humide… Manifestement Agusto avait oublié de l’étendre avant son départ ! Ca allait sentir le fennec ce soir ! Songea l’agent en refermant la porte de l’armoire comme il l’avait trouvé. Décidément, sa grand-mère lui avait vraiment déteint dessus pour qu’il pense à de tel truc ! se dit-il en rejoignant cette fois la commode qui lui délivra tous ses trésors :  Dentelles délicates, fines broderies, rubans aux teintes acidulés,… Si Raven n’avait pas été en mission, il se serait surement attardé bien plus longtemps sur les nombreux ensembles de lingerie qui s’offraient à sa vue… Il s’interdit toutefois un examen trop approfondi dont les conséquences risquaient de mettre à mal sa capacité de concentration pour les minutes à venir. Il referma donc le tiroir à regret, non sans avoir palpé rapidement son contenu avec un professionnalisme qui l’étonna lui-même.
Il répéta l’opération dans l’espace dédié aux hommes de la famille et termina par le tiroir du bas qui ne révéla rien de passionnant.
 
Après un bref passage dans la salle de bain (dont il ressortit un peu moins innocent) il remarqua une valise à codes verrouillée sous le lit. Le jeune homme regarda tour à tour sa montre et la valise. 45 secondes. On pouvait en faire des choses dans ce laps de temps, songea l’agent en s’accroupissant sur la moquette grise de la chambre en tout point semblable avec celle qu’il avait ruiné dans le couloir. Il ne tenta même pas un code, tant le nombre de combinaison était immense, et sortit directement son pistolet à aiguille pour s’attaquer à cette nouvelle serrure.

[Conformément au règlement, il faudrait que tu arbores une signature fixe (sans animation). Merci ]

De retour dans la chambre, Raven jugea qu'il avait bien quelques instants pour s'attaquer à la valise fermée. Sortant son pistolet à aiguille, le garçon n'hésita pas à l'orienter vers le code avant de rester hébété quelques secondes. Où diable pouvait-il bien enfoncer le bout du pistolet s'il n'y avait pas de serrure ? C'était trop tard pour envisager autre chose. Les secondes tournaient et l'agent dû se retirer pour se mettre à l'abris. Sans surprise, Agusto ne laissait pas traîner ses affaires de truand en vrac dans la pièce.

Raven sortit discrètement de la chambre des Ortegas et rejoignit la sienne pour attendre que Paolo ne revienne, avant de finalement décider d'aller piquer une tête à la piscine. Après tout, la digestion était déjà bien entamée à présent !

Deux heures passèrent et Raven retourna sur son point d'observation depuis lequel il avait vérifié le départ de la famille pour la plongée. Ils allaient rentrer d'après les horaires d'ici une vingtaine de minutes, et Agusto semblait le savoir, puisque l'agent reçut un SMS de son contrôleur lui indiquant que l'homme retournait à l'hotel et y serait d'ici quelques minutes.

Quelques instants s'écoulèrent avant que le garçon ne voit le bateau de plongée approcher de la côté et plus précisément du ponton. Les Ortegas revenaient à Terre, et Paolo venait d'indiquer à nouveau par SMS qu'il était de retour à la chambre.

[Sign modifiée, j’avais oublié ce point du règlement !  ]

Raven chercha vainement un endroit où implanter son pistolet à aiguille mais il dû vite se résoudre à abandonner sa tentative. Il n’avait plus vraiment le temps d’approfondir son investigation et il ne voulait pas s’éterniser dans la chambre des Ortega. Il ressortit donc dans le couloir avec un léger sentiment d’inachevé. Certes il avait réussi à positionner les micros mais il aurait bien aimé ramener quelques documents supplémentaires à son contrôleur. Tant pis. Avec un peu de chance Paolo serait plus chanceux grâce à sa filature.

L’agent rejoignit donc la pénombre de sa chambre et se vautra finalement sur le lit, les bras en croix. Il laissa l’adrénaline retomber doucement en regardant le plafond d’un œil vide. Parfois il avait du mal à se dire que sa vie était bien réelle : Les surveillances, les couvertures, ses missions, les risques qu’il encourait à chaque minute… Tout cela semblait tellement inconcevable. Il ne pouvait pas s’empêcher de songer à ce qu’aurait été son existence si ses parents avaient survécus à leur accident. S’ils étaient passés ne serait-ce qu’une minute plutôt à l’endroit où ce foutu palmier s’était écrasé. Leur voiture aurait été épargnée et le bahaméen serait toujours Raven Harper, le fils du maitre d’hôtel et de la monitrice de plongée… Soupirant lentement, le jeune homme s’assit sur le rebord du lit. Bon, ça ne lui réussissait vraiment pas de rester tout seul dans le noir. Il avait vraiment besoin d’un peu de vie ! songea-t-il en se levant.

Il enfila donc son maillot et se précipita à l’extérieur dans l’espoir de piquer une tête dans la piscine. Pour la centième fois depuis le début de la journée, il traversa le hall avant de sortir sur le perron de l’hôtel. Les rayons cuisants du soleil lui arrachèrent un léger sourire de satisfaction tandis qu’il s’aventurait sur le bord du bassin où de nombreux clients de l’hôtel avaient élu domicile. Raven déposa ses affaires au pied d’un arbre, puisque toutes les chaises longues étaient prises, puis il entreprit de faire quelques longueurs au milieu de toute cette faune. Après avoir reçu deux fois un ballon gonflable sur la tête et après avoir servi à plusieurs reprises de bouée pour une gamine qui apprenait à nager, la bahaméen quitta la piscine avec soulagement : Il voulait de la vie, certes, mais pas trop quand même !

A peine sortit de l’eau, il se sécha sommairement et enfila son sac à dos sur son torse nu. Sa paire de tong aux pieds et ses lunettes de soleil sur le nez, il rejoignit son point d’observation sur la petite digue. Il s’installa au calme près du phare et se livra à l’une de ses activités favorites, à savoir, l’observation de ses semblables.

Il passa donc deux heures à scruter les différentes personnes installées sur la plage qui lui faisait face. La famille nombreuse était toujours là, en version écrevisse cette fois, mais la vieille Magda avait disparu. A la place, un groupe d’ado était installé dans le sable fin. Raven tenta une rapide analyse sociologique du groupe et ricana en découvrant ses déductions. On pouvait retrouver différents profils types qu’il avait déjà repérés notamment sur le campus :

Le profil Drotski : la bimbo avec son corps parfait moulé dans un bikini échancré aux couleurs fluo. A la fois exaspérante et sexy. Celle qui attire tous les regards, même celui du père de la famille nombreuse.
Le profil Johnson : L’équivalent masculin, le beau-gosse de la bande qui exhibe fièrement sa tablette et qui généralement entame toujours une bataille d’eau avec le profil Drotski. En général, on sait comment ça fini…
Le profil Ni Lochlainn : Manifestement la petite sœur de l’un des membres du groupe qui a surement été contraint par ses parents d’amener sa frangine à la plage pour avoir le droit de sortir. Petite fille insouciante et souriante. Créatrice de château de sable.
Le profil Sparrow : Le gars installé à l’ombre avec sa PSP, complètement insensible au charme du profil Drotski.
A ses côtés, le profil Curtis : Affublée d’un chapeau de paille et d’une tunique légère pour ne pas prendre de coup de soleil. Bouquin de 900 pages (minimum) posé sur ses genoux.
Ensuite, le profil Del Capone : Le gars au brushing parfait, savamment allongé sur le sable tellement imperturbable qu’une vague pourrait s’abattre sur lui qu’il ne bougerait pas d’un iota.
Enfin, le dernier profil que Raven avait un peu de mal à qualifier : Le gars un peu lourdos qui parle tout le temps et qui fait des blagues de merde. Ce genre de personne devait surement exister sur le Campus, mais il n’avait pas encore trouvé d’agent bien représentatif….

Le bahaméen contempla donc la bande d’ados jusqu’au SMS de son contrôleur qui lui indiqua le retour du père Ortega. Raven consulta l’heure sur son téléphone et se décala légèrement de son point d’observation pour avoir le large en ligne de mire. Sans surprise, le bateau de plongée fit son apparition quelques minutes plus tard avec à son bord Alice et ses deux enfants. La vedette s’amarra au ponton et déversa les touristes visiblement heureux de leur journée. Un brin jaloux, l’agent finit par quitter son lieu d’observation pour rejoindre son père qui l’attendait dans la chambre.

En chemin, il croisa la femme de ménage qui était au téléphone pour prévenir quelqu’un de son retard. Tout ça, c’était entièrement la faute d’Agusto Ortega ! songea l’agent pour se dédouaner. De retour dans l’hôtel, il put constater qu’elle avait toutefois fait un excellent travail. Nul doute que son père l’aurait embauché dans son palace s’il avait encore été de ce monde ! La tache avait entièrement disparue. Chapeau ! songea l’agent avec un hochement de tête appréciateur avant de rejoindre la chambre où attendait Paolo.

De retour à la chambre, Raven retrouva Pablo torse nu à la salle de bain en train de faire un brin de toilette. L'homme jeta un rapide regard vers l'adolescent et attendit qu'il referme la porte pour demander :

" Alors champion ? Tout est en place ? "

Le contrôleur se saisit d'une serviette et s'essuya rapidement avant de retourner dans la chambre en elle-même, et ouvrit une armoire pour se rhabiller convenablement.

" Ils se sont bien rencontrés, comme prévu. Je pouvais pas trop m'approcher vu qu'Agusto m'avait déjà vu. Lenny a reçu des documents dans une enveloppe qu'il n'a pas regardé. Ils ont parlé quelque temps puis Agusto est finalement parti. Il est arrivé quelques instants avant moi à l'hotel. Lenny devrait pas tarder à rentrer aussi à sa chambre ici. "

Paolo enfila un maillot de corps puis une chemise qu'il laissa ouverte avant de récupérer son ordinateur dans le coffre et d'aller s'asseoir sur son lit pour le consulter sa machine.

" Il faudra envisager de fouiller la chambre de Lenny pour mettre la main sur les documents. J'espère qu'il ne compte pas déguerpir trop vite. On devra aussi écouter un peu ce que raconte Agusto quand il est dans sa chambre, en espérant qu'ils s'appelleront avec Lenny. Je vais déjà tester tes micros... "

L'homme se saisit d'un petit boitier qu'il connecta à l'ordinateur et prit deux écouteurs qu'il mit. Il fit quelques clics rapides et commenta :

" Je cherche tes micros... Ca se connecte... Je les ai. Ok. J'en ai trois. Je lance les enregistrements en même temps que j'écoute pour vérifier. Micro 1... ok. J'entends des paroles. Alice et Agusto qui parlent fort. Micro 2... le même d'un autre angle sans doute. Micro 3. De l'eau qui coule. Salle de bain j'imagine. J'entends Aaron qui parle à sa soeur. Je crois qu'elle pleure. J'ai en écho les parents qui s'engueulent. Pauvres gosses. " commenta-t-il, concentré.

" J'ai entendu une porte claquer. Plus aucun son à la salle de bain. J'entends encore Agusto qui s'engueule avec Alice. Tu veux y aller ou tu t'en fous ? Ce n'est plus forcément nécessaire de te rapprocher d'eux à priori. "

Le contrôleur observa Raven pour attendre sa réponse, tout en restant concentré sur les micros.

Lorsqu’il pénétra dans la chambre, Raven découvrit Pablo torse nu en train de se changer.  Son contrôleur lui adressa un bref regard avant de lui demander si les micros étaient en place en le qualifiant de « champion » par la même occasion. L’agent bloqua quelques secondes sur l’attitude presque paternelle de son supérieur mais il se ressaisit bien vite en jetant son sac à dos au pied du lit.

« Ouep…» souffla-t-il en s’asseyant sur ce dernier.

Les coudes appuyés sur ses genoux, il observa les va-et-vient de Pablo tout en écoutant le compte-rendu de son après-midi de travail : Lenny et Agusto s’étaient bien rencontrés et il y avait même eu un échange de documents.

« Tu as pu les prendre en photos ? » demanda Raven, soucieux de prouver la véracité de cette rencontre.

Un cliché des deux hommes ensemble serait toujours une pièce qui pourrait étayer leur rapport. De plus, si les écoutes ne menaient à rien, ils auraient toujours cette photographie pour prouver que les deux trafiquants avaient effectivement pris contact l’un avec l’autre. Enfin, la meilleure conclusion de l’enquête serait tout de même d’obtenir une copie des documents présents dans la fameuse enveloppe en kraft comme le soulignait judicieusement le contrôleur en envisageant une fouille de la chambre de Lenny.

Raven hocha la tête pour signifier son approbation avant de désigner d’un geste du menton le coffre-fort que son contrôleur venait d’ouvrir afin de récupérer son portable.

« Par contre s’il a le même équipement dans sa chambre, on risque de faire chou-blanc. » grimaça-t-il en essayant de trouver une solution pour parvenir à ouvrir le coffre.

Il n’avait déjà pas réussi à déverrouiller une simple valise à code alors ça ! songea-t-il dubitatif mais il eut toutefois un regain d’espoir en se disant qu’il n’avait pas vu d’équipement similaire dans la chambre des Ortega. Avec un peu de chance, Lenny occupait une suite sans coffre et la recherche de ressources serait surement plus aisée… Sauf si le trafiquant possédait un de ses foutus bagages à verrou !

« Dis, tu sais comment crocheter une valise à code ? s’enquit subitement l’agent avant de préciser, parce que j’ai fait une petite fouille chez les Ortega et j’ai pas réussi à en ouvrir une. A part ça j’ai rien trouvé d’intéressant…enfin d’exploitable. » Corrigea-t-il en jugeant la lingerie d’Alice et d’Ada digne d’intérêt.

Avant de lui apporter une quelconque réponse, Pablo décida de vérifier le fonctionnement des micros. Piqué par la curiosité, Raven se leva et s’appuya sur le petit bureau à côté de son contrôleur qui établissait la connexion. Ce dernier confirma la liaison et le bahaméen accueillit cette information avec un léger sourire. Il avait toujours peur qu’il y ait un souci et qu’il soit obligé de retourner sur les lieux pour remplacer un micro défectueux ou mal positionné.  Pablo souligna toutefois que deux micros enregistraient la même conversation et Raven se vit dans l’obligation de se justifier :

« Il y en a un plus proche de la baie vitrée afin de capter les éventuelles conversations sur le balcon. » précisa-t-il en scrutant le visage de son contrôleur.

Il aurait bien aimé lui aussi entendre les échanges qui avaient lieu dans la chambre des Ortega mais il devait se contenter de la transcription de son père de substitution qui ne tarda pas à arriver. Manifestement, Agusto et Alice se disputaient dans la pièce principale pendant que leur fille pleurait dans la salle de bain en compagnie de son frère. Charmant. Pablo y alla même de son commentaire, prenant en pitié les deux gamins.

Son contrôleur n’était donc pas un de ses agents robot sans cœur comme on en voyait tant dans le milieu de l’espionnage. Lui aussi il était capable d’empathie pour ses semblables. Peut-être avait-il lui-même, une femme et des enfants qui ignoraient tout de son véritable métier. Il se pouvait même qu’il se reconnaisse un peu en la personne d’Agusto Ortega : Un père absent et  menteur. Un imposteur en somme, condamné à simuler, encore et toujours, même dans sa vie privée. Alors qu’avec lui, Pablo pourrait se permettre d’être lui-même, s’il le voulait. Raven ne lui en voudrait pas d’être ce qu’il était. Après tout, ils étaient tellement semblables. Terriblement imparfaits.

Alors que le bahaméen observait son contrôleur avec une intensité nouvelle, ce dernier lui posa un dilemme qui désarçonna quelque peu le garçon : Devait-il, oui ou non, rejoindre Aaron et Ada ? Enfin la véritable question c’était surtout, pourquoi le ferait-il ? Raven avait mené à bien sa partie de la mission et ce n’était pas forcément nécessaire de se lier davantage aux gamins Ortega. De plus, il était malgré tout sensible au drame familial qui se jouait sous ses yeux. S’il avait réussi à prendre autant de distances précédemment, c’était simplement parce qu’il avait un but à atteindre. Une mission qui le dédouanait de tous les  comportements fallacieux qu’il pouvait avoir. Hors, maintenant ce n’était plus le cas. S’il allait à la rencontre des deux gamins, il serait poussé par des émotions qu’il ressentait en tant que Raven et non pas en temps qu’Arturo. Et ça…ce n’était pas bon pour l’agent qu’il était. Trop d’empathie. Trop d’humanité. C’était son point faible, il le savait, et il préférait se protéger pour ne pas mettre en péril la fin de la mission.

« Franchement ? J’m’en fous. » finit-il par dire à l’intention du contrôleur en le regardant droit dans les yeux pour ne pas trahir son trouble.  «  Si sa fille tente de se jeter du haut d’une falaise, la mère Ortega comprendra peut-être qu’elle doit se barrer vite fait avec ses gosses. » commenta-t-il en se dirigeant vers le mini-frigo pour en extraire un rafraichissement.

Voilà qui était bien mieux. La mission était la priorité : Visiter la chambre de Lenny. Trouver l’enveloppe. Photographier les documents et se barrer vite fait.  Et surtout, arrêter de penser !

« J’vais sur le balcon pour voir si notre homme arrive, expliqua-t-il en tirant la porte de la baie vitrée qui donnait sur l’extérieur, hésites pas si t’as besoin de moi … » ajouta-t-il en passant sous le rideau à moitié baissé qui permettait de maintenir la fraicheur à l’intérieur.

Une fois sur le balcon, Raven avisa deux chaises en plastique qu'il positionna face à face avant de s'asseoir sur l’une d’elle et d'allonger ses jambes sur l’autre. Enfin, il décapsula sa cannette de coca et en but une longue gorgée sans quitter des yeux l’entrée de l’hôtel.

Paolo sourit à la question sur la valise.

" T'as déjà vu ces films avec des gangsters qui essayent de voler une banque qui a un gros coffre avec un truc qu'on tourne pour l'ouvrir ? En général ils ont un stéthoscope. Suivant la qualité de la valise, tu peux faire la même chose, ce sont pas des conneries. Sinon tu rapproches vraiment ton oreille des codes. Suivant la qualité de la valise, ça peut suffir. Dans tous les cas en tournant chacun des chiffres un à un, tu vas entendre un clic un peu différent des autres sur l'un des dix chiffres. Suffit de reproduire ça sur chacun et normalement c'est bon. Je dois avoir un outil pour ça normalement. Si tu veux retourner dans la chambre des Ortegas avec, je te le donnerai. "

Puis l'écoute des micros avait démarré et Raven expliqua la raison pour laquelle deux d'entre eux étaient proches avec une légère anxiété. Pourtant, le contrôleur acquiesça simplement d'un geste de tête sans faire la moindre remarque.

La réponse du garçon quant au fait de rejoindre les enfants fut accueillie avec exactement la même neutralité. Visiblement, il n'avait pas d'avis personnel et se fiait à Raven. Par contre la remarque sur la fille qui se jèterait du haut de la falaise sembla surprendre quelque peu l'homme.

" T'es dur quand même. Je doute qu'elle en soit à ce point là de toute façon. Et puis les histoires de couple, c'est parfois plus compliqué que ce qu'on voit. " temporisa-t-il tout de même.

L'agent sortit ensuite sur le balcon en savourant son soda et observa l'entrée de l'hotel. Le placement de la chambre n'avait pas été choisi au hasard.

Le garçon n'eut pas à attendre longtemps, car rapidement Lenny sembla arriver en voiture . Raven le reconnut d'ailleurs lorsqu'il en sortit pour rejoindre le hall de l'hotel.

Avec un sourire amusé, Paolo révéla sa combine pour ouvrir les valises à codes. Raven écouta son exposé attentivement et hocha la tête lorsque son contrôleur lui promit de lui fournir son stéthoscope pour sa prochaine fouille.

« Cool ! Merci !  répondit le gamin, A mon retour au Campus je demanderai à un instructeur de m’en procurer un… » décida-t-il en commençant à se ronger les ongles.

Retourner en Angleterre… Brrrr ! Ca lui faisait froid dans le dos d’évoquer cette éventualité ! A vrai dire, il n’était vraiment pas pressé de retrouver le climat capricieux d’Outre-manche. Bien sûr, il avait besoin de revoir ses potes, mais il devait avouer, qu’à choisir, il aurait largement préféré que Léo le rejoigne ici. Il était sûr qu’ils auraient trouvé de quoi s’occuper. Le bahaméen aurait pu enseigner à son ami l’Art (avec un grand A) de la pèche et nul doute que Léo aurait fini par abandonner ses consoles de jeux au profit de cette activité au combien passionnante.

Alors qu’il imaginait son meilleur pote rayonnant avec une canne à pèche à la main, Paolo répondit à sa tirade sur Alice Ortega en lui révélant que les histoires de couples étaient bien plus compliquées qu’elles n’y paraissaient. Raven se contenta d’hausser les épaules tant il était inculte en la matière. Au campus, il n’avait pas spécialement de modèles de ménage à observer pour ses analyses sociologiques. Il y avait bien de vagues histoires de cœurs entre certains agents mais les relations durables étaient rares et le bahaméen devait bien admettre que ses seuls éléments de comparaison étaient les personnages fictifs des films qu’ils regardaient à la TV. Toutefois, il savait reconnaitre un comportement déviant quant il en voyait un, et Agusto Ortega rentrait complètement dans cette case…



« P’t’être que j’y connais rien en amour mais je pense quand même qu’elle devrait se casser. » finit-il par dire en sortant sur le balcon pour guetter l’arrivée éventuelle de Lenny.

Au bout de quelques minutes d’observation en haut de son perchoir, Raven reconnut enfin la voiture de son homme. Faisant mine de peaufiner son bronzage au soleil, il ne perdit toutefois pas une miette du déplacement du trafiquant de son véhicule jusqu’à l’hôtel. L’agent guetta la présence de la fameuse enveloppe en kraft sans parvenir à savoir si Lenny la portait sur lui. Tant pis. Il y avait de forte chance pour qu’il l’ait planqué au fond de son sac après tout, songea le bahaméen en retournant à l’intérieur.

« Il est de retour. » souffla-t-il à son contrôleur avant de demander  en désignant le casque audio d’un mouvement du menton « Alors, il se passe quoi là bas ? »

Concentré sur les écoutes, Pablo fit un signe négatif du visage. Visiblement, rien d'intéressant ne ressortait de la conversation houleuse qui avait lieu dans la chambre des Ortega. Le temps passa, puis la nuit. Une nouvelle journée arriva durant laquelle le contrôleur écoutait attentivement ce qu'il se déroulait dans l'autre chambre. Raven ne croisa pas les enfants Ortega s'il envisagea de sortir, puis soudainement, il reçut un SMS en milieu d'après midi qui lui indiquait de revenir à la chambre.

Dès qu'il arriva, le garçon eut des informations :

" Il a eut un coup de téléphone. Il s'est s'engueulé avec Alice quelques secondes puis elle a claqué la porte. Il a répondu et s'est énervé de recevoir l'appel. Il a parlé du bar de l'hôtel rapidement vers 21h. "

L'homme observa rapidement sa montre pour évaluer le délai.

" C'était Lenny au bout du fil. Il a raccroché ensuite. " annonça-t-il avant d'observer Raven.

"On est bon pour une petite excursion. S'ils se voient ce soir, il faut en profiter. Deux destinations possibles : la chambre de Lenny ou le bar. Tu t'occupes de quoi ? Je prends l'autre. Dans la chambre, faut trouver les documents si possible ou des infos, au bar faut réussir à savoir ce qu'ils veulent se raconter. Agusto avait pas l'air d'apprécier que Lenny veuille le voir déjà. On peut éventuellement mettre sous micro le bar, mais il va falloir en placer partout et discrètement. On ne sait pas où ils iront dans le bar. C'est moyen "

Raven avait décidé de sortir se promener en ville en ce bel après-midi. Il avait passé une bonne partie de la matinée posté sur le balcon de sa chambre à peaufiner son bronzage attendre que les écoutes donnent quelques choses mais son contrôleur n’avait, pour le moment, rien entendu d’intéressant. Plutôt que d’attendre bêtement, il avait donc rejoint le village tout proche afin de faire quelques emplettes : Il voulait ramener un cadeau pour son meilleur pote et comptait bien revenir avec quelques souvenirs d’Ibiza.

Au bout d’une heure, il avait déjà acheté le cadeau de Léo, une paire de lunette de soleil à la monture bleu fluo assortit aux lacets de chaussures de son ami, ainsi que plusieurs bracelets de différentes épaisseurs pour sa collection personnelle. Il était justement dans un magasin en train d’essayer un chapeau (qui lui faisait d’ailleurs un peu trop une tête à la Nigel) lorsqu’il sentit son téléphone vibrer dans sa poche. Les affaires reprenaient enfin ! se dit-il en reposant le couvre-chef sur son présentoir. Après avoir consulté le texto qui l’invitait à revenir à la chambre, Raven fendit la marée de touristes afin de rejoindre l’hôtel d’un pas vif.

« Du nouveau ? » demanda-t-il en pénétrant dans la pièce à peine cinq minutes plus tard.

Pablo lui indiqua alors que Lenny et Agusto avaient eut un bref échange téléphonique et qu’ils avaient convenu de se voir le soir même, au sein de l’hôtel.

« C’est pas très prudent de se rencontrer ici… » lança Raven en haussant les sourcils, surpris.

Les deux hommes s’étaient donné bien du mal pour se croiser à l’extérieur la veille et le jeune agent trouvait cela assez paradoxal qu’ils ne prennent pas plus de précaution aujourd’hui. Leur face à face allait surement être très furtif. Peut-être qu’ils n’allaient même pas se parler et seulement échanger un document, abandonné par l’un sur une table puis récupérer par l’autre. Cela voulait dire que l’agent qui serait occupé à fouiller la chambre ne disposerait pas d’énormément de temps pour arriver à ses fins et que celui qui serait au bar de l’hôtel allait devoir être particulièrement réactif afin d’espérer capter quoique ce soit.

Pablo lui laissait le choix. La chambre ou le bar ? D’un côté, il avait envie d’essayer le super stéthoscope de son contrôleur et de l’autre il se sentait capable de se faire oublier à proximité des deux hommes.
Après quelques instants de réflexion, il prit finalement sa décision :

"J'te laisse aller fouiller dans les slip sales de Lenny: Je choisis le bar !" précisa-t-il avec un léger sourire narquois.

" Non c'est pas très prudent en effet. " confirma le contrôleur.

Pablo sourit au garçon et rajouta à sa boutade sur les slips de Lenny :

" Je t'en ramènerai un pour que tu puisses le renifler. "

Il jeta par réflexe un nouveau coup d'oeil à sa montre et ramassa quelques micros dissimulés dans une poche de son sac à dos.

" Tu comptes faire comment ? Passage éclair pour poser discrètement les micros ? Tu te poses au bar tout seul ? On ne sait pas ce qu'ils vont faire réellement, alors réfléchis bien. J'espère que j'aurai le temps de m'occuper de la chambre de Lenny. "

Le temps séparant les agents de la rencontre tant attendue se dissipa rapidement et Raven se retrouvait près de la pièce, prêt à mettre le plan qu'il aurait eu en action. Pablo quant à lui s'en était allé remplir sa mission vers les chambres.

La salle n'était pas très grande. Une vingtaine de tables étaient disposées à l'intérieur en prenant parti des murs pour y installer des banquettes. Au fond de la salle, un bar avec un homme bien habillé semblait affairé à préparer un cocktail pour quelques clients assis autours d'une table sur la petite terrasse. Les lieux respiraient la classe !

Si ce n'était les deux tables occupées à l'extérieur, une seule était prise par un couple dans un coin,  qui discutait doucement pour ne pas briser le calme des lieux. Aucune trace de la moindre connaissance de l'agent n'était à signaler.