2015/02/17-IM – Northampton, Grande-Bretagne – [Mission d'introduction de Hazel Curtis] – Une souris chez les rats

Ca faisait maintenant trois semaines que Hazel fréquentait la "Musical Theatre & Ballet School" de Northampton, à raison de deux leçons hebdomadaires. La connaissance de la danse classique avait tout naturellement prédisposé la jeune fille à cette situation, même si le fait d'avoir vécu à CHERUB ces dernières années lui faisait trouver un peu ridicule le justaucorps blanc qu'elle devait adopter pour ces exercices.

Ce mardi soir, elle était encore une fois présente dans la petite pièce étroite qui servait de vestiaire. La "Musical Theatre & Ballet School" portait un nom bien pompeux si on s'en référait à la réalité. Ce n'était qu'une petite école de seconde zone, située dans un appartement au 3^ème étage d'un immeuble vieillot. La partie salon-salle à manger avait été convertie en piste de danse. Des grands miroirs et des barres d'appui avaient été fixés aux murs. Ce qui avait été la cuisine était devenu le vestiaire par l'ajout d'un banc et de porte-manteaux et un écriteau "Privé" interdisait l'accès à l'unique chambre. Dans un coin, une petite salle de bain permettait à ceux qui le désiraient de se doucher – à raison d'une à la fois – après la leçon et un sombre réduit abritait les WC.

Alors qu'elle se changeait en prenant appui sur l'évier, Hazel repensait au briefing qui avait précédé sa mission. Elle revoyait parfaitement le dossier qui lui avait été remis.

Citation :

ORDRE DE MISSION DE HAZEL CURTIS

CE DOCUMENT EST ÉQUIPÉ D'UN SYSTÈME ANTIVOL INVISIBLE. TOUTE TENTATIVE DE SORTIE HORS DU CENTRE DE CONTRÔLE ALERTERA IMMÉDIATEMENT L'ÉQUIPE DE SÉCURITÉ.


NE PAS PHOTOCOPIER - NE PAS PRENDRE DE NOTES

Destination : Northampton (Grande-Bretagne)

Contexte : La "Musical Theatre & Ballet School" de Northampton accueille des garçons et des filles voulant s'initier à la danse classique. Elle a été créée en 2005 par Margareth Kinston et connait un succès assez mitigé. Les élèves ne s'y pressent pas, pourtant sa fondatrice, qui est en même temps l'unique professeur de cette école, mène un train de vie bien supérieur à ce que ses revenus laisseraient supposer.

Rôle de CHERUB : La "Musical Theatre & Ballet School" est soupçonnée de n'être qu'une couverture pour abriter des activités illégales (trafics divers, prostitution) sans qu'aucune preuve n'ait jamais pu être apportée.
Matthew Baxton, le superintendant de Scotland Yard chargé de l'enquête est un ancien agent de CHERUB et il a eu l'idée de demander l'aide de ce service, convaincu qu'un enfant aurait plus de chances qu'un policier classique de trouver des éléments à charge.

Mission : Mission prioritaire : Inscrit au cours de danse, l'agent devra placer des micros dans le bureau de Margareth Kinston.
Mission secondaire : L'agent devra se lier avec Janice Kinston, la fille de 12 ans de Margareth, élève également de cette école et trouver un moyen de mettre le domicile du suspect également sur écoute.

NOTE : CET ORDRE DE MISSION A ETE APROUVÉ A L’UNANIMITÉ PAR LE COMITÉ D'ÉTIQUE DE CHERUB. Cette mission est classée RISQUE FAIBLE.

L'agent agira en complète autonomie. Son contact sera Matthew Baxton auquel il adressera un rapport quotidien sur l'avancé de sa mission.

Il est rappelé à agent qu’il a le droit de refuser de prendre part à cette mission et qu'il peut l’interrompre à tout moment de son déroulement.

Machinalement, Hazel jeta un coup d'œil à son sac, au fond duquel, soigneusement dissimulés, se tenaient deux ensembles "mini-caméra, micro et émetteur radio incorporé". Le matériel était là, il fallait juste trouver le moment opportun.

Deux autres filles, du même âge qu'elle, étaient également en train d'enfiler leur justaucorps en bavardant. Elles constituaient les uniques élèves de cette école et l'une d'elle était la fille du professeur, Janice. L'autre était une certaine Ashleigh, fille assez antipathique au demeurant.

Janice	Ashleigh

La porte s'ouvrit sur Margareth Kinston qui tapa sèchement trois fois dans ses mains.

"Allez mesdemoiselles ! Il faudrait voir à vous dépêcher un peu…", commanda-t-elle d'un air autoritaire en indiquant qu'il était temps de passer dans la pièce d'à côté.

Sur le bord de l'évier, Hazel avait calé un petit miroir de poche et ajustait une énième épingle à cheveux pour maintenir son chignon en place. La rigueur de la danse et ses codes d'apparence n'avaient pas été oubliés. C'était un peu comme le vélo en somme. Du bout des doigts, elle vérifia les bretelles de son juste-au-corps et s'éloigna pour poser un pied sur le banc. Dès la première leçon à Northampton, le rituel avait repris sa place. Il fallait tirer le collant du bout des doigts, en douceur, enfiler les demi-pointes, s'assurer que l'élastique le maintenant à la cheville n'était pas distendu, faire un noeud fin avec le petit lacet satiné pour qu'il se glisse facilement dans le rebord du chausson. Des gestes qui restaient mécaniques et lui permettaient de songer plus précisément à la mission.

Trois semaines, et elle n'avait pu trouver une bonne opportunité pour placer son matériel. Les rapports rendus quotidiennement n'étaient à son goût pas assez fournis. Certes, elle savait se montrer patiente. L'infiltration nécessitait un certain temps, et elle s'y pliait avec une satisfaction toute étouffée. La danse restait pour elle une activité agréable, quel que soit le degré de sordidité de l'école. Mais quand même, elle avait connu mieux. Pliant soigneusement ses affaires Hazel écoutait attentivement la discussion de ses deux camarades, se permettant quelques paroles peu impliquées pour témoigner de son intérêt pour leur échange. Rapidement prête, elle se plaça sur le seuil du vestiaire improvisé, jetant un rapide coup d'oeil à la porte agrémentée du panneau privé. Il allait falloir qu'elle trouve une occasion de pénétrer dans cette pièce pour y placer un micro et une caméra. Le second ensemble, elle le visualisait plutôt dans la salle de danse, dissimulée entre contre le système d'éclairage, là où l'ampoule serait trop éblouissante quand on la regardait pour discerner quelque chose de particulier. Il y avait un angle bien placé, permettant une vue en direction du couloir d'entrée. Pratique pour saisir des allées et venues qui n'auraient aucun lien avec la danse.

Se rapprocher de Janice était une autre paire de manches. Mais il fallait bien avouer qu'avoir une fille relativement antipathique dans le cours jouait clairement en sa faveur. Quoi de mieux que de prendre parti pour la fille du professeur, de témoigner d'une attitude protectrice mesurée, et de lui porter toujours un regard encourageant dès que la moindre contrariété venait troubler ses traits pour devenir une amie? Quant à savoir si cela allait lui permettre d'obtenir la confiance de sa camarade, ça restait encore à définir. La voix stricte du professeur les rappelèrent vite à plus d'ordre. Hazel s'écarta pour laisser passer ses camarades et récupéra son sac sur lequel elle laissait bien en évidence une bouteille d'eau avant de le déposer dans un coin de la pièce, pour ne pas avoir à interrompre le cours, et surtout garder un oeil sur le contenu. Trottinant à la suite des danseuses, la jeune fille alla naturellement prendre place, mains droite sur la barre d'appui supérieure, juste derrière Janice. Les cours débutaient toujours avec un échauffement. Les pliés, de la première à la cinquième position, puis il y avait les dégagés, les ronds de jambes, chaque fois de la première à la cinquième, droite et gauche. S'il y avait bien un détail de commun à la grande majorité des écoles de danse, c'était bien les protocoles des débuts de leçon.

Il allait falloir qu'elle trouve une solution pour placer l'équipement. Trouver un prétexte pour revenir dans la salle n'était pas nécessairement compliqué. Trouver le bon moment pour se servir d'un prétexte en revanche... Enfin elle avait bien dans l'idée d'oublier son porte-monnaie pour justifier un retour dans l'appartement à la fin du cours.

"Et un, et deux, et trois, et quatre ! Et un, et deux, et trois, et quatre ! Plié, relevé, équilibre, extension ! Allons mesdemoiselles, un effort…"

La voix sèche de leur professeur était désagréable et résonnait par-dessus la musique dans la pièce transformée en studio de danse. Les trois fillettes s'évertuaient à reproduire les différents mouvements, continuant leur échauffement à la barre.

Profitant d'une accalmie dans les commandements de Margareth Kinston, Ashleigh se pencha en arrière vers Janice et lui glissa quelques mots d'un ton acide. Hazel ne put pas entendre les paroles prononcées mais elle sentit les épaules de la petite devant elle se contracter brièvement.

Les exercices d'échauffement se succédaient rapidement et les trois gamines commençaient à sentir la fatigue les gagner lorsqu'un nouvel ordre leur rendit quelques secondes de liberté.

"Posé, soufflé. Reposez-vous deux minutes mais je ne veux pas entendre de chahut !"

Laissant là les futures (?) ballerines, le professeur quitta la pièce quelques instants. Hazel entendit qu'elle ouvrait la porte de son bureau et décrochait le téléphone. Malheureusement, l'éloignement, couplé au bavardage chuchotés de ses camarades ne lui permirent pas de saisir la moindre parole de la conversation.

"Tu pourrais faire attention, tu m'as bousculée dans ton plié. T'es trop empotée ma pauvre fille !"

Dans un sifflement, Ashleigh s'en prenait encore à Janice.

"Mais… Mais, c'est toi qui te colle…", protesta faiblement la benjamine, quelques trémolos dans la voix.

Le bras d'Hazel Prit une forme de demi-cercle devant-elle, puis s'écarta quand elle remonta de son plié, avant de partir en avant dans l'inclinaison, frôlant le sol du bout des doigts pour remonter en rythme au-dessus de sa tête. Elle s'efforçait de rester gracieuse, s'appliquant comme une bonne élève, dans une certaine mesure. De la cinquième jusqu'au léger penché en arrière, la jeune fille jetait de fréquent coup d'oeil vers les nuques de ses camarades, puis vers les miroirs, surveillant ses gestes mais aussi et surtout ceux de Janice, Ashleigh et madame Kinston. Déformation professionnelle sans doute. Elle ne manqua pas le petit manège d'Ashleigh, cette peste! Pourtant elle fit comme si elle n'avait rien remarqué. A cette distance, impossible d'entendre son murmure. Mais elle avait bien perçu le léger soubresaut des épaules de Janice. Hazel n'aurait trop su dire si elle avait de la peine, ou juste de l'indifférence pour sa camarade. A dire vrai, elle trouvait triste qu'une personne quelle qu'elle soit se laisse ainsi troubler par une emmerdeuse notoire, sans trouver en elle le commencement d'une réelle pitié pour Janice. Au contraire, c'était typiquement le genre de comportement qui lui créait une opportunité en or. Elle ne fit rien, dans l'immédiat.

La pause fut prise avec une certaine satisfaction. Du moins pour une courte durée. La frustration repris vite le pas quand Hazel réalisa qu'elle allait louper des information peut-être capitale. Tant pis. Sa mission c'était aussi de sympathiser avec Janice. Elle s'éloigna de quelques pas pour aller prendre une gorgée d'eau bienvenue et ne manqua pas le chuchotement tout diplomate d'Ashleigh. Quelle morue! Sa bouteille, elle se rapprocha pour saisir la faible et chevrotante défense d'une Janice toute blessée. Merci Ashleigh! Il ne restait plus qu'à appuyer les propos de la petite ballerine.

"En même temps, tu colles Janice comme si tu ne savais pas voir les distances."

Cachant un petit sourire acerbe, Hazel prit une gorgée d'eau avant de poursuivre, toisant Ashleigh d'un regard neutre.

"Je vais me mettre au milieu. Tu me verras mieux, ça t'évitera des soucis de placement."

Une nouvelle gorgée et elle tourna le dos à Ashleigh, glissant un petit clin d'oeil à Janice, pour aller reposer sa bouteille d'eau au sommet de son sac. A son retour, elle jeta un nouveau coup d'oeil en direction de la porte close. Si proche... Enfin ce n'était pas plus mal. Elle avait pleinement le temps de s'occuper de la fille de la prof.

Le regard noir d'Ashleigh suivit Hazel qui partait se désaltérer alors qu'un commentaire vitriolé, prononcé à mi-voix, se faisait entendre.

"Mêle toi de ce qui te regarde, fil de fer…"

Etouffés par l'épaisseur de la porte, quelques mots filtrèrent jusqu'à la jeune fille qui regagnait le studio.

"Dans une heure… Je ne sais pas… Entendu… Oui…"

Un petit bruit sec annonça la fin de la conversation et Margareth Kinston, un pli soucieux sur le front, réapparut. La femme parut contrariée de voir l'Ecossaise encore dans le couloir et la houspilla sèchement.

"Allons mademoiselle, on a assez paressé comme ça. Il est temps de continuer la leçon…"

Entrant dans le studio, elle poursuivit.

"Nous allons continuer par des étirements au sol. Effectuez-moi quelques cambrés pour voir si vous avez progressé en souplesse. Hazel, vous aviez du mal à faire un pont correct la dernière fois. Vous êtes vous exercée chez vous comme je vous l'avez demandé ?"

Dans le dos d'Hazel, un ricanement peu discret se fit entendre, ponctuant la répartie du professeur. La petite peste semblait prendre plaisir à entendre ce genre de critique émise à l'encontre de "l'empêcheuse de tourmenter en paix".

Narquoise, Ashleigh se mit en positon et effectua, sous le regard approbateur de Margareth, un mouvement parfait, levant alternativement une jambe, puis l'autre sans modifier la cambrure de ses reins.

Hazel ne releva pas le commentaire. A dire vrai, ce genre de comportement mesquins avait plutôt tendance à la laisser totalement indifférente. Néanmoins, elle prit la peine de se retourner pour jeter son meilleur regard incisif. Il fallait bien jour le jeu, n'est-ce pas? Elle préféra ne pas poursuivre la montée des mots. De là où elle était, il lui était à peine possible d'entendre quelques syllabes. Trop peu pour être exploitable, mais assez pour supposer que d'ici une heure, la charmante professeur de danse allait avoir certainement mieux à faire que de songer ronds de jambe et jetés. Au bruit sec, elle se détourna sensiblement pour fixer la salle, détournant son attention de la porte afin de ne pas avoir l'air douteuse. Quand la porte se rouvrit, elle jeta un regard d'excuse, rebouchant prestement sa bouteille.

"Excusez-moi."

Elle retourna dans la salle après avoir déposé sa bouteille et prit place , comme elle l'avait dit plus tôt, entre Janice et la peste. La prof avait eu l'air plutôt soucieuse avant de la houspiller. Contrariée même. Ses plans initiaux devaient être chamboulés par la personne du téléphone. Prise à parti pour l'exercice suivant, Hazel s'empressa de répondre en brave petite élève, ignorant royalement le ricanement un tantinet énervant de la sale mioche.

"Oui madame."

Et avec un air de petite fierté propre aux enfants, elle exécuta le mouvement à son tour, y mettant autant de grâce que possible, tâchant de montrer une souplesse à peine plus poussée qu'Ashleigh pour ne pas paraître trop louche. Cambrée à son tour, elle imita la prétentieuse, élevant sa première jambe en hauteur plus longtemps pour la faire redescendre tout en légèreté, puis la seconde... Qu'elle laissa retomber un peu plus lourdement. Assez pour avoir l'air d'avoir de s'être entraînée, mais pas trop, pour justifier une autre remontrance. Les piques d'Ashleigh avait cela de bien qu'elles détournaient la mioche de sa cible initiale, et mettait Hazel sur le même plan de Janice. De quoi aider à la complicité. Et puis il était bien de ne pas chercher trop tôt à refermer le caquet de la tortionnaire des cours de récré. Affichant un petit air confus à la fin de son exercice, elle affirma à l'intention du professeur.

"Je... Je vais m'entraîner plus que ça."

La leçon se poursuivait et les exercices au sol s'enchaînaient. Janice faisait preuve d'une souplesse et d'une grâce peu commune, lui attirant des regards envieux et rancuniers de la part d'Ashleigh.

Le temps passait et Margareth Kinston semblait de plus en plus nerveuse, les yeux attirés de plus en plus fréquemment vers la pendule.

Finalement, elle tapa encore dans ses mains, annonçant la fin du cours.

"Merci mesdemoiselles, ce sera tout pour aujourd'hui ! Jeudi soir, même heure.", commanda-t-elle de sa voix toujours aussi sèche avant de poursuivre en ce tournant vers sa fille. "Janice, mon petit, tu peux fermer le studio et rentrer toute seule ? J'ai une course à faire..."

Surprise d'une telle demande, la gamine acquiesça en se relevant avant de se diriger vers le vestiaire étriqué. Ashleigh s'était précipitée, elle-aussi, bousculant Hazel au passage. Elle se changea rapidement, fourrant en vrac son justaucorps dans sac tout en provoquant Janice en chuchotant.

"Tu auras pas peur toute seule pour rentrer ? Attention, car petite fille comme toi se font souvent enlever et on ne les retrouve jamais..."

Puis, satisfaite d'elle-même, la peste sortit rapidement de l'appartement, suivie quelques secondes après par Margareth, visiblement très pressée.

Des larmes dans les yeux, Janice paraissait décontenancée et fouillait dans son sac. Prenant une serviette, elle se dirigea vers la petite salle de bain après avoir adressé quelques mots à Hazel.

"Si tu veux te doucher aussi, je ne serais pas longue... Dis, on pourra faire un bout de route ensemble ? Jusqu'à mon bus..."

Le ton de la gamine était suppliant. Influençable, elle semblait particulièrement troublée par les dernières piques d'Ashleigh.

Mine de rien, la fille du professeur était tout particulièrement douée. Les gênes et une mère qui devait veiller à l'entraînement de sa fille depuis toujours devaient considérablement aider. Hazel ne se gêna pas pour l'observer de temps à autre, profitant de l'exemple offert par la fillette. Elle s'applique tout le restant du cours, notant sans mal l'impatience de madame Kinston. Une occasion se présenterait-elle?

Janice allait fermer toute seule. Quelle aubaine! Hazel prit de longues gorgées d'eau et ramassa son sac pour se diriger à son tour vers le vestiaire, lâchant un "hé!" de mécontentement à l'égard de la politesse si subtile d'Ashleigh. Tout en sortant tranquillement sa serviette, elle profita au directement du venin dispensé par la peste de service. Parfois, certains mériteraient une paire de claques. Juste pour le principe. A croire que la pauvre enfant n'avait aucun plaisir dans la vie autre que celui de se trouver une raison d'être en traumatisant les plus fragiles. Non pas qu'Hazel se sente l'âme d'une mèreThérésa, fallait pas déconner non plus, mais tout de même, il y avait mieux à faire de son temps. Comme s'améliorer soi-même pour ne rien avoir à envier aux autres, pour ne citer qu'un exemple.

Au moins Janice plongeait directement dans la peur insufflée par Ashleigh et ça allait lui servir. Hazel eut un sourire qui se voulait rassurant alors qu'elle sortait de son sac une petite trousse de toilette.

"Si tu veux, je peux t'accompagner jusque chez toi. Je ne suis pas particulièrement pressée de rentrer à la maison."

Trouver une occasion également de voir l'environnement de vie de madame Kinston pourrait toujours être utile, ne serait-ce que pour étoffer son rapport du jour.

"Prend ton temps, je vais profiter encore quelques secondes pour faire quelques étirements, ça me fera pas de mal."

Hazel attendit sagement que Janice se rende dans la salle de bain. C'était l'occasion ou jamais de pénétrer dans le fameux bureau pour y planquer au moins un micro et si le temps lui permettait, une caméra. Elle envisagerait un second placement une autre fois. Mais en attendant... Elle ne manquerait pas au passage de jeter un rapide coup d'oeil sur le bureau, veillant à ce que tout ce qu'elle déplacerait soit remis à son poste d'origine, pour voir si quelque chose de peu légal pourrait être apparent. Facture douteuse, note prises sur un post-it, dernier numéro reçu ou composé sur le téléphone, si celui-ci possédait la technologie nécéssaire...

Juste avant de s'enfermer dans la salle de bain, Janice regarda Hazel avec une pointe d'incrédulité.

"Tu m'accompagnerais jusqu’à la maison, c'est vrai ? Tu es sure que ça ne te dérangera pas ?"

Le soulagement, l'espoir et la crainte d'une déception se mêlaient dans le ton de la fillette. Elle voulait tellement y croire mais, échaudée par l'attitude mesquine d'Ashleigh, craignait un jeu cruel dans lequel Hazel allait brusquement éclater de rire et se moquer d'elle.

Rapidement, le bruit de l'eau coulant dans la douche résonna dans l'appartement et l’Écossaise put alors agir. La porte, pourtant fermée à clé, ne résista que quelques secondes à l'agent munie de son pistolet à aiguille. Finalement, les différents cours dispensés au Campus pouvaient se révéler utiles à un moment ou à un autre.

Tendant toujours l'oreille pour s'assurer que sa nouvelle amie était bien toujours en train de se laver, Hazel chercha le meilleurs emplacement pour dissimuler ses "mouchards". Le micro fut collé sous le bureau, relié à un petit émetteur et la caméra trouva sa place, soigneusement incrustée dans l'angle d'un tableau. Prenant un peu de recul, la jeune fille s'assura que l'angle de vue permettait d'avoir un champs de vision suffisamment large avant de regarder rapidement le contenu des tiroirs.

Un calepin ressemblant vaguement à un carnet de comptes faisait correspondre des nombres sur la même ligne qu'un texte sans signification apparente (soupe, tulipes, maïs, par exemple). Un prénom, celui de Billy, revenait très régulièrement dans cette liste. Sur le bureau, un post-it comportait un gribouillage indistinct duquel seul le mot "Campbell", hâtivement griffonné, put être déchiffré.

Un dernier regard circulaire ne lui apprit rien de plus et Hazel se dépêcha de sortir du bureau, en prenant soin de reverrouiller derrière elle. Elle eut juste le temps de remettre son pistolet à aiguille au fond de son sac et de se composer un air innocent que la porte de la salle de bain s'ouvrait.

"C'est bon, tu peux en profiter aussi...", annonça Janice, les cheveux encore mouillés. "Je n'ai pas été trop longue ? Dis, ça tient toujours pour rentrer avec moi ?"

Billy... Campbell... Hazel nota mentalement ces noms. A priori, il n'y avait rien d'étrange. A moins qu'elle ne se soit sérieusement endormie en cours, le maïs n'était pas encore devenu un produit illégale sur le sol britannique. Néanmoins, les nombres avaient un petit quelque chose d'intriguant. Numéros de série? Comptabilité? Comptes bancaires? Coordonnées? Essayer de déchiffrer pour les reproduire allait prendre beaucoup trop de temps. L'essentiel était de poser le matérieu d'enregistrement. Ceci fait, elle ne s'attarda pas.

Janice sorti de la salle de bain dans un délai qui ne lui permettait aps d'en faire plus. Dommage. Son sac sur l'épaule, Hazel alla récupérer sa serviette. Ashleigh avait fait du beau boulot pour ce qui était de réveiller les angoisses de Janice. Aussi peste était-elle, il fallait lui reconnaître ce talent.

"Merci!"

Décidément, la fillette devait vraiment croire que la gentillesse était un miracle.

"Non tu n'as pas été longues, et oui, ça tient toujours. ça ne me dérange pas de t'accompagner, tu sais!"

La balle était dans le camp de Janice. Mais pour Hazel, la bataille restait déjà gagnée.

"Je fais le plus vite possible!"

A son tour, Hazel s'éclipsa dans la salle de bain. Elle n'avait pas l'intention de traîner. Ce soir, inutile de se laver les cheveux. Sa douche fut plutôt rapide. Elle en ressorti habillée d'une jupe à carreau, une paire de ballerines, un pull par-dessus un chemisier, les cheveux détachés. Le stéréotype même de la petite fille sage rompue aux activités limite bourgeoises. Le temps d'attrapper sa veste, d'enfiler son écharpe, et elle était prête à suivre sa camarade de danse.

Soulagée en voyant qu'elle ne serait pas seule pour rentrer, Janice saisit son sac et se dirigea vers la porte, un sourire enfantin aux lèvres. Sur le trajet la menant à sa maison, la fillette sautillait et paraissait toute joyeuse. Visiblement ravie qu'on s'intéresse à elle, elle papotait sans cesse, véritable pipelette intarissable pour divulguer les informations les plus diverses.

En quelques instants, Hazel apprit que le père de Janice les avait quittés à la naissance du bébé, que sa maman travaillait dur et parfois même la nuit, que Janice n'aimait pas quand sa maman devait partir au milieu de la nuit en la laissant seule, qu'elle avait un petit chat, trop, trop mignon, appelé Peluche, qu'elle allait à l'école Sainte-Elisabeth, qu'elle avait plein de copines et même un amoureux (et toi ? tu as un amoureux aussi ?) trop, trop gentil, qu'elle aimait pas Ashleigh parce qu'elle ne faisait que se moquer d'elle, qu'elle aimait trop manger des scones, qu'elle adorait la danse et plein d'autres indications, toutes plus utiles les unes que les autres.

Enfin, le bus les déposa dans la banlieue proche, dans un de ces quartiers aux maisons rigoureusement identiques, alignées méthodiquement le long de routes droites, les jardins séparés les uns des autres par une petite barrière blanche. La demeure des Kinston ne dépareillait pas, la seule touche d'originalité et de couleur était constituée par des jardinières contenant des baies rouges.

Devant le perron, la petite hésita un peu. Elle mourait d'envie de faire entrer sa nouvelle camarade chez elle mais les consignes de madame mère étaient sans appel : il était interdit d'accueillir des étrangers, hors tout contrôle parental. Mais Hazel était-elle vraiment une étrangère ?

Hors de la salle de danse, et sans la presence pesante d'Ashleigh, Janice faisait preuve d'une sociabilité émouvante. Marchant docilement à son côté. Hazel ne perdait pas une miette de ce qui était dit, triant les informations qu'il serait bon de transmettre à son contact, de celles qui ne seraient pas nécessaire. Il n'était pas certain que monsieur Baxton apprécie de lire un document très détaillé sur les faits et gestes de Peluche. En revanche il était tout particulièrement intéressant de noter que le professeur était scrupuleusement productive, jusqu'à s'éclipser au milieu de la nuit pour aller faire Dieu savait quoi. A moins qu'elle ne soit médecin à domicile perpétuellement de garde, ou toute autre activité pouvant justifier un tel horaire, il devait s'agir d'un emploi assez peu moral. Le genre de travail où madame Kinston paraissait être plus l'employée que l'employeur. Sans doute en raison de sa promptitude à s'éclipser rapidement après son cours, suite à un simple coup de téléphone, ou sa nervosité mal dissimulée.

Pensive. Hazel ne répondait que le strict nécessaire pour permettre à Janice de se lâcher verbalement autant que possible, sans jamais chercher à l'interrompre. Janice avait un petit frère ou une petite soeur? A moins que le bébé dont elle parlait n'ait été elle, mais dans ce cas-là, elle aurait parlé de sa naissance, plus précisément. Voilà qui soulevait une autre question. Janice étant avec elle, et madame Kinston à un obscure rendez-vous, y avait-il une nounou en ce moment qui s'occupait du dit bébé? Parmi ses réponses multiples placées dans l'entretien de la discussion, Hazel répondit qu'elle n'avait pas d'amoureux, qu'Ashleigh était très mal élevée, qu'elle aimait aussi les scones, surtout au citron, et encore plus avec un verre de lait chaud, que la danse, c'était vraiment trop génial, et tout un tas de petites choses qui en prime donnerait du relief et de l'intérêt au personnage de l'amie qu'elle incarnait dans sa mission.

Arrivées dans la banlieue en question, Hazel observa la rigueur avec laquelle le conventionnel était une marque de fabrique dans cette rue. Toues les maisons se ressemblaient. Le concept ne lui était pas étranger. Après tout, l'individualité était aussi modérée sur le campus. Un soupçon de paranoïa lui fit effectuer un rapide balayage de la rue. Elle cherchait des choses peu communes, comme un type poireautant seul dans sa voiture sans raison, en vue de la maison de Janice, ou des passants, pour pouvoir les reconnaître aussi, des fois qu'un monsieur viendrait à promener son chien deux ou trois fois par heure le long de ce trottoir, ou tout autre comportement qui serait décalé avec celui du banlieusard moyen. Paranoïaque? Non. Juste un minimum prudente. Toute activité illégale possédait son lot de conséquences fâcheuses, et le moindre indice en ce sens serait utile dans un rapport.

Sur le perron, Hazel nota sans mal l'hésitation de sa camarade. C'était peut-être une nouvelle occasion à saisir.

"Tu voudrais que je reste avec toi jusqu'au retour de ta mère?"

La question avait été lancée tout é fait spontanément. Bien entendu que la jeune fille n'était pas une étrangère! Maman Margareth la connaissait!

Hésitant, Janice regardait Hazel, puis la porte de sa maison, puis Hazel à nouveau et encore la porte, comme si cette dernière allait lui apporter une réponse quelconque. Une lutte acharnée semblait se passer sous les cheveux de la gamine, tiraillée entre les consignes strictes de sa mère et la sympathie qu'elle éprouvait envers sa nouvelle amie. La rue était toujours relativement déserte à cette heure avancée de l'après-midi. Un gamin sur son vélo passa à la hauteur des deux filles et adressa un salut à la rouquine sans pour autant ralentir sa course.

"B'soir, Janice. Ca roule ?"

"Salut Billy !", répondit la gamine avec entrain. "Attention à ne pas tomber !"

La présence d'Hazel semblait décontracter totalement Janice et la rendait euphorique. Décidée, la fillette se tourna vers l'Ecossaise.

"Euh, oui, viens. Mais faudra partir avant que maman ne rentre. Elle veut pas que j'invite du monde à la maison…"

Ouvrant la porte, Janice pénétra chez elle, suivie de près par Hazel. Dans le couloir d'entrée, un escalier montait vers l'étage abritant certainement les chambres. Quatre portes fermées donnaient sur ce corridor.

Montrant l'une d'entre elle, Janice expliqua.

"Si t'as envie, les toilettes sont là…"

Puis, poussant une porte, elle fit entrer sa nouvelle amie dans la cuisine. Se mettant sur la pointe des pieds, elle fouilla dans un placard pour en sortir deux verres.

"Tu veux boire quelque chose ? On doit avoir du coca au frais…"

Allez... Ce n'était pas comme si Hazel était un agent infiltré simulant l'amitié et la sympathie pour venir fouiner dans les plus petits recoins sordide de la vie d'une petite famille, et ce sans le moindre scrupules. Ah si? Oh... Peu importait. L'écossaise ne voulait pas se montrer trop pressante, de craindre d'obtenir l'exact opposé de ce qu'elle cherchait. Néanmoins, elle inclina la tête, l'air de demander si Janice allait se décider. Son attention se porta ailleurs que lorsque le bruit caractéristique d'un vélo fut à sa portée. Un enfant passa, saluant Janice. Hazel tiqua sensiblement sur le prénom. Billy... Comme sur les papiers qui traînaient dans le bureau de la prof de danse. Une coïncidence? C'était possible. Mais elle préféra ne pas écarter cette possibilité pour le moment. Elle fixa quelques secondes le dos du gamin qui s'éloignait, avant de revenir à sa camarade.

"Je ne resterai que le temps que tu voudras! De toute manière, je ne peux pas rentrer trop tard non plus."

Tant que madame Kinston ne soupçonnerait pas sa présence, elle aura d'autant plus d'opportunité d'observation. Suivant Janice jusque dans la maison, Hazel détailla le couloir. Quatre portes, l'une étant les toilettes. Si les chambres étaient à l'étage, ce devait aussi certainement être le cas d'une salle de bain. Donc par élimination, en bas il devait y avoir un séjour, la cuisine, quant à la dernière, ce devait soit être une salle à manger, soit un bureau. Hazel pencha plutôt pour la première option, tant donné que madame Kinston avait déjà un bureau dans l'appartement qui servait d'école de danse. Elle suivit sa camarade dans la cuisine.

"Ah oui! je veux bien un coca. Attend, je vais te le chercher."

Puisque Janice était occupée à sortir les verres, elle alla ouvrir le frigo pour sa part, afin de dégotter la dite bouteille de coca, en lançant, l'air de rien.

"Je te trouve courageuse de rester seule quand ta maman n'est pas là. Mais... Elle ne laisse vraiment pas un ami au moins venir ici de temps en temps? Comme Billy, par exemple?"

C'était lancé l'air de rien, juste pour savoir s'il fallait s'attendre à de la visite, et tant qu'à faire, voir qui était ce Billy é vélo pour la famille Kinston.

La petite fille effacée et craintive du cours de danse semblait métamorphosée une fois dans son environnement familier et sans personne pour l'asticoter par des réflexions volontairement méchantes. Souriante, elle tendit son verre pour se laisser servir par Hazel.

"Tu es vraiment trop gentille de m'avoir raccompagner chez moi. Des fois j'ai un peu peur quand je suis seule. Surtout le soir. Mais, toi, tu ne vas pas te faire gronder par ta maman si tu rentres trop tard ? Tu n'auras pas peur de revenir seule chez toi ?"

Les questions de l’Écossaise amenèrent un petit sourire mélancolique et triste sur le visage de Janice. Visiblement, ce n'était pas la première fois, ni ne serait la dernière, où elle s'était retrouvée, livrée à elle-même, attendant le retour de sa mère.

"Oh, Billy, c'est pas vraiment un ami. C'est un garçon du quartier qui traîne souvent dehors. Mais il est gentil, lui. Il n'essaie pas de regarder sous ma jupe..."

Les deux filles s'étaient assises autour de la table de la cuisine pour papoter tranquillement. L'équipement électroménager était flambant neuf et semblait avoir très peu servi. Tout ce qu'Hazel avait pu voir du domicile des Kinston montrait un environnement un peu tape à l'oeil, respirant le nouveau riche. Dans le hall d'entrée, quelques tableaux, de styles très variés, décoraient les murs sans soucis d'harmonie.

A ce moment, la sonnette de l'entrée interrompit cette conversation. Devant la porte se tenait deux hommes qui affichaient un air impatient.

"Salut, petiote !", lâcha le noir avec la casquette rouge visée à l'envers sur son crâne. "Ta mère n'est pas là ? On doit lui parler !"

Une lueur de terreur dans les yeux, Janice mit quelques secondes à répondre.

"Je... Euh... Non, m'sieur Kurt...", bafouilla-t-elle. "Elle... elle a dû sortir mais elle... elle ne devrait pas tarder..."

L'autre homme fixait les deux filles avec un air peu amène. Fronçant les sourcils, il avait l'air mécontent de découvrir Hazel qui se tenait derrière la rouquine.

"Que fais-tu ici, toi ? Et qui es-tu ?", demanda-il sèchement à l'Ecossaise.

Il n'y avait pas à dire. L'amitié pouvait vraiment changer une personne. Janice était clairement mieux avec Hazel qu'en plein cours de danse avec les propos mesquins d'Ashleigh. L'écossaise remplit soigneusement le vere de Janice avec du coca. Le sien, elle ne le remplit que de moitié, n'ayant pas très soif pour le moment. Ceci fait, elle alla remettre la bouteille dans le frigo tout en répondant à sa camarade. Elle haussa les épaules.

"Ma maman n'est pas trop strict. Tant que je fais mes devoirs et que tout va bien, elle me laisse traîner. Et puis c'est pas si dangereux que ça dehors!"

Hazel préféra jouer sur l'insouciance. Ainsi, elle pouvait montrer à Janice une autre possibilité de vie, avec moins de restrictions. Certes pas dans le meilleur exemple, mais peut-être que ça permettrait à sa camarade d'oser faire des demandes à sa mère, comme par exemple... Avoir le droit de ramener des amis à la maison. Peut-être que c'était impossible en raison des activités maternelles douteuses, mais il fallait bien que mère et fille puissent un jour entrer en conflit. C'était aussi ça, grandir.
Pour ce qui était de Billy, elle n'était pas plus avancée. La possibilité qu'il puisse y avoir un lien entre ce garçon et les papiers trouvés dans le bureau de madame Kinston semblait rapidement se réduire. Ou alors il s'agissait d'un rapport dont Janice ignorait tout, ce qui était aussi envisageable. A voir les restrictions imposées par maman, il y avait des chances que celle-ci garde un maximum de choses secrètes dans l'optique de protéger sa fille bien-aimée. La remarque sur la jupe fit néanmoins sourire Hazel. Un brave garçon ce Billy! Pas obsédé pour un sou. Pas comme certains mecs de son campus...

Installée à la table, Hazel en était à noter l'aspect luxueux du décor, qui appuyait les informations reçues dans son ordre de mission, avant que des coups contre la porte ne l'amènent à un nouveau centre d'intérêt. Abandonnant son verre de coca, elle alla suivre Janice pour voir qui venait. Certainement pas la maman qui aurait ouvert la porte. Derrière sa camarade, l'écossaise posa un regard curieux sur les inconnu. "M'sieur Kurt" tout d'abord, puis l'autre type impatient qui ne témoignait pas d'une grande sociabilité avec les enfants, vu la manière agressive avec laquelle il posa la question.

"Je suis une copine à Janice! Et vous, vous êtes qui? Un ami de madame Kinston?"

Elle inclina la tête sur le côté, avec un air interrogatif tout à fait naïf. Il était clair que ces messieurs n'étaient pas des amis. Il n'y avait qu'à voir l'hésitation verbale de Janice. Elle réagissait pareil avec Ashleigh, donc ces hommes devaient nécessairement lui faire peur.

Visiblement mécontent de la réponse d'Hazel, l'homme la fixa méchamment.

"Si on te demande, tu diras qu't'en sais rien.", aboya-t-il brutalement. "J'pense pas que Magareth apprécie beaucoup de te voir ici..."

"Oui, oui, Hazel...", émit Janice d'une voix plaintive. "Faut mieux que tu partes. S'il te plait..."

La fillette semblait particulièrement apeurée à l'idée de voir sa mère revenir alors que l’Écossaise serait encore là. Sur le perron, les deux hommes s'écartèrent légèrement, un sourire narquois aux lèvres, pour laisser juste la place à Hazel de passer entre eux pour quitter les lieux.

Garée devant la maison, se trouvait une camionnette blanche qui n'était pas là à l'arrivée des deux filles. Le soir commençait à tomber et les badauds se faisaient plutôt rares. Une jeune fille blonde, en tenue de joggeuse passa devant eux d'une foulée légère.

Un peu plus loin, un couple d'amoureux, chaudement vêtus, erraient, collé l'un à l'autre. Ils échangèrent un baisers passionné avant de reprendre leur route et de s'éloigner au bout de la rue.

Finalement, il aurait été plus judicieux pour Hazel de trouver un moyen de mettre également la maison des Kinston sur écoute. L'écossaise afficha une minde toute étonnée et un peu craintive face à a réaction plutôt virulente de l'inconnu du duo. Il ne rassurait pas Janice, c'était certain. Hazel hésita un moment tout de même. Le fait que la mère de sa camarade n'apprécie pas sa présence était le cadet de ses soucis, comparé à la perpective de rater des informations capitales en les laissant seuls avec Janice. Celle-ci préféra clairement qu'Hazel s'en aille. Tant pis. Aujourd'hui elle avait eu l'opportunité de pénétrer dans le cocon nouvellement riche de Margareth, et de mettre le bureau sur écoute. C'était déjà une bonne avancée et il lui restait encore un rapport à faire. Elle jeta un regard dubitatif à Janice.

"C'est comme tu veux. De toute façon, on se revoit bientôt."

Hazel se retourna dans le couloir pour aller récupérer son sac dans la cuisine, puis revenant sur le perron, elle porta sur monsieur Kurt, le plus sociable des deux, un sourire adorable.

"Bonsoir monsieur! Et bonne nuit, Janice!"

Après les salutations à son amie, elle ignora royalement le troisième luron aussi peu aimable et rejoignit ka rue, remarquant la camionnette. Hazel posa dessus un regard discret, espérant pouvoir noter au passage le numéro de plaque. Aucun passant ne lui tapa spécialement dans l'oeil. La joggeuse semblait concentrée sur la foulée, et le couple... Rah mais il y avait des chambres pour ça, quoi! Hazel plissa le nez, détournant la tête l'air un peu gênée, et reparti en direction de l'arrêt de bus. Il était temps qu'elle aille faire son rapport et prendre des risques en restant pour espionner risquerait de faire capoter sa mission.



[Très bon choix de PNJ! XD]

L'air désolée, Janice prit congé de sa nouvelle amie sans oser manifester trop de défiance envers les deux hommes. Visiblement, elle craignait énormément les réactions de sa mère.

Rejoignant l'arrêt de bus, Hazel passa à côté du couple qui, trop occupé certainement, ne sembla prêter aucune attention à la jeune fille. Rentrée dans le petit appartement mis à sa disposition le temps de la mission, elle se dépêcha d'informer son contact de l'avancée de sa mission.

L'agent reçut de chaleureuses félicitations pour ces progrès manifestes. Matthiew Baxton allait essayer de se renseigner sur ce "monsieur Kurt" et sur ce fameux Billy mais sans être certain de pouvoir obtenir rapidement un résultat probant.

Le jeudi arriva sans qu'Hazel n'obtienne de nouvelles informations de Scotland Yard. Il était temps de se rendre à la leçon de danse. Gravissant les trois étages, la jeune fille parvint devant le studio et s'immobilisa surprise. Devant la porte fermée se tenait Ashleigh en train de lire la pancarte punaisée sur le panneau de bois qui informait que les cours étaient interrompus jusqu'à nouvel ordre en raison "d’évènements imprévus".

"La vieille bique aurait quand même pu téléphoner pour me prévenir.", pestait la gamine de sa voix haut perchée. "J'ai dû traverser la moitié de la ville pour rien..."

Les félicitations, même si elles n'avaient pas lieu d'être, satisfaisait tout de même Hazel. Consciente qu'elle ne devait en aucun cas se reposer sur ses lauriers, la fillette profita du temps imparti avant le prochain cours pour s'entraîner un peu, et paas uniquemetn à la danse. La solitude de l'appartement constrastait magistralement avec l'agitation du campus. Non pas qu'elle s'en plaigne, Hazel était du genre à rester seule et à apprécier le calme offert pour rentabiliser du temps à de quelconques perfectionement. Mais mine de rien, le bruit quotidien commençait à lui manquer.

Le jour venu, Hazel fut plutôt surprise de trouver la porte close. Mais nettement moins d'entendre Ashleigh commencer par râler avant même de passer par la politesse la plus élémentaire. Elle débuta donc, en appuyant sensiblement sur le premier mot.

"Bonjour, Ashleigh."

Par-dessus l'épaule de sa camarade, elle jeta un coup d'oeil à la pancarte. "Evénements imprévus, tu parles! C'était aussi l'occasion ou jamais de retourner fouiner dans le bureau, voir si un indice supplémentaire s'était glissé dans les papiers. Quelque chose que la caméra n'aurait pu saisir. Mais avant, il fallait éloigner le témoin potentiel.

"Je suis d'accord avec toi. Franchement, elle aurait pu prévenir..."

Elle fit une mine sensiblement contrariée avant d'en revenir à Ashleigh.

"Il ne reste plus qu'à rentrer."

Pour sûr, si la peste fuyait comme à la fin de chaque leçon, elle allait mettre les voiles fissa.

Sans paraître remarquer la leçon de politesse que lui donnait Hazel, Ashleigh continuait à pester contre la vieille bique, disant qu'elle avait cent mille choses bien plus intéressantes à faire que de venir perdre son temps dans un truc aussi miteux que celui-là. Après avoir maugré quelques minutes encore, la gamine donna un coup de pied dans la porte avant se sautiller sur place, s'étant, semblait-il, fait mal au pied.

"C'est trop nul ce cours de toute façon !", décréta la peste en tirant la langue à la porte. "Y'a personne d'intéressant !"

Sans même un regard pour Hazel, l'ignorant même superbement, la sale gamine tourna les talons et redescendit l'escalier. Le son des marches, partiellement vermoulues, qui craquaient sous son poids se fit entendre, puis le bruit de la porte de l'immeuble qui se claquait violemment, puis, plus rien, un silence étrange régnait maintenant sur ces lieux.

Hazel en profita pour essayer d'ouvrir la porte du studio. Fermée à clé comme il fallait s'en douter ! Sortant son équipement (que ferait les agents de CHERUB sans leur pistolet à aiguilles ?), elle crocheta la serrure avant de se glisser, sans bruit, dans l'appartement.

Se rendant directement dans le bureau, elle fouilla ce dernier plus en détail que lors de sa première visite, recherchant activement le petit carnet annoté. Mais où pouvait donc être passé ce fameux calepin ? Prise d'une inspiration, Hazel se pencha et regarda sous la table. Le micro avait disparu. Se précipitant vers le grand cadre, elle ne put que constater l'absence de la caméra qu'elle avait posée deux jours plus tôt.

A ce moment, l'agent entendit la porte de l'appartement s'ouvrir et le paquet de la petite entrée grincer.

Ashleigh s'en allait, fidèle à elle-même, et c'était tant mieux. Hazel attendit sagement la certitude que son irrascible camarade avait bien quitté l'immeuble pour s'occuper plus sérieusement de la porte. Mine de rien, ce matériel était décidément bien pratique. Que ferait-elle sans son si précieux pistolet à aiguilles? Vide de toute présence et de toute musique, l'appartement lui semblait plus glauque encore qu'à l'ordinaire.

Elle se dirigea directement vers le bureau, siège de tous les mystère de madame Kinston. Tout document encore non observé était bon à lire, mais curieusement, la seule chose qu'elle aurait vraiment voulu détailler plus avant ne se trouvait pas là. C'est avec une belle pique d'adrénaline qu'elle constata, après vérification, l'absence de micro et... De caméra. Grillée. Mais que foutait son contact? Il n'avait pas percuté que les appareils ne renvoyaient plus rien? En prime, il n'avait pas pu lui donner d'indication d'avancées de recherches de son côté. Hazel pesta à son intention et eu un sursaut en entendant la porte s'ouvrir. Il ne manquait plus que ça!

D'un coup d'oeil, elle espéra ne rien avoir trop déplacé, et recula jusqu'à se placer derrière la porte du bureau. Elle était mal, vraiment trop mal. Où se situait l'erreur? Comment une simple prof de danse aurait-elle pu trouver son matériel? C'était trop poussé comme recherche. Quelqu'un avait fouillé sciemment ce bureau et était tombé sur son matériel. Une quantité monstrueuse d'hypotghèses. Le père de Janice était un agent infiltré qui avait disparu et elle et sa mère étaient sous protection policière. Le père de Janice était un mafieux et Janice et sa mère en payaient le prix. Un autre agent qu'elle était sur l'affaire. Son contact, Baxton, était un ripou et l'avait piégée. Madame Kinston était en fait une super-criminelle surdouée.

Malgré son apparence calme et silencieuse, Hazel ne pouvait contrôler un pâlissement de panique. Si il allait falloir en venir aux mains, elle serait mal partie, ce n'était son fort. Elle pourrait toujours mentire, mais ça allait devoir être gratiné pour justifier sa présence dans un espace qui était verrouillé.

Se glissant silencieusement derrière la porte, Hazel entendit nettement deux personnes entrer dans le petit appartement. Retenant sa respiration, la jeune fille essayait de se montrer la plus discrète possible. Dans l'entrée, les deux hommes ouvraient sans précaution différents placards. Un claquement sec annonça qu'une porte venait d'être forcée, certainement celle du petit cagibi se tenant près des toilettes.

"C'est bon, tout est là !", affirma une voix rauque qu'Hazel reconnut comme étant celle d'un des deux hommes croisés chez Janice.

Sans surprise, la voix de "monsieur Kurt" lui répondit.

"OK, on embarque tout et on se casse !"

Un remue-ménage s'en suivit, puis des pas qui s'éloignèrent et descendaient les escaliers. Les deux hommes venaient de quitter l'appartement sans en refermer la porte.

S'efforçant de contrôler chaque millimètre cube d'air qui transitait par ses poumons, Hazel fixait le vide, réfléchissant à toute allure sans trouver de solution valable. Elle reconnu les voix, ce qui n'était pas pour la rassurer.

La fouille peu discrète de l'appartement achevait de la mettre sous tension. Crispée au possible, l'écossaise n'osa pas bouger pour voir ce qui se tramait exactement. Elle eut néanmoins un instant d'inquiétude pour madame Kinston et Janice. Si les locataires légitimes de l'appartement étaient aux abonnés absents, et qu'au lieu de ça deux barbares venaient comme de rien pour jouer les cambrioleurs, c'était qu'il devait y avoir un sérieux problème.

Sans trop savoir par quel miracle, les deux hommes n'allèrent pas jusqu'à sa cachette. Elle fut partagée entre le soulagement, et la frustration extrême de ne pas avoir vu ce qu'il y aurait probablement eu de plus intéressant. Elle attendit un peu, que les pas diminuent, pour sortir de sa planque et se rapprocher de la fenêtre. Avec un peu de chance, il lui serait donné de voir ce que ces hommes étaient venus prendre.

Après, il lui faudra avertir de toute urgence Baxton. Pour sûr, les événements étaient en train de se précipiter et il serait bon de tenir son contact informé en temps réel, pour qu'il puisse être prêt en cas d'intervention.

Se penchant à la fenêtre, Hazel put reconnaître la même camionnette blanche que celle qui se trouvait devant le pavillon de la famille Kinston. Une jeune femme, chaudement vêtue, se tenait non loin de là, dans l'ombre d'une porte cochère.

Quelques secondes passèrent et les deux hommes qu'elle avaient déjà vu deux jours plus tôt sortirent de l'immeuble, portant chacun un grand carton dans les bras. D'après l'attitude des hommes, ces paquets, particulièrement volumineux, semblaient également assez lourds. Le noir ouvrit le coffre du véhicule et les deux complices y déposèrent rapidement leur chargement.

Se penchant en avant, ils semblaient essayer de retrouver un second souffle avant de se redresser et de se cambrer pour s'étirer. Refermant le coffre, "monsieur Kurt" et son compagnon s'éloignèrent à nouveau de la fourgonnette pour s'engouffrer à nouveau dans le porche de l'immeuble.

Au même instant, Hazel put apercevoir la femme quitter son abri pour se rapprocher du véhicule. Après avoir tenter en vain d'en ouvrir la porte arrière, elle se pencha sur la vitre, les mains de part et d'autre de son visage, essayant d'observer ce qui se trouvait à l'intérieur.