2014/03/20-IR – Cardiff, Pays de Galles – [Recrutement de Bryn Wright, initialement Bryn Wales] – Mauvaise nouvelle

James n’emboîta pas le pas à son nouvel ami. Au contraire, il resta sur place en le retenant un petit moment par la main puis, rapidement, il colla le paquet dans les bras de Bryn et lui murmura en le repoussant.

"Ça sert à rien, il m'a vu. Barre toi ! Vite !"

Dégageant sa main d'un geste vif, James repoussa le Gallois et fit face au surveillant, se plaçant au travers de son chemin. L'homme s'était retourné vivement pour braquer sa torche électrique sur les deux enfants.

"Monsieur Gleen... Que faisiez-vous dehors à cette heure ?", demandait-il, surpris. "Qui est votre camarade ?"

Essayant de contourner le petit brun, David Peterson s'avançait vers Bryn, espérant identifier l'élève qui avait bravé l'extinction des feux pour faire une sortie nocturne. Faisant un pas de côté, James restait toujours en travers de la route et, feignant un geste de maladresse, heurta le bras tenant la lampe de poche.

"Oh pardon, monsieur.", prétendit-il en se baissant pour la ramasser.

Le surveillant s'étant accroupi au même moment, il s'en suivit quelques secondes de confusion pendant lesquelles l'obscurité était de nouveau tombée dans le sous-bois.

"Mais laissez-moi faire...", protesta l'adulte en repoussant James. "Et vous, ne bougez pas !"

Le paquet atterit dans les bras de Bryn... Il avait l'air malin maintenant. Mais l'honneur serait sauf s'il parvenait à fuir sans se faire suivre. James le repoussa pour lui intimer le mouvement du départ et affronta le surveillant qui avait dejà rebraqué sa torche auprès des deux enfants.

Interrogatif celui ci bombarda le jeune garçon de questions.

Alors que Bryn allait être démasqué, son nouvel ami s'interposa et fit perdre la lampe torche de la main qui la tenait.

Bryn n'attendit pas son reste... Sauve qui peut!!

Sans le paquet James n'aurait sans doute qu'une petite punition pour avoir désobei. Bryn par contre, risquait gros.. Il détala donc à toute jambe dehors... Sans se retourner, ni répondre aux injonctions de l'adulte.

Sourd aux cris du surveillant, Bryn partit en courant. Réalisant qu'il n'avait aucune chance de rattraper le fuyard, l'homme empoigna fermement James par le bras et le secoua comme un prunier.

"Que faisiez-vous dehors ? Et avec qui étiez-vous ?", répéta-t-il furieux d'avoir laissé échapper le deuxième fautif.

Enfin, il en tenait toujours un et n'avait nullement l’intention de le lâcher. La poigne énergique de David Peterson broyait le biceps du malheureux garçon, lui arrachant des gémissements de douleurs, et le tirait vers les bâtiments de l'école.

"Lâchez-moi, monsieur.", se plaignait-il en résistant un peu, histoire de laisser le temps à Bryn de s'enfuir. "Je faisais rien de mal..."

"Taisez-vous !", le coupa le surveillant. "Vous êtes bons pour le conseil de discipline..."

Pendant ce temps, le jeune Gallois, le paquet toujours sous le bras franchit rapidement la distance que le séparait de la pension. Retrouvant la fenêtre, il eut un moment de panique en apercevant deux silhouettes qui s'y découpaient pour aussitôt pousser un soupir de soulagement en reconnaissant Conor et Correy.

Ses deux camarades se penchèrent pour l'aider à passer en le questionnant, inquiets.

"Où est James ? Peterson l'a choppé ?", demanda Correy.

"Oh, non...", gémit Conor. "On est foutu..."

"Vous foutez quoi ?", intervint la voix sèche de Laurence. "Vous avez été bien long..."

"Vous avez le paquet ?", coupa une voix féminine.

"Je ne sais pas, Mina", répondit rapidement Correy. "James s'est fait chopper et Bryn vient juste de revenir..."

D'où il était, le jeune cadet pouvait parfaitement voir le paquet sous le bras de son camarade mais, pour une mystérieuse raison, avait choisi de ne pas en informer ses aînés. Tendant la main à Bryn, il s'apprêta à aider ce dernier à rentrer dans la salle.

Ouf Bryn avait reussi à fuir. Par contre, James qui s'était gentiment sacrifié aller sans doute passer un sale quart d'heure. Le surveillant zélé l'avait alpagué par le bras et comptait bien le ramener dans le bâtiment pour lui assener une punition.

Il reussit à rallier la fenêtre qui leur avait permis de sortir et fut accueilli par Correy et Conor, visiblement inquiets.

- Ouais Peterson l'a attrapé! Mais j'ai eu du bol il l'a occupé pour que je puisse fuir... J'espère qu'il aura pas trop d'ennuis...

Une voix derrière les garçons se fit entendre, Bryn reconnut avant de le voir, le garçon plus agé qui était venu dans leur chambre : Laurence. Une voix féminine retentit également, plus douce, demandant où était le paquet. Elle était joli pensa Bryn mais trop âgée... Bien trop...

Correy éluda l'histoire du paquet que Bryn tenait sous son bras, en disant qu'il ne savait pas pourtant il l'avait vu, ça c'était une certitude évidente. Peut être s'était il rangé à l'avis de Bryn?

- Je sais pas où il est ton paquet dans l'affolement il est tombé... Vu que James s'est fait chopper on devrait aller direct dans les piaules et voir ça plus tard dans la nuit! Il y a de grandes chances qu'ils viennent dans notre piaule voir si on est là...

Il planquerait le paquet dans les chiottes, pour en vérifier le contenu... C'était son idée...

Un silence pesant répondit au derniers mots de Bryn comme si Laurence et Mina pesaient le pour et le contre. Mettant à profit ce court répit et profitant de toujours tourner le dos aux deux aînés, Correy fit signe au Gallois de lui passer le paquet qu'il fit glisser discrètement derrière un des grands rideaux de la fenêtre. Puis, saisissant la main du gamin, il tira vigoureusement celui-ci dans la salle.

"Bryn a raison...", argumenta-t-il. "Si on n'est pas au lit rapidement, on va se faire chopper aussi tous les trois... Vous, vous ne risquez rien,mais pour nous, c'est pas le cas..."

"Oh, mon Dieu...", fut le seul commentaire de Conor, visiblement paniqué à l'idée de se faire prendre.

"Bon, OK !", sembla concéder Laurence. "Mais, vous vous démerdez comme vous voulez, je veux la marchandise avant demain matin !"

Sur ces propros, le garçon tourna les talons et partit, accompagné de sa camarade qui crut bon d'ajouter une menace aux derniers mots.

"Vous avez intérêt à réussir sinon vous en assumerez les conséquences..."

"Vite, Bryn...", commanda alors Correy en fermant la fenêtre. "On y va..."

Après avoir vérifié que le couloir était désert (pas de surveillant en vue et les deux "grands" étant également partis), les trois garçons regagnèrent rapidement leur chambre. Ils eurent juste le temps de jeter leur manteau dans les armoires et de retirer partiellement leurs vêtements qu'un bruit de pas se faisait entendre dans le couloir.

Plongeant sous les draps encore à moitié habillés, ils feignirent aussitôt le plus grand sommeil alors que la porte de la chambre s'ouvrait. La tête de David Peterson se découpa dans la lumière, visiblement surprise (et déçue ?) de trouver les lits occupés.

Poussant James dans sa chambre, le surveillant lui murmura "File te coucher ! On réglera ça demain..." avant de refermer la porte et de s'éloigner.

Correy avait bien joué, top discrétion. Il avait reussi à ne pas faire voir le paquet. Ainsi Bryn s'en était au moins acquis un à sa cause. Se renseigner sur le contenu du paquet et avoir une ouverture d'esprit sur les risques qu'ils prenaient étaient devenus deux choses importantes.

Laurence balança une menace à peine dissimulée à l'encontre des garçons, il ne risquait rien pour l'instant mais eux c'était une autre histoire.

Même la fille y alla de la menace.

Conséquences de quoi? Leur deal avait mal tourné c'était tout. Ils n'avaient qu'à pas faire des choses pas cool... Non mais...

Ils eurent juste le temps de rentrer dans leur chambre afin de simuler un endormissement global... Comme ils l'avaient prévu, le pion arriva avec James, qu'il jeta dans la chambre en prétextant des explications le lendemain...

Après être sûr que le pion soit loin, Bryn ne put se contenir plus longtemps.

- Merci James... Ca a été pour toi?... On s'est inquiété!

Bryn réfléchissait à toute vitesse.

- On a le paquet mais Laurence et Mina ne savent pas qu'on l'a... Ils croient qu'on l'a égaré dehors dans l'affolage. Mais avec Correy on l'a planqué. On pourrait peut être voir ce que c'est? non? Je vous ai dit que ça puait cette histoire...

Se massant le biceps endolori par la poigne trop ferme du surveillant, James eut un petit sourire suffisant. Le garçon n'aillait jamais avouer qu'il avait eu peur lorsque la torche l'avait pris dans son faisceau lumineux, ce serait perdre une partie de la réputation de casse cou qu'il s'était forgé au sein de ses camarades.

"Ça va, ça va...", dit-il se voulant rassurant envers le benjamin de la chambre. "Je lui ai dit que j'avais un rendez-vous avec une fille. Par contre, demain, je suis convoqué chez le dirlo à la première heure... Et j'ai bien peur que vous aussi, vous passiez à la casserole, côté interrogatoire..."

Rejetant les draps, Correy sortit de son lit en caleçons.

"T'inquiète, on dira qu'on est au courant de rien... Mais faudrait peut-être voir ce qu'il y a dans le paquet. T'en penses quoi ?"

"Oh, non...", gémit Conor, toujours planqué sous les draps. "Je savais bien que ça finirait mal ce truc... Je vais me faire virer d'ici et le paternel va me foutre une raclée..."

Secouant la tête, James arbora une petite moue méprisante devant la couardise du rouquin. Après un instant de silence, songeur, le garçon acquiesça à la suggestion du Gallois, relayée par Correy.

"Ouai, vous avez raison...", murmura-t-il. "Bryn ? Tu crois que t'arriverais à récupérer la boite sans te faire choper ?"

La discussion allait bon train. Visiblement, outre l'inquiétude de tous, il s'en sortait bien. Un rendez vous avec une fille, ça c'était vraiment une imparable réponse excusable... Pour la convocation, ils verront bien.

- Attendons de voir pour le contenu du paquet!... Sinon l'excuse est simple, on dormait point!...

Bryn était tout de même content que tout le monde se soit rallié à sa cause. C'était pas vraiment une cause, mais une injustice et une prise de risque pour quelqu'un d'autre qui ne le méritait pas. L'esclavage était aboli après tout.

- Ok je vais y aller. Vous avez pas l'impression de faire comme les grands et d'exploiter le petit de la chambrée?... Leur déclara t il avec un sourire...

- Vous savez s'il fait des rondes régulières? Et tout ce qui peut m'être utile?...

Il fallait d'abord attendre que les choses se tassent. Laisser passer quelques temps... Une heure ou deux...

Il attendit le temps qu'il estima juste, puis il prit le minimum de vêtement aux couleurs sombres, disposa son traversin de telle sorte à ce que l'on croit qu'il dorme si jamais le pion repassait par là... Ca il l'avait vu dans les films. Et il se décida à prendre la porte en sortant pieds nus pour faire moins de bruit... Il fallait être discret, jeter un coup d'oeil dehors si des fois il voyait la lueur de la torche de David...

Et il partit en direction de l'endroit où se trouvait le colis.

James eut un petit regard ironique en donnant une légère tape sur l'arrière du crâne de Bryn.

"Tout juste.", répliqua-t-il, amusé. "Faut que tu fasses tes preuves. Et t'as déjà montré que tu étais plus rapide que Peterson mais plutôt gaffe à Laurence. Il est pas net..."

Le ton était amical et montrait une pointe de respect envers le gamin qui avait passé avec brio son baptême du feu. Brièvement, le cadet donna les renseignements demandés. Le surveillant allait très certainement les sous-estimer, persuadé qu'après avoir été pris sur le vif, les pensionnaires n'oseraient plus sortir. Par contre, l'incertitude venait des commanditaires. Si ceux-ci avaient le moindre soupçons, ils risquaient de surveiller la chambre. Mais, sûrs de la peur qu'ils inspiraient, ils attendraient probablement le lendemain que les gamins viennent leur porter la marchandise.

Prenant son courage à deux mains et désireux d'accroître sa popularité auprès de ses camarades de chambres, Bryn se risqua à l'extérieur. Aucun bruit ne troublait la quiétude du bâtiment et ce fut presque en se promenant que le Gallois put aller récupérer la boite à chaussures.

De retour dans la chambre, les garçons s'assirent en cercle sur un lit (Correy ayant quand même enfilé un pantalon pour l'occasion), à l'exception de Conor qui ne voulait plus rien avoir à faire avec toutes ces combines et répétait sans cesse "C'est sûr, on va se faire virer... C'est sûr..." en restant caché sous ses couvertures.

James prit les choses en main et retira le couvercle d'une main ferme. Quelques paquets de cigarettes et des CD piratés furent retirés du paquet. Alors qu'il allait reposer un DVD, plusieurs sachets contenant une sorte d'herbe verte tombèrent sur le lit, glissant de l'emballage en plastique.

Secouant tous les boîtiers, James découvrit rapidement une vingtaine de ces petits sachets assez légers en fait. Voyant ça, Correy lâcha un petit sifflement en faisant une drôle de grimace.

"Les mecs, ça pue...", commenta-t-il. "On fait quoi ?"

Se méfier de Laurence, évidement. Ce mec était pas net, il l'avait remarqué dès qu'il l'avait vu! Il commençait à s'intégrer dans le petit groupe, et ces aventures lui faisaient pour une fois oublier son terrible malheur.

Il fallait une nouvelle fois se montrer courageux et aller récupérer le colis là, où ils l'avaient planqué. Chemin calme, personne à l'horizon, il avait pu aller là où il était, en prenant certaines précautions d'usage et il put revenir à la chambre, avec la satisfaction de la mission accomplie.

Ils regardèrent ce qu'il y avait à l'intérieur. Des paquets de cigarette, des DVD et... c'était ça que l'on appelait de l'herbe? Se demanda Bryn... Sûrement vu les tronches des lascars qu'ils avaient vu dehors.

- Vous voyez ça craint du boudin cette histoire. Je vous le dis depuis le début!...

Bryn prit quelques minutes pour réfléchir.

- Si demain on va voir le directeur avec ça, en expliquant tout ça devrait le faire non?... A moins que...

Une autre idée...

- Que l'on fasse prendre les grands à leurs propres pièges...

Assis sur le lit, James regardait les petits sachets en arborant un air pensif. La voix geignarde de Conor leur parvenait toujours de dessous le tas de couverture.

"Je le savais... Je le savais...", gémissait-il. "On va se faire tous virer, je vous le dis... Faut aller voir le directeur ! Tout de suite !"

"Dis pas de conneries !", le coupa Correy, un poil énervé. "Le dirlo, il est chez lui à cette heure... Et j'ai pas envie d'aller voir Peterson..."

James ne disait rien, l'air toujours songeur. Son regard s'était porté sur le jeune Gallois qui réfléchissait à voix haute. Le gamin semblait avoir une idée. Pourquoi ne pas l'écouter, après tout ?

"Vas-y Bryn.", l'encouragea le garçon. "Tu penses à quoi ?"

La perspective de retourner la situation à leur avantage semblait plaire à celui qui faisait office de chef de la petite bande. Le fait qu'ils aient été, jusqu'à présent, des complices pleinement consentants de ce trafic était passé au second plan pour James. Le garçon était prêt à saisir toutes les solutions qui lui permettraient de prendre un ascendant sur ses aînés des classes préparatoires et Bryn semblait sur le point de leur en proposer une.

"Ne te fais pas prier, dis nous ce que tu as derrière la tête..."

Conor se plaignait toujours. Il avait les foies... Bryn ne lui en voulait pas lui aussi aurait les chocottes si son père n'était pas mort il y a quelques jours, et s'il avait connu le monstrueux et si terrifiant Laurence. Évidement sans surprise il était pour la première solution.

Correy lui remit les idées en place par une réflexion assez terre à terre qui avait le mérite d'être franche.

Quant à James il ne disait rien, il était songeur, comme s'il était intéressé par ce que Bryn avait à lui proposer. Il était comme lui. Il voulait une revanche. Il voulait changer cet état de chose, où c'était eux qui avaient la pression, eux qui prenaient les risques et eux qui risquaient gros.

- Pourquoi on obéirait comme des petits toutous? Hein? Parce qu'ils nous font peur? C'est nous qui avons les cartes en main. Vous avez accompli les choses à leurs places... Disons que l'on pourrait se servir de ce que l'on sait et les faire prendre la main dans le sac... Vous en pensez quoi?


Sans attendre la réponse il exposa un plan, qui avait le mérite d'être simple.

- C'est simple. Tout va reposer sur notre crédibilité d'enfant, par rapport à leur état d'adolescent. C'est pour ça qu'ils ne veulent pas prendre de risques. C'est pour ça qu'ils envoient les petits chercher les boites... Parce qu'ils pourront dire qu'ils ne savaient pas...

Il reprit son souffle.

- Ils vont venir nous voir demain. Ils seront inquiets. On leur dira que l'on a pas trouvé la boite. Ils vont certainement s'agacer, ruminer et vouloir régler des comptes le soir. Ils vont sûrement venir dans notre chambre après les cours. C'est là où tu auras un rôle à jouer James, et si tu veux je vais t'y aider. On ira voir David tous les deux comme deux enfants qu'on est, et on lui expliquera naïvement que l'on a trouvé ces paquets avec de l'herbe, et que hier soir c'était Laurence et compagnie qui discutaient avec les jeunes dealers de dehors et que l'on avait trouvé cela mais que l'on ne savait pas ce que c'était.... On accentuera sur le fait que Laurence nous a menacé et passera sûrement dans notre chambre après les cours... En essayant de motiver David pour qu'il nous surveille...

Vous en pensez quoi?

Une lueur de sympathie traversa le regard de James pendant qu'il poussait un petit sifflement admiratif. Le plan de Bryn l'amusait et le tentait fortement, réveillant ce côté "joueur" qui animait le garçon.

"Mais c'est que y'en a là-dedans...", murmura-t-il en tapotant du bout des doigts sur le front du Gallois. "J'irai voir le dirlo, plutôt que Peterson. Mais j'irai seul. Pas la peine de te mouiller davantage vis à vis de la strasse. Je dirai que tu dormais quand on est sorti. De toute façon, je serai convoqué dès que Peterson aura fait son rapport..."

Sans façon, James fourra en vrac les sachets d'herbe dans la poche de son pantalon en se redressant et, refermant la boite à chaussure, il alla la mettre dans son casier, la cachant vaguement sous quelques vêtements. Puis, après un coup d'oeil méprisant vers Conor toujours pelotonné sous ses couvertures, il donna ses instructions à ses deux camarades.

"Demain, on reste groupé quoi qu'il arrive. Bryn, quand tu auras rejoins ta classe, démerde-toi pour toujours être avec quelqu'un. Les prépas ne s'en prendront pas à toi si tu n'es pas seul. Correy et moi, on leur servira la petite fable quand ils nous demanderont des comptes... T'as intérêt de dire la même chose, Conor.", continua-t-il à l'adresse du rouquin gémissant. "Ou alors, tu peux prétendre que ce soir, tu n'es pas venu avec nous... Mais ne moucharde pas !"

L'air toujours amusé, James regardait ses "troupes" et étouffa un bâillement.

"Allez, au lit !", commanda-t-il. "Demain, on a du boulot..."

Le lendemain, les choses semblèrent se dérouler comme prévues. Bryn fut accaparé par Mike et d'autres élèves de son âge dès qu'il eut rejoint le réfectoire. Les questions classiques fusaient, lui demandant comment c'était passé sa première nuit et si les trois de sa chambre avaient été sympas avec lui. Du coin de l'oeil, le Gallois pouvait justement observer ces derniers en grande discussion avec Laurence et Mina. Le rouquin avait l'air de souffrir le martyr mais il ne disait rien alors que James, appuyé par Correy, faisait de grands gestes. Les prépas semblaient assez furieux et menaçants mais, devant tant de témoins, ne pouvaient pas s'en prendre ouvertement aux plus jeunes.

Alors que Bryn rejoignait sa salle de classe, James fut naturellement convoqué chez le directeur. Au beau milieu d'un cours, la porte s'ouvrit laissant entrer David Peterson.

"Bryn Wales ?", demanda l'homme. "Vous êtes demandé chez le directeur..."

Un léger brouhaha accompagna la sortie du Gallois. Les élèves semblaient curieux de savoir ce qui pouvait provoquer une convocation aussi rapide chez le grand chef, surtout pour un nouveau arrivé la veille.

Arrivé devant une porte, le surveillant frappa deux coups secs contre le montant puis, après l'invitation, fit entrer le jeune garçon dans la pièce, tout en restant à l'extérieur. Assis derrière son bureau, se trouvait le directeur, la mine sombre. Debout à côté de lui, était un homme assez jeune, en costume cravate.

"Je suis l'inspecteur Allaway, de Scotland Yard.", se présenta-t-il d'une voix calme. "Bryn, peux-tu me dire où tu étais cette nuit et ce qu'il s'est passé ?"

Un plan ambitieux pour un jeune garçon mais James fut plus terre à terre... Finit les aventures à la club des cinq... Au fond il avait raison, tout cela devait les dépasser... Ils n'étaient de simples enfants. Mais James salua son ambition et son plan.

Il expliqua ensuite ce qui allait se passer. Enfin plutôt comment il voyait les choses. Il donna les rôles de chacun, et surtout les consignes à adopter face aux grands. Ensuite tout ce petit monde s'endormit.

Le lendemain, Bryn resta avec ses nouveaux camarades de classes, ceux de son âge comme il se devait. Du coin de l'oeil de temps à autre, il voyait les trois gens de sa classe qui discutaient avec Laurence et Mina.

Un peu plus tard en plein milieu d'un cours, David Peterson surgit pour lui annoncer qu'il était convoqué chez le directeur... Il s'y attendait. Tout le monde se mit à chuchoter et murmurer quand il se leva, mais il n'y porta pas attention.

Quand il arriva, il put voir le directeur derrière son bureau assis et un homme plus jeune se présentant comme un inspecteur de scotland yard... Whaouuu... La classe.

- Un inspecteur?... Un vrai?... C'était trop cool...

Bon il fallait reprendre son sérieux, il était devant le directeur qui devait être sacrément dans le caca et embarassé. Bien que Bryn ne sache pas ce qui avait été raconté.

- Alors comme on vous l'a sans doute dit inspecteur Allaway, je suis arrivé hier. Mon père vient de mourir en service en Afghanistan et... A l'évocation de cet état de fait, Bryn ne put retenir une montée de chagrin, mais il se reprit alors que ses yeux se troublaient.

- Le colonel Moran m'a trouvé une place ici hier. Comme toutes les chambres étaient plus ou moins dejà prises, on m'a donné une place chambre 214, avec des plus grands de 14 ans. Ils étaient en train de travailler quand j'ai fait leur connaissance. Ca c'est plutôt bien passé.... Il reprit son souffle.

- Hier soir alors qu'ils me présentaient l'école, avec les manies des profs tout ça... Un grand nommé Laurence est venu dans notre chambre demandant où était le paquet. Il était très menaçant. On a discuté vite fait avec les autres. Ils m'ont dit que ça faisait quelques temps, ils devaient aller chercher un paquet dehors à la tombée de la nuit et le ramener à Laurence. Celui ci achetait le silence du petit groupe par quelques billets.

Bryn regarda le directeur et l'inspecteur.

- Je trouvais ça injuste. Mes compagnons de chambre ne connaissaient pas le contenu du paquet, les grands s'en tirat sans aucune prises de risques... C'est encore la loi du plus fort. Je sentais le truc louche, je leur ai demandé pourquoi ils n'avaient pas cherché plus loin... Ils craignaient tous Laurence. Je suis donc allé avec eux en leur disant qu'il faudrait vérifier le contenu et arrêter de faire ça. Sur place, il y a un trou dans le mur, vers le fond de l'école sous les bois, là trois jeunes louches attendaient... Des jeunes pas très recommandables beaucoup plus âgés. Ils ont donné le paquet. C'est là que David Peterson est arrivé. Il a pris James qui m'a donné le paquet. Paniqués, on est rentré mais une certaine Mina nous attendait ainsi que Laurence. On a fait croire que l'on avait perdu le paquet. Ils étaient énervés et nous ont menacé... Nous laissant jusqu'à aujourd'hui... Pour le retrouver.

James m'a aidé à le planquer. On est revenu plus tard le chercher après avoir fait croire que l'on dormait dans la chambre. Et là on a constaté qu'il y avait de l'herbe dedans... Méga craignos... Et voilà...

L'inspecteur prenait des notes sur un calepin au fur et à mesure des confidences de Bryn pendant que le visage du directeur s'allongeait sous l'effet de la surprise. Visiblement, les aveux du jeune Gallois le prenaient au dépourvu. L'homme de Scotland Yard eut un regard amusé et commenta.

"Il semblerait que le jeune James Gleen ne nous ait pas tout dit...", murmura-t-il avant de se tourner vers Bryn. "Tu admets donc avoir pris une part active dans la récupération du paquet ? Et donc que tu n'es pas resté à dormir tranquillement pendant que tes camarades faisaient le mur ?"

Refermant son carnet, Allaway se tourna vers le commandant de l'école.

"Pourriez-vous me donner également le dossier de ce jeune homme ?", demanda-t-il. "Il reste des points à éclaircir..."

Revenant vers Bryn, l'homme arborait un air sévère.

"Tout ce que tu viens de me raconter corrobore certains faits en notre possession. Nul besoin de te dire que tout ça est très grave. Vous auriez dû prévenir vos responsables dès cette nuit au lieu de vouloir tout régler par vous-même."

Impassible, l'inspecteur rangea le calepin dans la poche de sa veste.

"Nous allons mettre en place une surveillance de la chambre 214 au cas où les informations données par le jeune Gleen soient exactes", annonça-t-il. "Quant à toi Bryn, sans interférer dans les conséquences disciplinaires propres à l'école, tu seras certainement cité à comparaître. En attendant, je ne peux que t'encourager à rester à l'écart de tout cela..."

Le directeur ne semblait pas apprécier ses déclarations. Il n'avait pas respecté le plan. Mais c'était pour sauver ses amis de... Et puis il y avait l'inspecteur... C'était bigrement... trop gros...

- Oui je les ai aidé. Comprenez! C'est pas de leur faute, on avait un plan mais je peux pas mentir à la police! Ces grands abusaient de leur position! Exploitant des jeunes pour faire leurs sales besognes... Putain ça craint!! Ca pouvait pas durer... C'est les grands qui doivent payer... Pas... Pas eux... Pas moi... Pas ... nous...

L'inspecteur semblait quand même être de leur côté.

- Elles sont exactes!

Le reste était clair. Il devait rester cool et attendre.

Et bien il attendrait.

L'inspecteur eut un petit sourire entendu en remerciant Bryn d'un signe de la tête. Au moment où le directeur allait signifier au jeune garçon qu'il pouvait se retirer, le policier intervint de nouveau.

"Serais-tu capable de reconnaître ceux qui vous ont donné le paquet ?", demanda-t-il en regardant le Gallois, droit dans les yeux. "Réfléchis bien. Demain, je rapporterai des photos et tu les regarderas. Mais ne parle qu'à coup sûr..."

Enfin, le directeur autorisa Bryn à sortir et l'encouragea à ne raconter cet incident à personne. Le garçon avait juste le temps de rejoindre sa salle de classe avant le début du cours suivant. David Perterson ne l'ayant pas attendu et étant reparti vaquer à ses occupations, c'est donc seul que le gamin remonta rapidement les couloirs pour rejoindre ses camarades.

La cervelles pleines des évènements passés et des recommandations de l'inspecteur, il se hâtait, hésitant à se mettre à courir pour arriver plus vite. La majesté de ces corridors aux boiseries apparentes et aux vieux tableaux accrochés aux murs incitait plutôt au respect et dissuadait moralement toute tentative de chahut.

Alors qu'il était encore plongé dans ses pensées, Bryn sursauta. Au détour d'un passage, il venait de se retrouver nez-à-nez avec deux personnes qu'il aurait bien voulu éviter de croiser. Vif comme l'éclair, Laurence lui empoigna un bras pour le plaquer contre un mur pendant que Mina le questionnait avec vigueur.

"D'où viens-tu ? Qu'as-tu été cafter à la strasse ?", cracha-t-elle, l'air mauvais. "Où avez-vous planqué la boite ? On sait que vous l'avez..."

"Tu as intérêt à parler.", intervint le garçon en mettant son poing sous le nez de Bryn. "Elle est dans votre chambre, non ?"

Tout semblait fini. Au moment où il partait le policier intervint vis à vis de Bryn, lui posant une question. le jeune garçon fit demi-tour pour revenir près de l'inspecteur.

- Oui je le pense!.. Surtout un qui m'a menacé.

Les couloirs étaient bien vides. Tout le monde était en classe. Ils l'avaient échappé belle, et le fait que l'inspecteur soit là était très rassurant pour la suite des événements. Évidemment il devait jouer profil bas. Il s'en souviendrait de cette rentrée tiens.

L'école était classe.

Il ne les avait pas vu. Et ils le prirent à partie, un bras le plaquait contre le mur... Putain ça craint...

- Tu... Tu m'étrangles... J'ai rien dit...

Allaient ils gober son mensonge, en même temps vu le stress de la situation, ils ne verraient rien... Il ne fallait pas tout faire foirer... Bryn avait les genoux qui tremblaient de peur... Et il sentait sa vessie qui ne désirait que se lacher...

- Du calme... James s'est fait chopper, ils ont voulu savoir si on avait vu ou entendu un truc... J'ai... rien dit... A part que je dormais...

Ca c'était le plan A, pas celui qu'il avait dit mais Laurence ne le saurait jamais.

Pour la boite, on a tout prévu... On l'a récupérée... Attendez juste que les choses se calment... Vous l'aurez ce soir comme convenu après les cours...

Relâchant la pression qu'il exerçait sur la gorge de Bryn, Laurence eut un sourire mauvais.

"Je l'espère dans ton intérêt... File maintenant !"

Oubliant sa volonté de ne pas courir dans les couloirs, le jeune Gallois prit les jambes à son cou pour rejoindre sa salle de classe. La journée se poursuivit sans incident notable jusqu'à l'étude du soir. Alors que tous les élèves des classes secondaires étaient rassemblés dans une grande pièce pour faire leurs devoirs sous la surveillance de quelques membres du personnel d'encadrement, plusieurs coups de sifflet stridents se firent entendre suivis d'un brouhaha provenant des chambres.

Se précipitant, qui vers les portes, qui vers les fenêtres, les enfants tâchèrent d'en savoir plus sur cette agitation inhabituelle. Coincé contre une fenêtre, Bryn put voir Laurence et Mina sortir du bâtiment, entourés par plusieurs personnes dont des policiers en uniforme. Visiblement, les aînés n'avaient pas eu la patience d'attendre qu'on leur apporte le paquet et avaient voulu aller se servir eux-même, tombant dans la souricière mise en place par l'inspecteur Allaway.

Après cet incident, les commentaires allèrent bon train avec des surveillants dépassés et incapables de rétablir une atmosphère de travail. À quelques tables devant, James se retourna et adressa un grand clin d'oeil complice à Bryn, tout en levant un pouce vainqueur.

Puis vint l'heure de regagner les chambres. Après un passage par le bureau du directeur qui leur donna les dernières évolutions de la situations, les occupants de la chambre 214 furent autorisés à aller se coucher. Leur témoignage serait nécessaire le lendemain pour confondre les suspects.

Le sommeil fut long à venir et Bryn finit par sombrer dans un rêve peuplé de trafiquants en tout genre et de courses poursuites. Puis, le trou noir.

À son réveil, le jeune garçon n'était plus dans la chambre 214. Il se trouvait dans une pièce plus claire. C'était une chambre individuelle équipée d'une télé et d'un réfrigérateur. Jetant un coup d'oeil sous sa couette, il réalisa qu'il était nu. Des vêtements étaient posés sur le carrelage : chaussettes et caleçons blancs, t-shirt de couleur orange sur lequel figurait un bébé ailé assis sur un globe terrestre surmontant l'inscription CHERUB, pantalon de treillis kaki et paire de rangers. Touts ces vêtements étaient parfaitement à sa taille.

Tout en s'habillant machinalement, Bryn regarda par la fenêtre. Le soleil était déjà haut dans le ciel. Sur un terrain de football, des enfants de son âge disputaient une partie acharnée pendant qu'un peu plus loin, d'autres assistaient à une leçon de tennis sur un cours en terre battue.

Sortant de la chambre, le Gallois s'aventura dans un couloir et croisa d'autres pensionnaires, plus vieux que lui, vêtus de la même tenue, à la différence de la couleur du t-shirt qui était noire ou grise. À chaque question, le gamin obtenait la même réponse sibylline "On n'a pas le droit de parler aux oranges !", accompagnée d'un geste du bras lui indiquant une direction à suivre.

Guidé par ce mystérieux jeu de piste et se demandant s'il participait à une sorte de rituel d'initiation pour les nouveaux arrivants, Bryn parvint au rez-de-chaussée, dans un vaste hall de réception. Derrière les baies vitrées, se tenait une fontaine d'où s'élevait un jet d'eau, représentant un globe sur lequel était assis un bébé ailé, semblable au logo figurant sur le t-shirt.

S'approchant du guichet d'accueil, il fut pris en charge par la femme qui se tenait derrière.

"Bonjour Bryn, madame Moore t'attend dans son bureau."

Sans ajouter un mot, elle l'accompagna jusqu'à une double porte à laquelle elle frappa avant de laisser entrer le gamin.

La porte s'ouvrit sur une pièce dont les murs, à l'exception de deux hautes fenêtres et d'une cheminée, étaient entièrement occupés par des rangées de livres aux reliures de cuirs.

Assise derrière un bureau de style victorien, une femme de petite taille – elle semblait plus petite même que Bryn – fixait le jeune Gallois derrière ses lunettes aux verres épais. Ses mains étaient posées à plat sur le meuble, de part et d'autre d'un dossier fermé similaire à ceux de la DOYRMS.

"Bonjour, monsieur Wales.", dit-elle d'une voix monocorde. "Asseyez- vous, je vous en prie…"

Laissant à son visiteur le temps de tirer une chaise pour s'installer dessus, la femme reprit.

"Je m'appelle Eleutheria Moore et je suis la directrice de cet établissement.", commença-t-elle. "Je suis vraiment désolée mais nous avons dû vous administrer un sédatif pour vous amener ici. Je suppose que vous vous sentez un peu plus reposé et que vous n'éprouvez aucun effet secondaire…"

Simples constatations qui n'appelaient pas vraiment de réponses de la part du jeune garçon.

"Bienvenue à Cherub. Vous êtes ici sur un Campus d'un genre assez particulier, regroupant moins de trois cents pensionnaires et disposant, entre autre, de quatre piscines, six cours de tennis couverts, un terrain de football, un stand de tir et maintes autres installations que vous pourrez découvrir. Nous avons notre propre établissement scolaire. Les classes ne comptent pas plus de dix élèves et chacun d'eux étudie au moins deux langues étrangères. Nous avons davantage d'étudiants admis dans les universités que les meilleures écoles privées du pays."

Pendant cette énumération, le regard de la directrice restait fixé dans celui de Bryn, à l'affut de la moindre réaction du jeune garçon.

"Pour être admis parmi nous, chaque élève doit satisfaire à deux critères.", poursuivit-elle " Tout d'abord, il doit réussir l'examen d'entrée. Ensuite, il doit accepter de faire partie des services de renseignements britanniques. C'est assez inhabituel, je vous l'accorde, mais vous êtes intelligent, en bonne condition physique et vous ne craignez pas de vous mettre dans des situations délicates, ce qui fait de vous un candidat idéal."

Un bref sourire naquit sur le visage de la femme, accentuant certaines rides.

"Alors, je vous le demande monsieur Wales, voulez-vous essayer de nous rejoindre ?"

Le reveil avait été un peu "surprenant"... Après la victoire totale face à la graine de délinquance qui hantait les murs de la DOYRMS et la satisfaction d'avoir lavé un peu l'école.
Il se retrouvait ici dans une chambre inconnue.

Il s'habilla avec les vêtements imposés puisque c'était les seuls à sa disposition. Et sortit, jusqu'à se retrouver devant cette femme.

Elle avait visiblement son dossier sous le bras. Ne voulant pas aggraver sa situation, ne sachant pas dans quoi il avait mis les pieds, il obeit sans discussion.

Eleutheria Moore... Sédatif... Cherub... Campus... Quelque chose clochait... Pourquoi l'enlever?

Renseignements britanniques.... La classe...

- Heu... Si je comprends bien, ici on entraine des "espions"??? Whaou...

C'était la classe. Son père serait fier de lui, qu'il repose en paix.

- Je serais fier de servir mon pays madame... Et l'épreuve? Elle consiste en quoi?...

Eleutheria Moore était-elle satisfaite de la décision de Bryn ? Rien dans son attitude ne permettait de le dire. Ni de dire son contraire d'ailleurs. Le visage de la femme était toujours aussi figé alors qu'elle regardait le gamin, assis devant elle.

"Il s'agit simplement de vous évaluer au travers de quelques tests.", répondit-elle de sa voix neutre. "Nous saurons comme ça si vous possédez les capacités pour suivre la formation."

Se mettant debout, la directrice fit le tour du bureau pour se porter au niveau du jeune Gallois, lequel put s'apercevoir que sa première impression était bien la bonne : la vieille femme était belle et bien plus petite que le lui.

"Vous devrez affronter un de nos résidents à mains nues, puis effectuer quelques tests scolaires.", expliqua-t-elle. "Il y aura trois autres exercices ensuite que je vous laisserai découvrir le moment venu."

Se dirigeant vers la porte, Eleutheria Moore invita Bryn à la suivre. Les choses sérieuses allaient maintenant commencer...

Guidé par la directrice, Bryn arriva au dojo. En face de lui, se tenait un gamin d'une dizaine d'année en kimono fermé par une ceinture noire. Le garçon faisait bien dix centimètres de moins que le Gallois et semblait plus frêle. En dépit d'une certaine pratique du judo, l'aspirant agent ne pesa pas lourd face au gringalet. Un nez en compote et quelques côtes froissées ponctuèrent ce combat qui se termina par l'abandon de Bryn.

Après cette épreuve, souffrant encore des coups reçus, le garçon fut conduit en salle de cours où il se trouva face à une page de tests, combinant les questions scientifiques et littéraires.

Il fut conduit ensuite dans une minuscule remise où se trouvait un poulet vivant. Eleutheria Moore lui remit un stylo bille en lui confiant la mission de tuer rapidement cet animal afin qu'il puisse figurer au menu de la cantine.

Puis, Bryn arriva sur le parcours d'obstacles, succession d'échelles de cordes, de tyroliennes aériennes, de plates-formes et de poutres qui surplombaient le vide et qui se perdaient dans les arbres du parc. Cette structure s'élevait à une hauteur vertigineuse et était dépourvue de filets de sécurité. Deux garçons musclés, âgés de 15-16 et revêtus d'un t-shirt bleu marine, étaient présents pour veiller à sa sécurité.

Enfin, le Gallois rejoignit à la piscine où il dut plonger pour chercher une brique au fond de l'eau et nager avec elle jusqu'au bord opposé du bassin.

Une fois, cette série d'épreuves terminée, Bryn se retrouva dans le bureau de la directrice, le t-shirt orange maculé par le sang qui coulait de son nez meurtri, assis sur la même chaise dans l'attente du débriefing.

[HRP]À toi de broder un peu sur la façon dont Bryn passe ces différentes épreuves sans pour autant dire que tout est un succès remarquable. La seule chose vraiment imposée est ta défaite franche dans le corps à corps, ton adversaire étant beaucoup trop fort malgré son jeune âge, mais tu peux décrire tes tentatives pour gagner…[/HRP]

Un tatami, un judoka qui semblait être de son âge mais avec une ceinture noire... Etait ce possible?? Bryn était orange et devait obtenir la verte cette année ou l'année prochaine.. Il fallait donc qu'il se méfie malgré l'aspect gringalet du garçon. Mais bon un test était un test il allait donner ce qu'il pouvait donner.

Il regardait son adversaire et se mit en position de garde. Première passe, recherche d'une bonne position, balayage de la part de Bryn qui surprit un peu le judoka, mais qui retourna la prise à son avantage, Bryn se retrouva sous lui, avec sûrement le coude et le genoux brûlé par ses propres vêtements... Il se relevèrent, ils effectuèrent quelques passes assez raides, au cours desquelles Bryn parvenait à peu près à résister. Et puis, un Ushi-mata qu'il ne vit pas venir, les deux épaules au sol... Hippon, et le nez en compote. Sans parler des côtes qui lui faisait ressentir qu'elles existaient.

Un épreuve de tests comme s'il était à l'école... Bryn douta, répondit parfois au hasard avec une bonne intuition, et finit le test.

Il fut ensuite conduit devant un poulet... Qu'est ce que c'était que ces tests à la con. Il passa bien dix minutes à pouvoir se saisir du volatile qu'il tua presque par erreur, pas avec le stylo mais avec son poids... Bon le résultat était le même... Non?... Bon il larda quand même le volatile mort de coup de stylo pour... Bin... Valider le truc... Merde... Il venait de tuer un vrai poulet... Se dit il en contemplant ses mains...

L'épreuve du parcours... Fut celle pour laquelle il galèra le moins. Il anticipait chacun de ses passages, s'économisant et se raisonnant quand il le fallait. Peut être que la pratique des échecs, un sport qu'on ne croit pas physique lui avait été salutaire?

Quand à la dernière épreuve... Ce fut la pire de sa vie... La Brique le fit couler deux fois pendant le trajet mais il parvint avec difficulté à rejoindre le bord... Par manque de technique, lui qui ne nageait que la brasse...

Il revint devant la directrice... lessivé...

Pendant toute la durée des épreuves, Eleutheria Moore s'était tenue dans l'ombre de Bryn. Aucun muscle de son visage ingrat n'avait bougé, pas le moindre signe d'excitation ou d'encouragement alors que le garçon s'évertuait à donner le meilleurs de lui-même.

Elle n'avait manifesté ni dépit, ni joie, à voir le jeune Gallois se faire proprement démolir par un gamin faisant la moitié de son poids, était restée impassible pendant qu'il transpirait devant sa copie blanche, n'avait pas eu le moindre signe de dégoût devant le massacre du pauvre poulet, l'avait regardé survoler (c'était le cas de le dire) les obstacles aériens sans frémir et, pour finir, avait observé la dure lutte pour la vie entre Bryn et l'eau de la piscine, lutte dont l'élément liquide avait failli sortir vainqueur.

Tout cela pour se retrouver au point de départ, chacun assis d'un côté du bureau de la directrice, à se regarder face à face. Devant le regard pénétrant de la femme, le jeune Gallois ne savait quelle contenance adopter. Il avait la désagréable impression que la moindre de ses pensées était extraite de son cerveau pour être analysée et décortiquée.

Enfin, la statue de cire s'anima. Un sourire éclaira un instant son visage, si bref qu'on eut pu croire être l'objet d'une hallucination.

"Alors, monsieur Wales ?", lui demanda la femme de sa voix impersonnelle. "Comment pensez-vous vous en être sorti ?"

Plissant les yeux, elle dévisageait le garçon et se décida à apporter ses commentaires, s'interrompant quelques secondes entre chaque passage.

"Face à Peter, vous n'aviez aucune chance et nous le savions. Mais vous avez essayé de toutes vos forces et avez reconnu votre défaite lorsque celle-ci était évidente. Un agent ne doit jamais présumer de ses forces et, savoir renoncer, peut se révéler parfois la meilleure solution... Pour les épreuves scolaires, vous vous en êtes tirés très honorablement. On sent chez vous un certain talent pour la logique et le calcul... Votre acharnement sur le poulet était grotesque et inutile. Une fois l'animal mort, vous n'aviez nul besoin d'essayer de réduire en charpie comme vous l'avez fait... Votre calme et votre aisance sur le parcours aérien ont favorablement surpris les agents chargés de votre sécurité... Enfin, vous avez passé avec succès, la partie nautique, même si ce fut tangent."

Prenant le dossier du garçon, elle y apposa quelques mots rapides avant d'y porter sa signature.

"Monsieur, Wales, j'ai le plaisir de vous annoncer que vous avez réussi l'examen d'entrée pour Cherub. Vous avez encore des progrès à faire pour maîtriser vos pulsions et dans la pratique de la natation, mais dans l'ensemble vous avez un niveau tout à fait satisfaisant. Si vous désirez toujours intégrer le Campus, je vous invite à passer aux services administratifs pour compléter votre dossier. Vous aurez ensuite juste le temps de regagner la Duke of York Royal Military School pour y récupérer vos affaires."

Se levant, la directrice raccompagna le jeune garçon jusqu'à la porte.

"À bientôt donc, monsieur Wales. Il faudra d'ailleurs songer à vous trouver un pseudonyme..."