2015/01/30-IM – Londres, Grande-Bretagne – [Mission d’introduction de Maxence Roy] – Le transporteur

Citation :

ORDRE DE MISSION DE MAXENCE ROY

CE DOCUMENT EST ÉQUIPÉ D'UN SYSTÈME ANTIVOL INVISIBLE. TOUTE TENTATIVE DE
SORTIE HORS DU CENTRE DE CONTRÔLE ALERTERA IMMÉDIATEMENT L'ÉQUIPE DE
SÉCURITÉ.


NE PAS PHOTOCOPIER - NE PAS PRENDRE DE NOTES

Destination : Londres (Grande-Bretagne)

Contexte : Depuis quelques années, le commerce illégal d'armes a augmenté de près de 40% dans la région de Londres et ses proches banlieues. D'après des sources du MI5, un lien étroit avec un groupe provenant des pays de l'Est, SCAR, a été réalisé. L'un des présumés bras-droit de cette organisation criminelle serait même arrivé dans la capitale pour superviser lui-même les intérêts de son groupe. Les diverses filatures et recherches font état d'un réseau de proxénétisme et de vente de drogue venant renforcer le commerce d'arme.

Rôle de CHERUB : SCAR recherche actuellement de jeunes coursiers afin de transporter différentes catégories de colis aux quatre coins de la banlieue londonienne. Dans ce cadre, il a été demandé à CHERUB de fournir un agent répondant aux spécificités demandées pour ce rôle par les recruteurs de SCAR.

Mission : L'agent devra, avec l'aide d'un agent du MI5 infiltré dans le réseau de SCAR, se faire accepter en tant que coursier puis fournir à son contrôleur de mission, Ethan Groove, la liste des destinations et les dimensions des colis transportés, ainsi que les dates et heures de livraison afin d'identifier des suspects et de recouper certaines informations.

NOTE : CET ORDRE DE MISSION A ETE APROUVÉ A L’UNANIMITÉ PAR LE COMITÉ D'ÉTIQUE DE CHERUB. Cette mission est classée RISQUE MOYEN.

L'agent agira sous les ordres du membre infiltré. Son second contact sera le contrôleur de mission Ethan Groove avec lequel il sera en liaison par les moyens habituels.

Il est rappelé à l'agent qu’il a le droit de refuser de prendre part à cette mission et qu'il peut l’interrompre à tout moment de son déroulement.

Maxence avait donc été envoyé à Londres la veille et vivait dans un appartement miteux de la banlieue, loué pour l'occasion par le gouvernement sous un faux nom afin de permettre de loger des agents de terrain. Il devait attendre de rentrer en communication avec Fury, l'homme infiltré du MI5.

Et d'ailleurs, on sonna à la porte.

Adam Smith, dit Fury (34 ans)

" Tu dois être Maxence. " lança l'homme sans esquisser de sourire.

Il rentra dans l'appartement et referma la porte immédiatement avant d'aller s'asseoir sur le canapé.

" Je suis Fury. Toi tu es Maxence Becket. Voilà tes papiers. " indiqua-t-il en sortant quelques pièces d'identité d'une poche intérieure de sa veste.

" Tu as appris que des gens cherchaient des coursiers par l'intermédiaire de ton pote Jerry qui achète régulièrement de la cocaïne à Lewis. Tu dois te rendre cet après-midi au 23 rue des quais. C'est un grand hangar. Tu dois y être vers 15h. Viens en vélo, y'en a un dans le sous-sol, ça fera toujours mieux. J'y serai avec Ed. C'est lui qui choisira s'ils te prennent ou pas. Tu te laisseras pas démonter, il est un peu parano et il lui manque une case parfois. T'as des questions ? "

Fury prit ses aises dans le canapé, étalant ses grands bras musclés d'un côté et de l'autre du dossier. Le moins qu'on pouvait dire était qu'il n'avait pas l'air commode.

Y'a pas à dire, la déco de cet appartement laissait vraiment à désirer. Elle était vraiment à l'unisson de l'espèce de quartier pouilleux dans lequel il se trouvait. Le papier peint défraîchi devait dater des années 70 et était déchiré par endroit. Une forte odeur de renfermé empoisonnait l'atmosphère et des traces de moisissures étaient nettement visibles dans ce qui tenait lieu de cuisine et de salle de bain à la fois mais Maxence n'en avait cure. Il avait une mission à accomplir. C'était la première fois que le jeune agent se trouvait lâché en solitaire et il avait bien l'intention d'assurer, histoire de rabattre le caquet de certains T-shirts bleus marine qui avait tendance à se la péter en peu en présence des plus jeunes.

Et qui sait ? Peut-être aurait-il l'occasion, lui aussi, de gagner ce fameux T-shirt pendant cette mission, même si, en apparence, cette dernière semblait plutôt facile. Au fond, il n'avait qu'à suivre les ordres de l'agent du MI5 et récupérer les renseignements demandés.

Tiens. D'ailleurs, quand on en parle... L'agent Fury venait de s'annoncer et sans perdre de temps donnait ses instructions. Hochant la tête pour montrer qu'il avait compris, Maxence se saisit des papiers d'identité qu'il vérifia rapidement, avant de les glisser dans la poche arrière de son jean. Non pas qu'il n'ait pas confiance dans le travail de faussaire des Services Secrets britanniques mais dans ce genre d'activité, il valait mieux se montrer prudent et s'assurer que toutes les informations concordaient. Le moindre détail pouvait faire clapoter la mission et mettre sa sécurité en jeu. Là, tout collait parfaitement, il n'y avait pas de soucis. Il serait donc Maxence Becket l'espace de quelques jours. Cela ne lui posait aucun problème.

"15h00. Un hangar, 23 rue des quais. Voir Ed, de la part de Jerry qui connait Lewis", récapitula le gamin. "Ca me semble clair, m'sieur. Le fameux Lewis travaille pour eux déjà ? Et il est du genre à lâcher le nom d'Ed comme ça ?"

Maxence s'efforçait de réprimer le léger accent canadien qu'il avait dans la voix. Impressionné par la musculature et l'assurance de Fury, il essayait de faire bonne impression, en montrant que lui-aussi était un pro qui ne laissait rien au hasard. Prendre contact avec la bande de délinquants devrait être assez facile. Au fond, le Québécois avait déjà effectué ce genre de travail avant, dans une vie antérieure, avant que CHERUB ne le recrute. Il n'était donc pas complètement novice en la matière. Et, en plus, depuis, il avait suivi l'entraînement du Campus et avait survécu aux cents jours en Enfer.

Oui, définitivement, ce n'était pas quelques loubards de banlieue qui pouvaient l'intimider...

L'homme hocha la tête au récapitulatif de Max puis précisa la situation :

" Lewis vend de la cam depuis quelques mois pour eux. Il se débrouille plutôt pas mal donc ils en sont assez contents. Perso je l'ai jamais rencontré. Jerry c'est un drogué qui consomme. Il a seulement 15 ans le pauvre gamin. L'intérêt c'est qu'il est pas très malin et qu'il est assez simple à prendre en filature. Ed c'est pas son vrai nom. Les flics essayent de le coffrer depuis longtemps mais ils ont jamais rien contre lui. Et il est assez mobile en général. "

Fury renifla puis se frotta le nez, avant de tendre à nouveau son bras.

" Et puis en soit, coursier, c'est pas illégal. On imagine bien qu'ils vont pas te filer de la drogue à livrer ou des documents spéciaux le premier jour. Faudra que tu travailles un moment, et correctement. Si t'es efficace, ils te fourniront peut être des choses plus intéressantes. J'ai pas accés à ce genre d'infos. C'pour ça que t'es là. Mois je suis plutôt du côté proxo de l'affaire et je commence à approcher de leur affaire d'armes. "

L'agent du MI5 se redressa avant de s'appuyer de ses coudes sur ses genoux.

" Tu vas passer un moment dans cette piaule pourrie. " lui annonça sans prendre de gants le bonhomme.

Il se releva, et se dirigea vers la porte, non sans poser une main sur l'épaule de Maxence.

" Bon courage. Sois pas à la bourre. "

A présent, l'agent Cherub était seul. La fin de matinée se passa, puis le repas sommaire fut englouti avant que l'heure n'approche lentement.


Maxence arriva à l'heure prévue. Le coin était un peu paumé, parfois glauque, mais aussi particulièrement vide. Des dizaines d'hangars étaient alignés et il était difficile de réellement trouver le bon. Un silence relatif régnait à cause du périphérique londonien, alors que l'agent pénétrait dans l'enceinte du bâtiment entouré par un mur de deux mètres. Face à lui se trouvait le lieu de son rendez-vous, la porte principale grande ouverte. A l'intérieur, des alignements de containers formaient des allées régulières dans un quadrillage probablement parfait.

Sur les côtés du hangar, à l'extérieur, se trouvaient quelques caisses sorties contre la façade, toutes fermées. Deux chemins par l'extérieur, entre le mur et le bâtiment, permettaient de contourner le hangar.

Personne ne semblait présent.

Entré dans l'enceinte du bâtiment, Maxence mit pied à terre et observa un moment le hangar, cherchant à distinguer s'il y avait le moindre signe de vie dans ces lieux. Tout était calme, bien trop calme... Fonçant les sourcils, le gamin hésita un instant. Se pouvait-il qu'il ait mal compris les consignes ? Non ! Il n'y avait pas le moindre doute. Il était bien au bon endroit. Un rapide coup d'oeil à sa montre lui confirma également qu'il était bien à l'heure prévue. Il ne s'était donc pas trompé. Mais où pouvait donc être le fameux Ed ? Qui d'ailleurs devrait être accompagné de Fury, si le Québécois avait bien tout suivi...

Bon, c'était pas tout, mais quand faut y'aller, faut y'aller. Ce n'était pas en restant bien sagement devant le hangar que les choses allait avancer d'elles-mêmes. Laissant son vélo posé par terre, Maxence s'avança d'un pas tranquille vers le bâtiment. Son regard vif volait d'un point à un autre, essayant de distinguer le moindre indice d'une présence humaine.

Ne faisant aucun effort pour se dissimuler, le jeune agent entra dans le hangar et s'immobilisa sur le seuil, balayant du regard l'intérieur de l'entrepôt. Les alignements de conteneurs pouvaient dissimuler bien des choses et le silence ne présageait rien de bon. Maxence hésita à appeler mais finalement, il se dit qu'il valait mieux conserver un minimum de discrétion. Ne pas avoir l'air de se cacher, certes, mais surtout ne pas jouer au novice en grillant la couverture des gens qui oeuvraient dans l'entrepôt.

D'un pas qu'il s'efforçait de rendre décontracté, Maxence s'engagea dans l'allée principale. Derrière cette apparence désinvolte, l'agent s'était mis en mode prudence, tous les sens aux aguets. Il se tenait prêt à faire face au moindre bruit et espérait rapidement tomber sur quelqu'un. Au mieux, ce serait directement le dénommé Ed, au pire quelqu'un qui pourrait le conduire à lui...

Les pas de Maxence résonnaient à peine dans le hangar. Les allées passaient les unes après les autres et petit à petit, des voix s'élevaient. L'agent s'en approcha, naturellement. Soudain, un gamin apparut à un croisement près des murmures, visiblement affolé et fila à toute allure en traînant avec lui son VTT avant de monter dessus et disparaitre par la porte principale.

Sortant quelques secondes plus tard du même endroit que l'enfant, un homme qui avançait également rapidement s'arrêta d'un coup face à Max.


" T'es qui toi ? Qu'est ce tu fous là ? Tu veux quoi ? " lui lança l'homme avec une certaine animosité.

Des bruits de voix, voila enfin un signe de vie dans le bâtiment. Soulagé,Maxence s'avança, laissant passer un gamin qui avait l'air d'avoir le Diable à ses trousses. Un vélo, un jeune pile dans la tranche d'âge des coursiers potentiels, tous les indices concordaient pour indiquer que l'agent se trouvait bien au bon endroit. D'ailleurs, un type, à l'allure pas franchement sympathique, surgit à son tour et l'apostropha sèchement.

Sans se laisser démonter, Maxence se planta sur ses jambes en glissant les mains dans les poches de son jean. Regardant l'homme droit dans les yeux, l'adolescent répondit d'une voix décidée.

"Désolé d'resoudre comme ça. Je cherche un certain Ed. Vous l'connaissez ? Y'a Jerry qu'm'a dit qu'il était là astheur. A c'qu'il parait, y'aurait une job pour moi ici..."

Comme d'habitude, en situation de stress, l'origine québécoise du garçon ressortait et agrémentait ses phrases d'expressions imagées.

"Il avait quoi l'autre niaiseux qu'est sorti ? On aurait dit qu'il v'nait d'voir l'bonhomme sept heures..."

Le personnage observa l'intrus avec un regard sévère et peut être un peu surpris par les mots utilisés.

" Qu'est ce tu baragouines toi ? C'moi Ed. Et y'a pas un job pour toi minot mais pour quelqu'un avec ton profil et ta gueule d'ange. " corrigea-t-il pour mettre les choses au clair.

Sortant d'une allée, Fury arriva en s'essuyant les mains pleines de cambouis avec un chiffon qui avait déjà bien vécu.

" Un autre ? " demanda-t-il en s'approchant du groupe.

" Faut croire. C'est Jerry qui nous l'aurait envoyé. "

" L'a pas une tête à traîner avec un drogué. " fit remarquer l'agent infiltré, alors que le truand acquiesçait d'une tête qui voulait dire "pas faux".

Les deux parlaient en ignorant presque la présence de Maxence, comme on parle d'un objet qu'on va acheter. Finalement, Ed lui fit signe de le suivre dans une allée un peu moins exposée. La marche était fermée par Fury. Une fois sur place, les hostilités démarrèrent.

" Alors tu connais Jerry ? D'où ? Et comment il est au courant pour le job ? "

" C'est quoi ton nom ? T'es d'où ? " continua Fury.

" T'es un accent bizarre. " renchérit Ed.

L'interrogatoire démarrait.

Bon, Maxence avait au moins trouvé Ed. Restait maintenant à passer à la partie suivante du plan en se faisant accepter comme coursier. Haussant les épaules, il afficha un petit air faussement indifférent lorsqu'Ed parla de sa gueule d'ange avant de marquer un instant de surprise en voyant sortir Fury. L'air soupçonneux, le garçon regarda du coin de l'œil la montagne de muscle avant de reporter son attention sur le truand.

Sans laisser vraiment au Québécois le temps de souffler, l'interrogatoire commença et, à en croire l'avalanche de questions qui tombèrent sur les épaules du gamin, Ed n'était pas le seul à être parano. L'agent du MI5 était, pour le coup, bien dans son rôle en surenchérissant dans l'interrogatoire. Le tout était de ne pas se démonter et de se montrer convaincant. Il fallait espérer que l'homme serait là pour faire pencher la balance au bon moment.

"J'connas pas vraiment Jerry. L'est un peu fucké dans l'tête, lui. Même quand l'est pas stone...", répondit Maxence avec nonchalance. "On s'a juste croisé un couple de fois. On a vedgé un peu et placoté ensemble. J'sais pas comment il sait pour la job. P'têtre que c'est un des gars d'sa gang qu'en lui a parlé. Comment j'sauras ça, moi?"

Les mains toujours au fond des poches, Maxence regardait Ed, droit dans les yeux, sans se laisser intimider. Il daigna tourner la tête vers Fury pour lui répondre brièvement.

"On m'calle Maxence et j'suis dans le coin astheur. Vous êtes qui, vous ? Jerry m'a juste parlé d'Ed, pas d'un baby-sitter."

Revenant vers le truand, le gamin le fusilla du regard, vexé de voir sa façon de parler se faire critiquer.

"Il a quoi mon accent ? Moi, j'le trouve bien en criss.", dit-il sèchement. "Bon, vous avez une job pour moi ou pas ? Jerry m'a parlé qu'y'avait moyen d'faire la piastre avec. Mais c'est sérieux ou c'est des gamiques ?"

Ed sourit quand Maxence lui annonça que Jerry était un peu "fucké" même quand il était pas sous l'effet de la drogue. Le sens du mot paraissait clair et le tout correspondait plutôt assez bien au personnage. Quant à savoir comment ils se connaissaient, le truand sembla se concentrer pour comprendre tous les mots et les remplacer par des termes qui étaient plus fluides pour lui.

" C'est Lewis qu'a dû causer. " supposa Fury.

" Hmm. " confirma sans être convaincu Ed.

Lorsque Maxence enguirlanda le colosse, celui-ci fronça les sourcils, visiblement pas du tout content de ce titre de baby-sitter récolté. Il faillit intervenir alors que l'agent continuait à exulter quelques remarques bien senties à celui qui devait être son futur employeur.

A ce moment là, Fury intervint de façon vive comme s'il venait d'accumuler assez de colère pour agir. Celui-ci s'avança d'un coup vers Maxence et le leva à un bon mètre du sol en le tenant par le col. L'agent Cherub sentit le craquement de son t-shirt tandis que le MI5 rapprochait son visage du sien.

" Ecoute-moi bien espèce de petit merdeux, tu viens nous casser les couilles avec ton accent de merde et tu viens nous insulter. Je vais te réduire la gueule en miettes ! " lança l'homme avec une fougue qui ne laissait aucun doute quant à la véracité de ses menaces.

A cela, Ed posa une main sur l'épaule de Fury.

" Calme toi ! Repose-le, ce petit apprendra bien assez tôt la politesse avec ses pairs... "

A ces mots, les pieds de Maxence retouchèrent le sol et le t-shirt ne garda plus que la trace de distension.

" Regarde ce minois d'ange ! " lança Ed en s'accroupissant à côté de Max et en lui pinçant la mâchoire pour écraser ses joues.

" Il est pas mignon ? " rajouta-t-il en reniflant le cou puis l'oreille de l'enfant de façon glauque.

" Je m'en fous qu'il soit mignon. Au moins il a des couilles, j'admets. "

Ed sourit à cette remarque et revint se placer à côté de Fury qui avait de nouveau laissé un mètre entre lui et le gamin.

" Où en étions-nous ? Ha oui. Donc tu veux te faire de la thunes. Ou... comment t'as dit là ? De la "piastre". T'as pas répondu à la question de mon ami. T'es d'où pour parler comme ça ? T'as un vélo ? Tu roules vite ? "

Maxence connut un bref instant de frayeur lorsque le colosse le décolla du sol, retenant de justesse le coup de pied qui avait failli partir par pur réflexe. Pas sûr d'ailleurs que sur une telle montagne, cela eut un quelconque effet mais l'entraînement du Campus n'habitue pas trop à se laisser marcher sur les pieds. Heureusement finalement que lui et Fury soient dans le même camp ! Pour un peu, le gamin se serait presque fait prendre par le jeu d'acteur de l'agent du MI5. Ce dernier semblait d'ailleurs avoir réagit juste comme il fallait pour qu'Ed se sente obligé d'intervenir.

A peine reposé au sol, Maxence commença à remettre son t-shirt en place en râlant.

"Calice ! L'a quoi à bardasser l'autre ?", demanda-t-il en fixant Fury. "L'est en criss ou quoi ?"

La suite le ravit beaucoup moins, l'attitude du truand mettait le gamin franchement mal à l'aise. Secouant la tête, il se recula d'un pas prudent en regardant les deux hommes d'un air méfiant.

"j'suis du Canada.", daigna-t-il expliquer. "Oui, j'a un bicycle et j'vas comme le vent. Vous en faites pas, j'zigonne pas et j'suis vif sur les patins ! C'est quoi la job exactement ?"

Devant Maxence qui râlait à nouveau, Ed se sentit obligé de préciser :

" Il aime bien la hiérarchie. Faut être respectueux gamin. On est des gentils mecs par rapport à ce que tu peux rencontrer... Et nos clients aiment la politesse ? Compris ? "

Suite aux vantardises de l'agent sur sa vitesse, les deux truands se regardèrent pour chercher chez l'autre un avis quelconque. Finalement, le chef demanda de vive voix son avis à la brute.

" Ch'ais pas. Il a l'air de pas se laisser emmerder. S'il est vraiment rapide et qu'il apprend la politesse, ça peut le faire. " indiqua-t-il en claquant la joue du gamin du plat de la main à deux reprises pour tester une réaction.

Ed se tint le menton avec la main et réfléchit un instant.

" Le job, c'est de te rendre d'un point A à un point B discrètement. Tu sais faire j'imagine. Tu passes ici à 10h le matin, et l'aprem à 14h et à 17h et on te donne tes destinations. Ca te pose un soucis ? " demanda Ed avec un air malicieux.

Fury quant à lui restait stoïque, les bras croisés.

Si la première claque atteint bien son but, Maxence ne laissa pas le temps à Fury de placer la seconde. Reculant brusquement la tête, le garçon esquiva la main du costaud, l'accompagnant de la paume droite pour l'éloigner de lui. Simultanément, il porta un petit coup avec les phalanges repliées de sa main droite, pile dans le creux du coude, communément appelé "petit juif".

"Enweille, faut pas s'gêner !", protesta-t-il pour la forme. "M'fessez pas comme un punching-ball !"

Fixant Ed tout en surveillant Fury du coin de l'oeil (crainte de représailles peut-être ?), le gamin hocha la tête pour dire qu'il avait compris puis la secoua à la dernière question.

"Pantoute,c'est correct.", répondit-il avec aplomb. "Ben faut pas déguediner avec vous... Les horaires sont serrés."

Faisant semblant d'hésiter un instant, Maxence reprit.

"j'voudras pas vous gosser mais Jerry m'a dit quy'ava du bacon à s'faire avec ça..."

Surpris d'une réaction aux claques, Fury apposa sa main sur son coude suite à la frappe rapide de Maxence, tout en le fixant d'un air mauvais. Lorsque la confirmation que les horaires convenaient arriva, Ed regarda le colosse avant de finalement demander suspicieux :

" T'as pas école ? T'as pas de parents ? Pourquoi t'es aussi libre que ça ? T'as quel âge ? "

C'est l'agent infiltré qui répondit à la question sur l'argent :

" C'est 6 Livres la course. On paye en fin de semaine quand on a confirmation que tout a été livré."

Ed surenchérit sur les détails :

" J'espère que t'as une bonne mémoire parce que les adresses je te les donnerai à l'oral. T'as pas intérêt à les noter. Nos clients aiment la discrétion. Compris ? "

Puis Fury rajouta toujours sans finesse :

" File-nous tes papiers d'identité qu'on voit où tu vis et qu'on vérifie ton nom. Si tu nous fais un coup dans le dos, t'inquiète pas. On te retrouvera et je te garantis que tu pourras plus marcher jusqu'à la fin de ta vie... "

" Ce serait bête d'abîmer ta jolie face, le canadien. " termina le truand qui regardait Max avec une lueur obscène dans les yeux.

"6 piastres la course. Y'a pas à dire, c'est correct.", acquiesça une nouvelle fois le gamin qui esquissa un léger sourire en notant que son petit coup avait produit l'effet souhaité.

Fouillant dans la poche arrière de son jean, Maxence sortit un porte-feuille élimé d'où il tira sa carte d'identité. Heureusement qu'il avait pensé à la froisser et la salir un peu avant d'aller au rendez-vous, sinon il aurait pu provoquer quelques soupçons. Feignant d'hésiter un instant, il la tendit au colosse avec réticence, comme s'il lui en coûtait de délivrer ce genre d'informations.

"Vous énervez pas l'poil des jambes, je suis réglo.", affirma-t-il.

"J'ai douze ans et demi. Ça pose problème ?", répondit-il enfin, d'une voix un peu agressive. "Et si j'suis libre, ça r'garde que moi. J'foxe les cours quand j'veux et ma mère a aut' choses à faire qu'à s'occuper d'ses flôs."

Cet interrogatoire allait-il finir un jour ? Maxence commençait a en avoir marre de toutes ces questions et il avait hâte de s'éloigner. Ed, son regard porcin et ses attitudes vicieuses mettaient réellement le garçon mal à l'aise. Il se promettait de faire passer un sale quart d'heure au truand à la moindre occasion.

Mais, avant de pouvoir enfin s'éloigner, il devait encore récupérer sa carte d'identité. L'air un peu impatient, il tendit la main à Fury, attendant que ce dernier la lui restitue.

Ed sembla amusé par l'énervement provoqué chez le jeune garçon. Fury l'observait d'un regard neutre en comparant avec la photo les visages. Devant l'empressement de récupérer sa pièce d'identité, le grand homme sembla faire exprès de continuer à vérifier plus que nécessaire les informations pour enquiquiner le canadien. Mais il lui rendit tout de même avec un mouvement lent sa carte.

" A demain minot. " lui lança Ed avant de se détourner de lui.

De son côté Fury fixa un instant Maxence avant qu'un léger sourire un coin n'apparaisse, puis il se détourna à son tour et rejoint son collègue de truanderies.

De retour chez lui, Maxence passa une fin de journée longue et ennuyante. La télé qu'il avait ne passait que des programmes d'adultes inintéressants. Les affaires sérieuses allaient démarrer le lendemain et imaginer Ed le reluquer lui laissa encore un mal être palpable.

La nuit passa et le début des hostilités arrivaient. Le coeur de la mission était à porté de main et l'agent se préparait déjà à engranger des noms et des adresses afin, évidemment, de les annoter le soir en rentrant dans un carnet spécialement prévu à cet effet. Trois nom, trois adresses, trois dimensions. Ce quotidien allait se mettre en place.

Il était 9h. Max s'était levé tôt comme d'habitude ayant profité d'une grasse matinée jusqu'à 7h. Il avait ensuite fait un peu de sport pour garder la forme et avait pris une bonne douche pour se sentir frais. Il savait qu'il lui fallait environs 30mn pour rejoindre le hangar en pédalant bien et, par chance, ce matin, il y avait quelques dessins animés à la télé.

De quoi patienter un peu ou, au contraire, partir pour arriver en avance.

Un étranger qui serait arrivé à l'improviste aurait été surpris de trouver un garçon de cet âge, déjà levé à une heure aussi matinale. Il aurait été encore plus surpris de voir le-dit garçon effectuer, vêtu de son seul boxer, des séries de pompes et abdominaux, sans avoir l'air de forcer le moins du monde. La musculature finement dessinée avait également de quoi surprendre chez ce tout jeune adolescent. Le physique et l'attitude de Maxence étaient bien éloignés des stéréotypes habituels de cette tranche d'âge. L'entraînement intensif auquel il se soumettait depuis plus d'un an était arrivé à ce résultat.

Après ses quelques exercices physiques, Maxence avait pris une bonne douche,traînant un peu sous le jet et prenant plaisir à sentir l'eau couler le long de son corps. Après s'être frictionné vigoureusement avec une serviette, insistant sur ses cheveux qui avaient tendance à être longs à sécher, le jeune agent s'habilla simplement, remettant les mêmes vêtements que la veille, jean usagé et t-shirt distendu par la poigne de fer de Fury.

Zappant sur la télé une poignée de minutes, Maxence eut une moue dédaigneuse en constatant quel était le programme proposé sur l'ensemble des chaines. L'abrutissement de l'enfance commençait avant même le départ à l'école en imposant des dessins animés niais à souhait mais qui avaient l'avantage de faire tenir tranquille le bambin, le temps que la journée ne commence vraiment.

Bon, ce n'était pas grave, il serait un peu en avance voilà tout. Ça ne montrerait que mieux sa hâte à plaire à ses nouveaux employeurs. Et, en roulant lentement pour une fois, il ne serait pas tant que ça en avance au fond...

Enfourchant son vélo, le Québécois pédala à une allure tranquille vers le 23, rue des Quais. En calculant bien son coup, il devrait arriver peu avant 10h au hangar où, du moins il l’espérait, l'attendrait Ed pour lui confier son premier convoyage à faire. Tout en roulant, le gamin essayait d'imaginer ce que les paquets contiendront. S'il s'écoutait, il essaierait bien d'en savoir un peu plus sur ces colis. Quoique non, il valait mieux ne pas compromettre la mission avec ce genre de curiosité. Plus tard, peut-être, quand il en aurait appris davantage.

Le route se passa presque sans encombre. Maxence traversa la banlieue londonienne et manqua de peu de se faire percuter par un scooter qui roulait à vive allure sans regarder à un croisement. Plus tard en se rapprochant, l'agent se méfia d'un cycliste de son âge sur un vélo bleu qui allait dans la direction opposée. Il n'avait pas envie de se faire à nouveau une frayeur ! Heureusement, ces mésaventures ne le mirent pas en retard. Il arriva quelques minutes avant 10h, en pédalant à un rythme tranquille.

Devant le hangar, Ed fumait une clope tranquillement, seul. Le début de journée ne semblait pas être son fort et la motivation ne se lisait absolument pas sur son visage. Quant à deviner ce qu'il était sensé faire quotidiennement dans ce coin perdu, c'était difficile à déterminer.

Remarquant soudainement le gamin qui laissa tomber son vélo à l'entrée, le truand eut un petit sourire satisfait. Il jeta un rapide regard à sa montre puis attendit que Max s'avance jusqu'à lui.

" T'es ponctuel au moins, petiot. C'est bien... "

Il jeta sa clope presque terminée avant de récupérer un petit paquet sur une caisse près de lui, emballé de papier marron. Il était à peine plus grand qu'une cuillère à soupe et presque aussi épais.

" 12 Sherwood Street. Je te rappelle d'être discret. Allez, bouge. reviens cet aprem. " lui lança l'homme pour se débarrasser de lui.

Pédaler, toujours pédaler ! L'adresse donnée n'était pas vraiment à côté et Maxence roula pendant près d'une heure et quart pour trouver le lieu. C'était un quartier résidentiel pauvre dans lequel des maisons avec un petit jardin à l'arrière par accès latéral se succédaient. De petites barrières blanches faciles à enjamber séparaient les terrains de chaque habitant.

La maison à livrer était assez petite, verte et dans un état de décrépitude commençant. La peinture par endroit était émietté sur le sol et le carreau d'une des fenêtres était fissuré. Des pots de fleurs pendaient sous l'avancement du toit mais la majorité de celles-ci étaient dans un sale état, pour certaines réduites en poussière par une sécheresse importante. Une porte un peu plus foncée que le bâtiment était dans le renfoncement de la façade, avec à ses pieds un paillasson sur lequel était écrit "Welcome". Enfin, la sonnette se trouvait sur la droite de la porte. La nature tentait de reprendre ses droits sur un petit chemin dallé qui menait du trottoir à la porte.

Et ben… Cette fichue adresse était vraiment à l'autre bout de la ville. Maxence se dit qu'il n'aurait pas intérêt à trop trainer en route au retour s'il voulait avoir le temps de grignoter un morceau avant de pouvoir se représenter à 14h au hangar.

Sur le trajet, le Canadien avait quand même perdu quelques secondes pour mesurer plus précisément l'objet qui lui avait été confié, utilisant la longueur et l'épaisseur de ses doigts comme étalon. Il serait bien temps de reporter ces informations plus tard, une fois de retour dans son appartement miteux.

Sherwood Street… Pour un peu Maxence se serait attendu à voir surgir Robin des Bois et le shérif de Nottingham. Quoiqu'en y réfléchissant un peu, il n'aurait rien eu contre le fait de croiser le chemin de la belle Marianne.

Enfin, le gamin arriva à destination. Le quartier était plutôt moche, comme n'importe lequel de ces quartiers "dortoirs" entourant la capitale britannique, ces quartiers qui se vidaient dès le matin à l'heure du début du travail pour se remplir à nouveau le soir. Autant dire qu'à ce moment de la journée, il y avait peu de chance de rencontrer quelqu'un sur son chemin, que ce soit un outlaw ou un des hommes du shérif.

Calant son vélo contre la barrière, Maxence vérifia une nouvelle fois qu'il était à la bonne adresse – le 12, pas d'erreur – et observa un instant la maison. Verte, quelle horreur ! Y'en a qui ont vraiment de drôles de gouts en matière esthétique. Enfin, ça regardait ses occupants. Tant que personne ne le forçait à vivre là-dedans, l'agent s'en fichait un peu.

Bon, quand faut y aller… Posant la main sur sa poche, là où il avait fourré le petit colis le temps du transport, le garçon s'avança vers le perron. Le paillasson sur le sol lui souhaitait la bienvenue et semblait l'encourager à aller de l'avant.

Sans hésiter plus que nécessaire, Maxence appuya fermement sur le bouton de la sonnette, attendant un quelconque signe de présence à l'intérieur de la maison.

La sonnette retentit à l'intérieur de la maison. Soudainement, des aboiements nourris purent être entendus. C'était probablement un chien de taille moyenne qui continuait le signal de la sonnerie. Les secondes passèrent et l'animal ne cessait ses vocalises jusqu'à ce qu'une voix grave passe par dessus :

" Ta gueule sale clébard de merde ! "

S'en suivit un couinement plaintif du chien qui cessa le vacarme immédiatement. Un blanc de quelques secondes passa. Puis la porte s'entrouvrit sans laisser l'occasion de voir le visage de l'homme.

" Putain je suis sous surveillance des flics et tu sonnes à ma porte comme ça toi. T'es con ou quoi ? Passe derrière imbécile ! "

La porte se referma immédiatement. Maxence contourna donc la maisonnette miteuse et attendit devant une porte arrière dans un état encore plus mauvais que l'ensemble. La porte s'entrouvrit à nouveau et c'est un chien qui sortit sa tête en hurlant, les crocs dévoilés. L'animal tentait par tous les moyens de s'extirper du bâtiment pour probablement agresser l'enfant.

" Mais dégage connard de merde ! " lança la voix de l'homme.

Le chien couina à nouveau en ayant un mouvement anormal de l'arrière train, puis se retira aussitôt pour laisser apparaitre un gros barbu ventripotent. Il observa Maxence un instant, l'air peu sympathique.

" Con de gamin. T'as la poudre ? "

Passant un bras par la porte, il lui arracha presque le paquet des mains et referma la porte sans un mot, en la claquant presque. Maxence se retrouva donc là, comme un idiot.

L'agent rentra, le temps d'avaler rapidement quelque chose, puis repartit pour la première séance de l'après midi où il reçut un second coli à livrer à une destination bien plus proche que la précédente. Cette fois, il ne manqua de se prendre aucun scooter fou mais croisa le même gamin en cours de route sur son vélo bleu.

Cette fois, le paquet était à peine plus gros qu'un étui à lunettes. Au milieu de la course, celui-ci se mit soudainement à vibrer de plus en plus fort si bien que malgré le déplacement en vélo, Max n'eut aucun mal à le sentir.

Bon, d'accord, Maxence n'avait pas été particulièrement discret pour remettre son premier paquet mais bon, il aurait fallu lui préciser qu'il devait employer des ruses d'indiens pour approcher la baraque. Il avait juste regardait s'il voyait quelqu'un autour et n'avait pas pensé qu'il aurait dû passer par derrière en se faufilant entre les poubelles... Pas grave, il le saurait pour la prochaine fois... En tout cas, Fury semblait s'être planté lorsqu'il avait insinué que Maxence ne transporterait pas de la drogue pour sa première livraison...

Allez, c'était parti pour sa deuxième course de la journée ! La routine semblerait presque s'installer. Il avait même croisé le gamin au vélo bleu était là lorsqu'il allait parvenir au hangar. Le gamin au vélo bleu ? Ça faisait une drôle de coïncidence de rencontrer un même garçon, pratiquement au même endroit, à deux moment différents mais qui avaient en commun l'heure de rendez-vous pour un livraison. C'était louche tout ça... Maxence se promit de faire passer l'information à Ethan Groove lors du prochain contact. Ce mioche devait être un des livreurs habituels et Fury aurait peut-être des renseignements dessus.

Pédalant plus calmement que le matin, le Québécois faillit tomber de vélo en sentant le paquet viber dans sa poche.

*Tabarnak ! Ça fesse dans l'dash, cette gogosse !*, pensa-t-il surpris.

Intrigué, Maxence hésita un peu, regardant autour de lui pour voir s'il était suivi puis, comme il avait un peu de temps, vira soudainement dans une ruelle étroite, puis une autre, accélérant son coup de pédale. Avisant un coin de cour désert, il entra brusquement dedans, pour se coller contre le mur, à l'abri des regards. Après un dernier regard circulaire pour vérifier que personne ne pouvait le voir, il tira le paquet de sa poche.

Bon, d'accord, sa mission ne consistait qu'à livrer les paquets et à communiquer des renseignements extérieurs dessus mais s'il pouvait savoir ce qui se trouvait à l'intérieur, ce ne serait que mieux. Prudemment, il observa le petit colis pour déterminer comment l'ouvrir sans risquer que cela ne se remarque. Ces vibrations étaient quand trop étranges et attisaient désagréablement la curiosité du gamin.

Jetant encore un coup d'oeil pour s'assurer qu'il était bien seul, Maxence ouvrit prudemment le paquet, veillant à ne pas en toucher le contenu.

Totalement dissimulé aux yeux du monde, Maxence entreprit l'ouverture minutieuse du paquet qu'il transportait afin de pouvoir le refermer comme si de rien n'était. Le papier soigneusement déplié dévoila une petite boite noire ressemblant aux coffrets à bijou unique. Entre temps, les vibrations avaient cessé.

Maxence allait-il ouvrir le boitier et désobéir davantage aux ordres de son truand de chef, ou la curiosité allait-elle l'emporter ? Peut être cette découverte ferait-elle avancer grandement la piste contre SCAR ?

Soudainement, les vibrations reprirent.

Une boite noire ? Mais que pouvait-il y avoir là-dedans ? Maxence regarda, intrigué, le petit objet dont les soubresauts venaient de s'interrompre. Il tourna et retourna le paquet, hésitant à aller plus loin lorsque des nouvelles vibrations le firent sursauter. De saisissement, le gamin faillit lâcher le paquet mais parvint, par miracle sûrement, à le garder en main.

Mais c'était quoi ce truc ? La première chose qui venait à l'esprit de l'agent était un téléphone portable mais pouvait-il en être réellement certain ? Hésitant encore, Maxence scrutait le mystérieux paquet, essayant de lui arracher son secret. Mais l'objet semblait mettre beaucoup de mauvaise volonté en ne répondant pas aux questions muettes qui lui étaient posées.

Ah, curiosité, quand tu nous tiens ! Au moment d'ouvrir le coffret, l'agent s'arrêta net. Et si ce truc était piégé ? Peu probable quand même vu la taille du colis... Et, en plus, les vibrations auraient sûrement déclenché la bombe... Mais, on ne savait jamais...

Prudent et un tantinet paranoïaque (normal après tout, après avoir survécu aux instructeurs les plus psychopathes que comportait le Royaume-Unis), après un ultime tour d'horizon pour vérifier qu'il était bien seul, Maxence posa la boite sur une pierre devant lui et, prenant un morceau de bois, entreprit de faire basculer le couvercle pour dévoiler son contenu.

A peine le couvercle fut-il ouvert qu'un flash lumineux suivi d'une déflagration surprenante brouilla tous les sens de Maxence. Une formidable explosion provenant de la boite repoussa le corps de l'enfant contre l'autre façade du mur de la ruelle dans laquelle il se trouvait. L'agent sentit les flammes contre sa peau dans une chaleur telle que ses nerfs étaient mis à vif, incapables de dire avec certitude avec quelle tranche de température extrême elle était en contact.

En une fraction de seconde, Maxence sentit fondre ses paupières tandis que ses vêtements s'étalaient sur ses membres. Plaqué contre le mur durant la détonation, l'agent eut à peine le temps de sentir la déflagration le maintenir en lévitation tandis que tous ses sens déréglés disparaissaient un à un, moins d'une seconde après l'ouverture de la diabolique boite.

Puis le calme revint. Le corps calciné de Maxence retomba au sol, totalement inerte, comme un pantin. Sur le mur noirci demeurait la trace du corps qui l'avait protégé du souffle. Il était difficile de dire à quel moment précis l'agent était mort. Dans la seconde qui avait suivi l'ouverture, de façon certaine. Etait-ce la chaleur, le choc contre le mur ou les flammes qui étaient venues à bout de lui ? Personne ne le saurait jamais. Son corps serait retrouvé bien plus tard et il deviendrait le cinquième agent Cherub mort en mission.

Voilà le scénario qui traversa la tête de l'enfant alors que le bâton repoussait le couvercle. Malgré les vibrations, la boîte ne posa aucun problème à être ouverte. A l'intérieur, il ne trônait qu'un téléphone portable encore en appel pour quelques courtes secondes. Le cadran indiquait simplement un appel d'origine inconnue.

Tout ce cirque pour ça ? Pour un vulgaire téléphone qui vibrait… Et en plus, pas moyen de lire le numéro appelant… C'est vraiment ce qu'on appelait une idée brillante. Maxence avait eu le nez creux en prenant le risque d'ouvrir le paquet… Bon, il pouvait également répondre au coup de fil, histoire de savoir qui était en ligne mais c'était vraiment un coup à faire capoter toute la mission.

Avec un soupir déçu, se promettant quand même de rapporter cet incident à son contrôleur de mission, le gamin refit le paquet, reconstituant à l'identique l'emballage extérieur. Puis, indifférent aux vibrations, passées ou à venir, il fourgua le colis dans la poche avant de son jean et remonta sur sa bicyclette.

D'un vigoureux coup de pédale, Maxence relança la machine, allant un peu plus vite que nécessaire, histoire de rattraper le temps perdu et d'arriver rapidement au lieu de livraison. Tout en roulant, il repensa au gamin sur son vélo bleu. S'il le croisait à nouveau, il faudrait qu'il se débrouille pour prendre une photo de lui avec son téléphone, au cas où…

Bon, pour le moment, il fallait se concentrer sur la livraison. Cette fois, Maxence se promettait de se montrer un peu plus discret et de se faufiler par derrière, plutôt que d'aller directement sonner à la porte d'entrée. Une fois avait suffi et le gamin apprenait vite. Mais comment aurait-il pu savoir que l'appel à la discrétion impliquait autant de précautions…

La livraison se déroula normalement et Maxence n'eut pas le loisir de se faire enguirlander pour sa discrétion manquée. La personne qui récupéra le paquet ne fit aucune remarque sur son état et referma la porte presque aussi poliment que le premier contact du garçon dans la journée. La livraison suivante se conclut correctement, puis les jours passèrent.

Deux semaines s'écoulèrent de livraisons quotidiennes aux quatre coins de la banlieue proche de Londres. Ed avait changé de hangar à quatre reprises et continuait à porter des regards intéressés à l'agent, tandis que Fury n'avait plus montré aucun signe de vie. De son côté, Maxence avait soigneusement rapporté toutes les informations dans le calepin en fin de journée et n'avait malheureusement par croisé de nouveau le cycliste bleu. Il avait naturellement touché ses deux payes et avait tout le loisir de s'en servir pour ce qu'il souhaitait. Ethan avait envoyé quelques SMS demandant simplement si tout se déroulait comme prévu, à interval régulier. Un train-train quotidien qui s'installait peu à peu laissait se demander de combien d'informations le MI5 aurait besoin. Après tout, l'agent approchait de la cinquantaine d'identité.

Deux payes en poche, un nouveau week end passé, une nouvelle semaine débutait. Ce matin là, Ed avait donné à Maxence un paquet de la taille d'un dictionnaire mais au poids moins élevé. Il avait nettement insisté sur la fragilité du contenu de celui-ci puis s'en était retourné à ses activités après avoir précisé que l'adresse à laquelle la livraison se ferait était celle d'un quartier chaud.

Et en effet, Max le remarqua assez rapidement. Des prostitués d'un côté, des voitures brûlées depuis longtemps de l'autre ou des épaves désossées, des jeunes et moins jeunes qui traînaient un peu partout, en bande ou seul qui semblait faire le guet. Le passage de l'agent ne manqua pas d'ailleurs d'être remarqué si bien que soudainement, sans raison apparente, un groupe sur le chemin de Maxence se transforma en une petite barrière humaine de cinq ados, prête à le faire basculer s'il forçait le passage.