2014/03/20-IR – Cardiff, Pays de Galles – [Recrutement de Bryn Wright, initialement Bryn Wales] – Mauvaise nouvelle

Bryn allait comme à son habitude entamer cette journée par un tour à vélo de la base militaire, histoire d'aller chercher des nouvelles fraiches de son paternel. Cela faisait quelques jours maintenant qu'il n'en avait pas eu, il allait donc aller soudoyer le caporal Barnes pour qu'il demande des nouvelles en direct.

Trois mois chez madame Jeiseil, enfin Bettany, c'était trop, il était temps que son père rentre... Plus qu'un mois et ce serait bon... Avant la prochaine mission qui l'enverrait aux trou du cul du monde comme il disait lui-même. Comme tous les samedis Bettany ne le réveillait pas trop tôt, il avait donc le temps de rester un peu au lit pour jouer avec sa console portable.

De toute façon il avait préparé la veille ses affaires pour le vélo, ne restait qu'à attendre dix heures que Barnes, son ami des transmissions de la R.A.F. ne prenne son service. Le caporal Barnes était un jeune militaire, spécialisé dans les transmissions, il avait même du apprendre le morse lui avait il dit. Il avaient tous les deux 10 ans de différence. Presque rien... Enfin si... Quelques centimètres, de la barbe, et il tirait vachement plus fort que lui les coup-francs quand ils jouaient au foot. C'était un copain inattendu. Mais il n'y avait pas que lui, il y avait Robby, le fils du major, Coraline, Arnold et plein d'autres, avec qui il avait l'habitude de faire les 400 coups. Au grand damne, de la prevotée de la base.

La sonnette retentit soudain .

Il entendit le bas de la maison s'agiter, et Bettany qui cria un "voilà voilà"... Puis plus rien. Quelques minutes passèrent.

Puis il entendit des pas discrets monter, jusqu'à la chambre où il dormait. Enfin il ne dormait pas. Il se leva pour accueilir Bettany qui venait sans doute le chercher, peut être que Robby était là pour lui.

Elle frappa et entra, une mine déconfite.

"Bryn... Je crois que tu devrais descendre..."

- Heu... Bien j'arrive Bettany...

Ca n'augurait rien de bon...

Sans doute qu'une de leurs facéties récentes a été prise par une caméra qu'ils n'avaient pas repéré?..

Non ce n'était pas cela. Bryn le vit tout de suite. Il restait sur le chambranle de la porte, Bettany à ses côtés, à la limite des sanglots... Et tout ce qu'il voyait c'était l'officier en tenue de cérémonie, qui se trouvait dans le salon, bien droit... Un lettre et une valise près de lui, qui le regardait d'un air triste...

Figé dans un garde-à-vous irréprochable, la casquette vissée sous le bras, l'homme avait les traits crispés et gardait le regard droit. Sa mâchoire se contracta alors qu'il se préparait à prendre la parole. La capitaine Andrews aurait voulu se trouver à cent lieux de là, peut-être même être au coeur de l'Afghanistan, de cet endroit d'où venait la nouvelle qu'il était sur le point de délivrer.

Déglutissant avec difficulté, l'officier fixa Bryn dans les yeux. Le garçon méritait de connaître la vérité mais comment trouver les mots pour cela ? Rien dans la formation reçue à Sandhurst ne préparait quelqu'un à annoncer à un enfant la mort de son père.

"Bryn.", commença-t-il, d'une voix mal assurée. "Je suis porteur d'une bien mauvaise nouvelle. L'avion de ton père a été abattu lors d'une mission. Il n'a, hélas, pas survécu à..."

Mais Bryn n'écoutait déjà plus l'homme et le regardait sans le voir. Les mots glissaient sur lui sans pénétrer dans son cerveau alors que l'officier expliquait les circonstances exactes de la mort du capitaine Mortimer Wales. Les mots "devoir accompli", "héros", "tous fiers de lui" n'avaient pour le moment aucun sens concret. Plus tard, le garçon assimilerait ces informations mais pour le moment, il restait là, sur le pas de la porte de la maison des Jeisel, figé et le regard absent.

Tout au plus se sentit-il serré bien fort par Bettany qui laissait échapper ses sanglots, distingua-t-il le colonel commandant la base qui arrivait à grandes enjambées. Les évènements extérieurs semblaient se dérouler au ralenti et Bryn se sentait comme un observateur étranger à tout ça.

Remettant sa casquette, le capitaine Andrews fit un salut impeccable avant de remettre la lettre et la petite valise au colonel, puis de faire demi-tour et de s'éloigner, laissant derrière lui un enfant trop abasourdi pour encore réaliser pleinement.

L'homme semblait avoir du mal à crachouiller la pire nouvelle qu'il avait jamais du annoncer à quelqu'un de sa vie. Bryn savait déjà, il se doutait de ce que c'était. Il avait déjà vu ce genre de scène des milliers de fois dans la vrai vie et dans la plupart des fictions sur l'armée. Bryn priait intérieurement pour que cela ne soit pas ce qu'il croit... Pour que ce ne soit pas son père... Qu'il soit juste blessé... Ou que son retour soit retardé..

Il descendit les marches unes à unes comme si sa vie était soudainement vue de sa part au ralenti. Quand il fut devant l'officier, il le regarda stoiquement faire sa déclaration. Les mots glissaient sur lui... Bryn était complètement submergé par les sentiments les plus abjectes... La mort de son père... Sa seule famille... le regard des autres... Qu'allait il devenir? Lui un nouveau pupille de la nation?... Il était déconnecté... Il ne put que tomber à genoux, n'entendant même pas la suite de ce que lui déblatérait l'officier empoté.

Bettany le serrait contre elle, le relevant, triste elle aussi.

Tout juste remarqua t il les objets appartenant à son père qui étaient remis au commandant de la base - le colonel MORAN... S'en était trop pour un enfant de son âge. L'attente avant de pouvoir revoir son père... Et il ne le reverrait jamais... Il était mort lui aussi et il avait que dix ans.

Il perdit connaissance quelques minutes, submergé par les sentiments...

Etat de choc.

Toujours abattu par la terrible nouvelle, Bryn ne réagissait plus, retombant comme un poids mort alors que Bettany tentait de le relever. Il était tel une poupée de chiffon dans les bras de la femme, les membres ballants. Le colonel Moran se précipita pour soulever l'enfant et le remonter dans sa chambre.

Dans les bras musclés de l'homme, le jeune Gallois ne pesait pas plus lourd qu'une plume. Rapidement, Bryn se retrouva allongé sur son lit pendant que madame Jeiseil s'asseyait à côté de lui. Avec des gestes très doux, la femme lui passait un gant de toilette humide sur le front, lavant la mauvaise transpiration qui perlait.

Attendrie, elle regardait le visage crispé du gamin, les yeux toujours fermés, qui paraissait vouloir refuser la réalité, nier la dure vérité qui était tombée sur ses jeunes épaules. Debout à quelques pas derrière, le colonel Moran semblait soucieux.

"Pauvre petit...", dit-il d'une voix triste. "Il ne méritait vraiment pas ça..."

"Que va-t-il lui arriver maintenant ?", chuchota la femme, pour ne pas réveiller l'enfant qui semblait s'endormir.

"Il n'a aucune famille connue. Les services sociaux vont le prendre en charge. Je présume qu'on pourra le recommander pour une académie militaire en tant que pupille de la nation. Si vous le souhaitez, nous pourrons demander à être ses tuteurs mais la Justice devra se prononcer."

Grimaçant, l'homme fit quelques pas dans la chambre, faisant grincer le vieux parquet en bois en se dirigeant vers la porte.

"Enfin, laissons-le se reposer pour le moment. Il sera temps d'en reparler demain..."

Bryn ne bougeait plus et respirait calmement. Pensant qu'il s'était endormi, Bettany déposa un tendre baiser sur son front et remonta le drap pour le couvrir. Puis, le plus silencieusement possible, elle quitta à son tour la pièce.

Le temps fila comme des gouttes d'eau dans une rivière. Bryn était en proie à un "repos" sans rêves, celui des affres de l'inconscience. Il finit par reprendre connaissance, conscient d'avoir vécu un mauvais rêve bien trop réél. Une heure s'était écoulée, on était toujours dans la matinée.

Submergé par les émotions, il pleura de chaudes larmes dont l'écoulement était ponctué de lourds sanglots de détresse... Il venait de perdre le seul être qui comptait plus que tout : son père. Comme tous les enfants il l’idolâtrait bien au delà du possible, mais à la différence près que son père était un vrai héros. Il le savait.

Après avoir pleuré toutes les larmes que son corps pouvait contenir, il se demanda ce qu'il allait devenir... Questionnement entrecoupé par les souvenirs du temps passé ensemble.

Il se prit à ouvrir la lettre officielle signée du sceau du ministre et du chef des armées. Piètre consolation pour celui qui venait de perdre la vie... Oui, lui aussi venait de perdre la vie avec cette annonce horrible.

La valise contenait des effets personnels de son père. Uniforme de cérémonie, montre d'aviateur que Bryn prit avec lui, des photos de tous les deux qu'il regarda avec mélancolie. Des souvenirs de missions, des décorations militaires, et les papiers informant Bryn de l'argent auquel il pourrait avoir accès à sa majorité. Comme tous les pères militaires son père était assuré.

Il conserva précieusement les photos et la montre qu'il avait tant voulu avoir... Et referma la valise. Les larmes refluèrent, incontrôlables.

Après quelques temps...

Il ouvrit la porte pour descendre d'un étage. Les yeux explosés par la tristesse... Le colonel et sa femme étaient en bas, sûrement à décider de son sort.

Arrivé à mi-escalier, il s'adressa à eux...

- Qu'est ce que je vais devenir?

Les larmes remontèrent subitement, pendant qu'il terminait sa descente.

Effectivement, le colonel Moran et Bettany se trouvaient bien en bas, assis à la table de la salle à manger, de nombreux papiers étalés devant eux. A l'arrivée du garçon, ils levèrent la tête, la femme tournant un visage aux yeux rougis vers Bryn. L'enfant n'était pas le seul à avoir beaucoup pleuré. Il est des moment où il faut savoir s'abandonner, laisser ce trop plein de tristesse et de douleur s'évacuer sans tenter de le retenir par fausse pudeur.

La mâchoire crispée, le colonel se leva. Il avait pris une décision et, en homme d'action, s'apprêtait à la livrer sans y mettre particulièrement de gants.

"Bryn, tu es à un âge où tu peux faire face à la réalité.", annonça-t-il d'une voix ferme. "Je sais que tu en es capable."

Madame Jeseil eut un sanglot et enfouit son visage entre ses mains ce qui lui valut un petit regard désapprobateur de son mari qui poursuivit.

"Tant que ton père était vivant, tu pouvais rester avec nous mais maintenant, nous ne pouvons pas te garder, du moins tant que la Justice ne nous y a pas autorisé... Nous allons faire, bien sûr, toutes le démarches nécessaires mais en attendant, il faut trouver une solution."

L'homme marqua une pause et sembla chercher ses mots.

"Je ne veux pas que tu sois ballotté d'orphelinat en orphelinat.", dit-il sèchement en frappant du poing sur la table. "J'ai fait intervenir mes relations pour que tu intègres en cours d'année la Duke of York's Royal Military School. Son commandant, je devrais dire son directeur, est un de mes vieux amis. Ta place y est déjà réservée. Ils t'y attendent lundi. Cela te laisse amplement le temps de préparer tes affaires."

faire face à la réalité à dix ans presque onze, après l'annonce qui lui avait tout enlevé ou presque. Facile à dire. Mais le colonel Moran se voulait rassurant. Même si sa nourrice avait du mal à garder sa contenance. Elle aussi, était visiblement très affectée par le décès du père de Bryn.

- Je... Je vais essayer... Mais c'est si dur... Pourquoi?...

Bryn regardait le colonel, cet homme qui avait tant de pouvoir et presque autant de responsabilités. Il était respecté de tous, son père aussi en parlait avec du trouble dans la voix, ou plutôt de l'admiration et du respect. Cet homme était prêt à se battre pour lui, pour que la justice lui donne le droit de faire parti de la famille. Une sorte d'espoir qui envahit Bryn après l'accumulation de nouvelles pas très bonnes. Il savait que le couple avait des enfants plus vieux, presque tous majeurs et tous placés dans des écoles à bonne réputation ou dans des instituts de hautes études très recommandables.

- Merci Colonel... dit Bryn d'une voix enrouée et timide.

Il avait dejà pris les devants pour l'avenir de Bryn faisant jouer de son influence pour lui obtenir une place dans une école militaire prestigieuse. Il n'allait pas être totalement abandonné finalement.

- Mon père voulait que j'intègre une école militaire. Merci de ce que vous faites. Je...

Mais les mots restèrent là où ils étaient, sans pouvoir sortir. Il s'approcha afin d'obtenir un contact charnel envers ceux qui prenait soin de lui, et qui resterait dans son coeur en cet instant. Par la fenêtre, pendant que Bettany le serrait contre elle, il voyait son ami Robby qui discutait avec un autre... Sûrement commentaient ils la nouvelle.

Après les effusions de sentiments réconfortants, il s'activerait et commencerait à préparer ses affaires et à les ranger dans la vieille cantine que son père lui avait laissé. Les sanglots et les larmes n'allaient pas le laisser tranquille bien longtemps.

S'appliquer à rassembler ses affaires. Bien les plier et les ranger dans la vieille cantine. Avec des gestes lents, méthodiques. Tout cela avait au moins le mérite d'occuper l'esprit de Bryn et de l'empêcher de trop cogiter.
Ne pas oublier son maillot de football, ni surtout son jeu d'échec. Bien placer les photos de son père et ses décorations. Tout cela semblait tellement dérisoire mais le garçon se raccrochait au moindre souvenir.

Sortant la montre de sa poche, il la regarda fixement avant que les larmes ne troublent sa vision. Secouant la tête, il essaya de la mettre à son poignet. Le bracelet était bien trop large pour son petit poignet, il ne faudrait pas oublier de demander au colonel Moran d'aller le faire ajuster chez un bijoutier avant de partir.

Une toux discrète se fit entendre. Dans l’embrasure de la porte se tenait Robby, les bras ballants, hésitant à franchir le seuil. Son jeune camarade ne savait pas trop quelle attitude avoir envers celui qui venait de tout perdre en l'espace de quelques secondes.

"Je... Euh...", bafouilla timidement le gamin. "Je suis désolé... Si tu as besoin de quoi que ce soit..."

Robby ne termina pas sa phrase, la gorge serrée par l'émotion. Le petit dur, l'ami des 400 coups, des virées animées dans les moindres recoins de la base, ne savait pas quoi dire devant la détresse de Bryn. De toute façon, quoi dire à un enfant qui venait de perdre son dernier parent encore en vie ?

"J'ai appris pour la DOYRMS.", poursuivit-il. "J'espère t'y rejoindre à la rentrée... Papa m'a dit que ça devrait être possible."

Piètre consolation pour Bryn mais au moins, il n'y serait plus seul. Voulant à tout pris changer les idées de son ami, Robby reprit.

"Tu veux qu'on aille faire un tour à vélo ?", proposa-t-il d'une voix hésitante.

Ranger sa cantine lui faisait du bien. Il faudrait certainement du temps avant que la nouvelle soit acceptée, si l'on pouvait un jour se remettre d'une perte comme cela. Ce serait sans doute plus facile que s'il avait péri en traversant une route, il était mort en héros, songea Bryn... En faisant ce pour quoi il avait bossé, en pilotant un avion pour son pays.

Aujourd'hui ce pays allait lui rendre la pareille en s'occupant de son fils unique.

Il entendit un bruit de toux se voulant discret et aperçut son pote, visiblement au courant pour ce qui lui était arrivé. Il voyait bien que Robby ne savait pas trop quoi dire.

- bah... Il faut laisser faire le temps... Bryn se surprit lui même d'avoir formulé une telle réponse.

Robby lui annoncait sa possible rentrée avec lui. Une bonne nouvelle qui aurait sûrement été accueillie avec joie et entrain dans d'autres circonstances que celles ci.

- c'est une bonne nouvelle ça... Bryn répondit avec un faux air enjoué à son ami. Le coeur n'y était pas. Sans doute que quand il le verrait là bas, de l'eau aurait couler sous les ponts et il serait enjoué. Il ne savait pas si le vélo serait une bonne idée. La pitié dans le regard des gens ça le débectait. Mais Robby mettait de la volonté pour lui changer les idées, alors autant essayer de penser à autre chose pendant la journée. Il aurait assez de ne pas pouvoir dormir ensuite.

- Ok allons y.

Il se doutait bien que Bettany était dans le coup. Elle avait sans doute appeler le jeune garçon à la rescousse.

Enfourchant leur vélo, les deux garçons s'élancèrent à l'assaut de la base mais comme prévu, les regards se tournaient, compatissants, vers le malheureux orphelins. Croyant bien faire, les personnes qu'ils croisaient y allaient de leur petit mot, espérant remonter le moral de Bryn et produisant exactement l'effet inverse. Sentant bien que son ami serrait de plus en plus les dents pour ne pas montrer que tout cela lui était odieux, Robby abrégea la petite promenade pour rentrer au domicile familial.

La journée s'écoulait lentement, le spectre du capitaine Mortimer Wales planait toujours sur le jeune orphelin et pesait également sur sa famille d'accueil. Pour ne pas sombrer dans l'abattement le plus complet, chacun se focalisait sur le départ prochain de Bryn, veillant à ne rien oublier dans ses bagages. La Duke of York's Royal Military School n'était peut-être pas la solution idéale mais c'était la seule qui était venue à l'esprit du colonel Moran, habitué, en militaire, à utiliser les moyens de sa caste pour résoudre les difficultés.

Le lundi matin, Bryn, accompagné de Bettany, du colonel Moran et de son ami Robby qui, pour l'occasion, avait eu l'autorisation de sécher les cours, franchirent les portes de cette école réservée aux enfants de militaires pour leur offrir une stabilité que le métier de leurs parents ne pouvait pas leur garantir. Les pupilles de la nation y avaient également une place privilégiée, le gouvernement de Sa Majesté mettant un point d'honneur à ne pas abandonner les enfants de ses héros.

La grille d'entrée donnait sur un parc immense dans lequel des élèves étaient visibles, se promenant ou discutant tranquillement assis dans l'herbe.

Le hall du bâtiment principal semblait gigantesque, tout à fait dans le style des vieilles maisons britanniques. Ses murs étaient ornés de tableaux et de vitrines contenant des trophées divers rappelant le passé glorieux et séculaire de cette institution. Des grands escaliers en bois partaient vers les étages menant aux chambres tandis qu'un couloir conduisait à la partie administrative.

Le colonel Moran se dirigea avec Bettany, droit vers le bureau du commandant, laissant les deux garçons seuls, leurs bagages à leurs pieds. Un petit groupe d'élèves, en uniforme de cérémonie, s'approcha assez vite, les entourant avec curiosité.

"Bonjour, vous arrivez d'où ?", demanda la plus grande des filles, celle qui portait des lunettes.

"Pourquoi vous arrivez comme ça en cours d'année ?", demanda le petit noir sans aucune arrière-pensée.

La ballade, bonne idée au départ mais au final c'était exactement ce que Bryn avait prévu. La compassion simulée ou sincère était usante et difficile à supporter pour le jeune garçon, encore trop meurtri. Ils finirent par rentrer tous deux.

Le reste du week end ne fut que préparatifs et organisation. Rien de bien follichon mais cela occupait le jeune Bryn, rassuré par les paroles du colonel Moran qui se faisait un devoir de lui assurer son soutien et de veiller à son avenir.

Et vint le lundi matin.

Robby avait reussi à se libérer, ses parents n'avaient pas vu d'objection à ce qu'il accompagne son copain.

La route s'était faite sans anicroche. Bien que toujours triste, Bryn était rassuré par l'intérêt que lui portait le colonel et sa femme. La douleur était là, toujours là, comme une sorte de mal incurrable. Mais son père lui avait appris à aller de l'avant comme il l'avait fait lors de la mort de sa mère. Enfin il lui avait raconté.

Il allait être fort. Il allait s'en sortir. Même si pour l'instant il ne s'agissait que de la foi inébranlable d'un gamin de 10 ans, entretenue par les paroles d'un père disparu et d'un officier supérieur de talent.

L'école, la Duke of York's Royal Military School avait tout de l'école super classe très selecte. le top de l'école militaire assurément. Le colonel Moran lui en avait dressé un portrait angélique avec la verve et la gouaille de tout militaire de carrière passionné et investit par une foi inébranlable dans son institution.

Des jeunes se trouvaient dehors et alors qu'ils attendaient dans la partie administrative, un groupe de jeunes gens en uniformes de cérémonie s'approchèrent et accostèrent Bryn et son ami, avec des questions.... très embarrassantes, mais sans arrières pensées...

Bryn prit la parole.

- Je viens de la base de la RAF se trouvant à Cardiff. Mon père vient de mourir en Afghanistan... Et... Il sentit les larmes monter et lui embuer les yeux...

- me voici...

À cette annonce, dans le regard des gamins passa comme une lueur de compréhension, sans fausse pitié, juste la curiosité d'enfants accueillant un de leur pair et comprenant ce qui lui était arrivé.

"Mince, désolé, mec !", s'excusa le petit noir. "Tu veux en parler ou pas ? Il était dans quel corps ?"

Le ton était direct mais sans brutalité. Le nouveau venu les intéressait par son histoire mais ils respecteraient son éventuelle volonté de garder le silence, d'attendre le moment où il serait prêt.

"Allez, viens, suis-nous.", continua le gamin. "Ils en ont pour un moment avec la paperasse. On peut te faire visiter un peu avant de te conduire au dortoir..."

Entourant Bryn et Robby, la petite bande entreprit de les guider dans le labyrinthe de couloirs, la succession de pièces qui composaient cette école. Traversant la bibliothèque (chuuuuut... allez jouer plus loin), il arrivèrent jusqu'aux salles de détentes où certains élèves étaient déjà en train de se prélasser.

"Comme tu vois, on fait pas que bosser ici.", rigola la fille aux lunettes. "On sait aussi se détendre. Dans la journée, on peut s'amuser, garçons et filles ensembles, mais le soir, c'est bien séparé. La strasse ne rigole pas avec ça. Chacun dans son aile de bâtiment !"

"Enfin, y'a des grands qui arrivent quand même à traverser.", intervint le petit noir en riant. "Faut pas se faire chopper, c'est tout..."

Regardant sa montre, il poussa un petit cri horrifié.

"Merde, j'avais pas vu l'heure... Vite, faut regagner le hall...

Courant dans les couloirs, les enfants se hâtèrent et arrivèrent pile au moment où le colonel Moran ressortait du bureau du directeur. Le commandant de l'école eut un petit sourire en voyant Bryn et Robby aussi bien entourés.

"Je vois que vous avez fait connaissance. Mike,", dit-il au jeune noir. "Peux-tu montrer sa chambre à Bryn ? Il est en 214"

Avec un sourire d'excuse, il se tourna vers le colonel Moran et expliqua.

"Il va être avec des garçons un peu plus vieux mais je n'ai pas de place ailleurs pour le moment..."

Rapidement, les trois cadets qui avaient accueilli Bryn lui firent signe de les suivre et partirent en courant dans les escaliers. Arrivés devant une porte, il poussèrent celle-ci et entrèrent dans une petite chambre comportant quatre lits, autant d'armoires et de bureaux. Trois élèves de 14-15 ans étaient assis en train de travailler et levèrent la tête à l'arrivée du jeune Gallois. Correy, Conor et James se levèrent pour accueillir leur nouveau camarade de chambre.

Correy	Conor	James

Les jeunes gens de l'école se montrèrent sympa avec lui. Ils semblaient avoir dejà été confrontés au problème et à la mort de quelqu'un. Ils le questionnèrent mais sans plus.

"Il était dans l'aviation, au sein de Royal Air Force dans les forces de reconnaissance, mais..."

Bryn en restait là.

Le jeune garçon lui proposa donc une visite de l'école pendant que tout le monde s'affairait à la paperasse administrative nécessaire à son inscription.

Elle semblait conforme à ce que l'on pouvait imaginer de mieux dans le genre. Des groupes d'éléves jouaient dans un coin des salles de détentes. La bibliothèque était bien fournie. Ils plaisantèrent ensuite sur les dortoirs séparés et les infiltrations des uns chez les autres durant la nuit. Avant de se rappeler qu'ils étaient attendus dans le grand hall, ils se dépêchèrent.

La chambre 214, et il allait la partager avec des grands, bah, au moins il ne serait pas seul. Il ruminait un peu la nouvelle quand le directeur demanda au jeune noir de l'accompagner pour lui montrer la chambre en question. Ils prirent une nouvelle vague de couloirs et d'escalier pour se retrouver dans l'aile correspondante aux garçons. Bryn se demandait comment allait être ses colloc?

Ils étaient d'ailleurs dans la chambre à vaquer à leurs occupations respectives. Ils avaient bien 4 ans de plus que lui.

"Bonjour... Je m'appelle Bryn, je suis de Cardiff... Je viens d'arriver."

Les trois garçons dévisagèrent le nouveau venu qui venait occuper la place laissée libre dans leur chambre. De toute évidence, ils ne s'attendaient pas à avoir cette visite à en juger les copies étalées sur le lit inoccupé. Heureusement que la discipline était assez stricte, les obligeant à maintenir un certain ordre, sans cela ce lit aurait rapidement été transformé en lieu de stockage annexe. Rapidement, la petite escorte disparut, laissant Bryn seul, en présence de ses nouveaux camarades.

"Entre, Bryn.", l'invita le garçon à la casquette vissée sur la tête. "J'm'appelle Correy Donalds. Mon père est officier opérations sur l'Ark Royal."

"On va dégager nos affaires.", intervint le rouquin. "Je suis Conor McLister. Le paternel travaille au Ministère, à Londres."

"Je suis James Gleen.", se présenta à son tour le troisième occupant de la chambre. "Mon père a été tué en Irak quand j'avais six ans..."

Le dernier garçon gardait les yeux braqués sur Bryn avec un regard de défit, volontairement provocateur. Ne connaissant pas la situation du jeune Gallois, il espérait le choquer, ou du moins le mettre mal à l'aise, avec cette révélation brutale.

S'écartant, les trois cadets laissèrent le passage à Bryn, tout en ramassant rapidement tout ce qui traînait sur le matelas.

"Je vais aller te chercher des draps et des couvertures", annonça Correy en quittant la chambre. "C'est pas qu'on se gèle ici mais ils pourraient pousser un peu plus le chauffage... En attendant, tu n'as qu'à commencer à t'installer."

LA chambre était assez bien rangée, malgré les quelques copies étalées, signes que les jeunes garçons devaient travailler quelque chose. Sans doute l'une des matières de l'école. Son escorte le laissa s'intégrer seul parmi ses nouveaux voisins de chambre.

Il fut poliment accueilli. Chacun se présenta à sa façon, comme si la place du père dans l'armée leur donnait une sorte de statut. Le dernier était comme lui, orphelin du père. Il avait un regard provocateur comme si son statut était le plus important.

- Mon père vient de mourir en mission en Afghanistan, il était pilote de Royal Air Force...

Bryn avait dit cela avec un ton triste dans la voix. Il ne comptait pas rivaliser avec les autres, mais au moins cela avait le mérite d'être franc, et d'éviter les futures rumeurs concernant son arrivée. Bryn donna quand même du regard vers le dernier garçon, ils avaient des choses en commun.

- Merci pour les couvertures... Dit il en se tournant vers Correy qui lui proposait gentiment d'aller les chercher.

Bryn prit donc ensuite ses aises pour s'installer. Tout l'art résidait dans la manière de faire loger ses habits dans sa petite armoire. Heureusement son père lui avait montré sa technique, avec plus ou moins de reussite. IL se bricola dans l'armoire un petit coin pour mettre en évidence ses photos. Il garderait sa montre au poignet.

"Ah, ça explique pourquoi tu nous rejoins en cours d'année.", commenta simplement le rouquin, mettant un peu de chaleur dans sa voix pendant que James lui lançait un regard profond mais vide de toute agressivité.

Laissant Bryn s'installer, les trois cadets reprirent leurs activités. Rassemblés autour du bureau de Conor, ils avaient l'air de plancher sur un devoir de physique assez ardu, profitant d'un moment de libre entre les cours. Au bout d'environ une demi heure, Correy consulta sa montre en poussant un juron.

"Merde ! J'avais pas vu l'heure... On va arriver à la bourre au réfectoire et après ça sera la panique pour arriver à l'heure en cours... Tu viens, Bryn ?"

Sans vraiment attendre de réponse, les garçons s'élancèrent hors de la chambre en courant, suivi, avec un temps de retard par le jeune Gallois. Rapidement, il arrivèrent dans le réfectoire et s'installèrent à une grande table, plaçant d'autorité leur nouvel ami au milieu d'eux.

Le repas terminé, les trois cadets partirent de leur côté pour suivre leur emploi du temps, laissant Bryn achever son circuit d'arrivée.

Le soir venu, les enfants se retrouvèrent dans la chambre pour commenter la journée, donnant au petit nouveau une image assez colorée de l'établissement, décrivant les chahuts des élèves, critiquant les différents professeurs ou membres de l'encadrement, bref fournissant tous ces petits détails insignifiants mais dont chaque nouvel arrivant est friand pour se familiariser avec un endroit inconnu.

Alors que les garçons étaient encore en train de papoter, la porte de la chambre s'ouvrit brusquement sur un garçon des classes préparatoires.

"Dites donc, vous auriez pas oublié la livraison ?", lança-t-il sèchement. "Et c'est qui celui-la ?"

Surpris, l'aîné jetait un regard soupçonneux à Bryn.

"On y va de suite, Laurence !", dit Conor en sautant sur ses pieds. "Lui, c'est Bryn, il vient d'arriver. T'inquiète, il dira rien..."

Haussant les épaules pour montrer qu'il s'en foutait au fond, le "grand" ressortit sur un dernier avertissement.

"Ne perdez pas de temps en tout cas..."

A son départ, les trois cadets se regardèrent, hésitant sur l'attitude à adopter vis-à-vis de Bryn.

"On fait parfois des courses pour certains prépas...", commença Correy.

"Ça rapporte bien et c'est pas dangereux.", le coupa James. "Tu veux venir avec nous ?"

Ils ne firent pas plus cas de son cas. A vrai dire comment résumer cette souffrance et comment s'exprimer devant un garçon comme eux.. Ils étaient soudainement pressés par l'heure de la pause pour manger. Apparement c'était une question de timing, vu le nombre d'élèves que l'établissement encadrait.

Il partit donc à la suite de la petite troupe. Au moins tant qu'il était avec eux, il ne risquait rien, il faisait connaissance avec l'établissement et... Il aurait un bon repas. Il ne pensait pas aux choses qui faisaient mal. Le repas se passa bien, il était de facto au milieu de son nouveau groupe d'amis.

La fin du repas marqua la partie la moins drôle de la journée : paperasses, perception des uniformes et autres matériels nécessaires à son "éducation". Cela lui prit une bonne partie de l'après midi.

Et le soir fut conforme à l'idée qu'il s'en faisait... Explications sur les rumeurs, les us et coutumes de l'établissement... Les surnoms des professeurs et leurs marottes respectives. Amusant.

Soudain la porte s'ouvrit laissant apparaître un garçon nettement plus âgé qu'eux. Il demanda s'ils avaient oublié la livraison et demanda aussi ce que lui faisait là. Ses amis prirent instantanément sa défense. Et le grand partit.

Bizarre pensa Bryn.

Un grand qui vient demander à des petits de faire un truc contre rémunération... Cela semblait bof bof... Lui même avait fait faire des bêtises aux plus petits de leur bande à la caserne de son père.

"Quel genre de courses? Et vous entendez quoi par rapporter?..."

Venir avec eux sans savoir ce que c'était... Ca sentait les ennuis... Mais bon... Il devait en savoir plus.

"Je préfèrerais en savoir plus, avant de m'engager... Et vous inquiétez pas je sais tenir ma langue..."

James haussa les épaules en prenant un air méprisant envers le petit qui avait l'air de se dégonfler. Impatient, le garçon enfila un blouson et sortit de la chambre après un dernier regard dédaigneux.

"Allez les gars, pas la peine de perdre du temps avec lui.", laissa-t-il tomber avant de sortir. "Il n'aura jamais le cran..."

Conor eut un petit sourire d'excuse avant, lui-aussi, de se couvrir chaudement.

"On va au fond du parc, près de la grille.", expliqua-t-il à voix basse. "Et là, on récupère un paquet qu'on rapporte à Laurence. C'est sans danger. Faut juste faire gaffe à pas se faire chopper par les surveillants mais, avec le temps, on connait leurs habitudes..."

"Et Laurence nous donne quelques billets pour la course.", conclut Correy en s'habillant également. "Bon, tu viens avec nous ou tu restes ici ?"

James jouait les gros durs. Bryn cherchait juste à se renseigner c'était tout. Un Wales avertit en valait au moins deux ou trois.

- C'est pas une question de cran! C'est juste que ça me parait un peu glauque votre machin...

Conor lui expliqua en quoi consistait leur rôle... Ca ressemblait en tout point à un trafic, et les petits étaient utilisés pour cela. Son père lui avait raconté comment les afghans utilisaient les enfants pour passer des choses que les adultes ne pouvaient pas faire passer par eux mêmes.

- Ok je viens avec vous... Mais dites moi un truc? Vous n'avez jamais cherché à savoir ce que c'était?... Et si on suivait les grands ensuite pour savoir ce que c'est?... Je veux dire, si c'est pas un truc dangereux quoi...

Se faufilant en silence dans les longs couloirs de l'école, les quatre garçons gagnèrent rapidement le rez-de-chaussée. Pénétrant dans une grande salle déserte à cette heure, Correy ouvrit la fenêtre en répondant à Bryn.

"Suivre les grands ? Tu veux dire ceux auprès de qui on va chercher le paquet ?", murmura-t-il d'une voix horrifiée. "T'es fou, toi ! Et si on se fait repérer ? Pas envie de devoir m'expliquer avec eux..."

"En plus, Laurence nous démonte la tête s'il apprend ça.", surenchérit le rouquin. "Pareil sur le contenu des paquets. Nous, on se contente d'apporter ce qu'on nous donne."

Poussant un soupir excédé devant tant de naïveté, James crut devoir ajouter.

"Dans ce genre de travail, moins on pose de questions, moins on a d'ennuis... Tout ce que je vois, c'est que ça me permet de me faire du pognon. Et que c'est pas compliqué..."

Enjambant le rebord de la fenêtre, le garçon sauta sur la pelouse à l'extérieur et s'immobilisa un instant à l'écoute du moindre bruit. Puis, rassuré, il fit un signe à ses camarades avant de se diriger vers le sous-bois.

Apparemment le groupe de jeunes garçons avaient très peur des plus grands. Et pour cause, celui qu'il avait vu ne respirait pas la sympathie. Mais Bryn n'aimait pas trop que les grands utilisent les petits pour faire des trucs interdits. C'était lâche, mais pourquoi y avait que lui que ça gênait?..

Il était peut être plus petits que les autres, et n'avait pas vu les grands à l'oeuvre dans leurs menaces donc il n'en avait pas vraiment peur.

Deux d'entre eux craignaient les grands, mais le dernier, James, lui semblait aimer de faire des trucs qui sortent de l'ordinaire. L'envie de vivre des choses intenses, le goût du risque tout ça...

"Bah, je m'inquiète juste pour vous, si vous vous faites chopper c'est vous qui trinquerait... C'est con, surtout si c'est des trucs pas très catholiques... Genre de l'herbe ou des clopes... Mais bon je comprends votre inquiétude... Vous en faites pas.."

Lorsque James lui assena sa vérité, il ne dit mot. Et il suivit un peu en retard les trois garçons dans leur périple, bien décidé à voir de quoi il s'agissait par la suite.

Ses trois camarades paraissaient bien rodés dans leur expédition nocturne. Pendant que James ouvrait la voie rapidement vers le mur d'enceinte, Conor et Correy marchaient un peu en arrière, surveillant autour d'eux et attentifs au moindre bruit suspect pouvant annoncer l'arrivée d'un membre de l'encadrement de l'école.

Restant en retrait, Bryn suivait le mouvement, hésitant toujours à se mêler de ce trafic douteux. Réalisant soudain que sa position l'exposait à être le premier repéré en cas de ronde d'un surveillant, il hâta le pas pour rejoindre l'arrière-garde du trio. Drôle de façon quand même pour le nouveau d'effectuer une visite des extérieurs de la DOYRMS et qui ne serait sans doute pas été appréciée par le colonel Moran si celui-ci venait à en être informé.

Après cinq minutes, le petit groupe parvint en limite du parc, marchant dans l'ombre des arbres. Partiellement recouvert de ronce, le petit mur était effondré à un endroit et trois silhouettes se tenaient dans l'ouverture. Sans hésiter une seule seconde, James se dirigea vers elles pendant que Conor et Correy s'accroupissaient derrière des arbres, surveillant les arrières.

Ruben	Christopher	Ricardo

"Vous êtes à la bourre.", fit remarquer une voix sèche. "Et c'est qui le guignol avec vous ? Vous n'êtes pas que trois d'habitude ?"

Le ton se fit tout de suite nettement soupçonneux.

"C'est Bryn.", se hâta de répondre James. "Un nouveau de la chambre. T'en fais pas, Christopher, il est clean..."

"J'espère pour toi.", intervint celui qui avait une casquette sur la tête. "Sinon..."

"Bon, assez perdu de temps...", les coupa le dernier, le bonnet enfoncé sur le crâne. "Tenez et filez avant de vous faire voir..."

Un paquet, de la taille d'une boite de chaussure, changea de main. La transaction semblait sur le point de se conclure.

On se croirait en pleine mission d'infiltration ou en plein dans une évasion de prison pensa Bryn. Même artifices, mêmes vérifications que dans les films qu'il avait eu le droit de regarder. Cela prit cinq minutes au petit groupe pour se rendre au lieu de l'échange.

Il s'agissait d'un des murs en limite du parc, à l'ombre des arbres. L'endroit était partiellement recouvert de ronces, et un petit espace était effondré à un endroit. Trois silhouettes se tenaient dans l'ouverture attendant visiblement la venue des trois garçons.

Bryn était un peu excédé par la manière dont les grands traitaient tout le monde dans le coin, que ce soit ceux des cours préparatoires ou ceux de l'extérieur.

"Hé mec, j'suis pas un guignol!.. Je suis du bon côté de l'école moi! Entre nous deux le Guignol c'est plutôt toi!"

C'était pas parce qu'il était petit qu'il devait se la boucler. Alors qu'il répliquait la transaction était dejà accomplie. Rapides comme l'éclair. Cest trois gars n'étaient pas du genre à trainer dans ce genre d'école, ça puait la merde de plus en plus cette histoire de paquet.

Devant l'impertinence de Bryn, le blond aux cheveux longs se tourna vers le gamin.

"Toi, ferme ta gueule, c'est un conseil.", menaça-t-il en s'avançant vers le jeune Gallois. "Si je te choppe, même ta mère n'arrivera pas à te reconnaître, p'tit pourri d'richard..."

Au même moment, un lampe torche s'alluma, saisissant dans son faisceau James alors que Bryn restait partiellement dans l'ombre. Le dénommé Christopher fit un bond en arrière et repassa rapidement les gravats. Un bruits de course dans le sous-bois annonça que Conor et Correy s'éloignaient à toute vitesse alors que la voix de David Peterson, un des surveillant, se faisait entendre.

"Il se passe quoi ici ? Que personne ne bouge... Eh, là-bas arrêtez-vous immédiatement !"

La lampe se dirigea brièvement dans la direction par laquelle s'étaient enfuis les deux autres cadets avant de revenir vers la faille dans le mur d'enceinte. De l'autre côté, une voiture démarra et partit en faisant crisser ses pneus. Le surveillant se précipita mais eut juste le temps d'entrevoir l'arrière du véhicule qui se fondait dans la nuit.

James se déplaça légèrement, serrant toujours la boite contre lui. Il se plaçant instinctivement devant David Peterson pour masquer son jeune camarade et lui donner une chance de disparaître lui-aussi.

S'il savait se disait Bryn intérieurement... Un Richard moi... Pff... Je viens de perdre mon père et je n'ai jamais connu ma mère sale con!! En tout cas c'est ce que Bryn avait envie de lui hurler au visage. Il ne se démonta pas.

Quand la lampe torche d'un surveillant s'alluma.

Elle avait James bien dans son faisceau et celui ci masquait en partie Bryn. Correy et Conor prirent la fuite. il figea la situation, histoire de voir ce qui se passait dans le coin. Bryn crut qu'ils allaient s'en sortir quand le surveillant qu'il n'avait jamais vu, orienta son jet de lumière près de la faille dans le mur. Mais un crissement de pneu et le départ d'une voiture furent les seules choses qu'ils entendirent.

James voulu protéger Bryn.

Bryn ne savait pas quoi faire. Se faire prendre la main dans le sac ça craignait grave. Il fallait se casser, voir ce que la boite contenait et dénoncer les grands... Bref c'était le bordel. Profitant que le surveillant était du côté de la faille, assez loin des deux garçons restants, Bryn prit son nouvel ami par la main, en lui disant juste dans un murmure...

"cours!"

La seule bonne solution, vu que le pion était occupé par le "départ" de la voiture.