2015/05/04-M – Saint-Hélier, Ile de Jersey – [Mission d'Hazel Curtis, de Zachary Johnson et Bryn Wright] – Opération Jersey

Hazel joua sur une expression de culpabilité honteuse. Confuse, elle baissa les yeux, et se recula comme pour ne pas faire plus de dégâts suite au ricanement du jumeau. Qu'il rigole, ça ajoutait de l'eau à son moulin. Elle jeta un coup d'oeil gêné à l'intention de Marie pour en remettre une fine couche pas trop excessive. Pour laisser plus d'espace, elle s'empara de son sac et, après un hochement de tête approbateur, suivit la recommandation de Madame Le Sueurs et trottina prestement dans la salle de bain dans laquelle elle s'enferma.

Petite la salle de bain. Hazel jeta un coup d'oeil à la fenêtre et commença à faire couler l'eau pour mettre un bruit de fond. Puis elle ouvrit la fenêtre pour jeter un coup d'oeil aux alentours. Dans l'idéal, elle aurait bien voulu s'extirper à l'extérieur et voir s'il lui serait possible de placer la caméra non loin du bureau. Sachant pertinemment qu'elle n'aurait pas le temps de faire tout ça le temps que Marie aille lui chercher un haut de rechange, elle se contenta de déjà sortir la caméra et retirer son propre t-shirt pour le déposer sur le bord du lavabo. Elle attendrait. Juste le temps que Marie lui rapporte un t-shirt et qu'elle puisse justifier quelques minutes excessives par le fait d'essayer de limiter la casse du coca sur le t-shirt grâce à l'eau. En attendant, elle estimait les possibilités de passage par la fenêtre, en se hissant par le rebord, et évitant surtout de peser de tout son poids sur le lavabo. Se serait bête d'abimer l'équipement des Le Sueurs tout de même.

Cottage des Freston, Saint-Hélier

Sarah eut une moue dubitative devant les excuses confuses de Bryn qui tentait de minimiser l'importance de la clé USB "égarée". Certes, Saint-Hélier n'était pas Londres et le vandalisme d'un local gouvernemental n'avait rien à voir avec une enquête sur une opération de sûreté nationale mais, dans le contexte du récent vol d'armes et des soupçons qui pesaient sur les milieux indépendantistes locaux, il fallait mieux ne négliger aucune précaution.

"C'est quand même bien regrettable.", conclut-elle, d'une voix sèche. "Ce Daniel ? Tu as confiance en lui ? Tu crois qu'il peut faciliter tes contacts au sein des indépendantistes ?"

Pendant ce temps, Zachary achevait de mettre le couvert, non sans pouvoir s'empêcher quelques réflexions sans aucuns fondements. Outrée, Sarah lui lança à la tête, le torchon qu'elle tenait encore à la main.

"Filez vous laver les mains au lieu de dire des bêtises ! Tu apprendras que les filles font de bien meilleurs agents que les garçons... Elles n'ont pas le besoin express de prouver leur supériorité en permanence !"

Domicile des Le Sueurs, Saint-Hélier

L'ouverture au dessus du lavabo était tout juste suffisante pour laisser passer le rayon de lumière qui éclairait la pièce. Hazel réalisa vite qu'elle ne réussirait jamais à se faufiler par l'ouverture, à supposer d'ailleurs que le lavabo daigne supporter son poids.

De petits coups, frappés à la porte, tirèrent l’Écossaise de ses réflexions. Marie revenait vers elle, apportant un t-shirt de rechange.

Dissimulant rapidement la caméra sous son vêtement tâché, Hazel ouvrit à son amie.

"Tiens, c'est assez neutre. J'espère que ça te conviendra ?", demanda, inquiète, la jeune fille.

Pendant qu'Hazel se rhabillait rapidement, Marie tendit la main pour prendre le t-shirt souillé.

"Laisse-le à la maison.", proposa-t-elle. "On va le passer à la machine et je te le rapporte à l'école demain."

La fillette ne faisait pas mine de sortir de la pièce et semblait bien décidée à tenir compagnie à Hazel, se sentant eut-être indirectement responsable de l'incident du verre de coca.

La voix de madame Le Sueurs leur parvint à ce moment.

"Ça va Hazel ? Tu t'en sors ? Laisse ton t-shirt à Marie, je le laverai..."

Sarah ne semblait etre rassurée plus que cela par les excuses que Bryn lui avait fourni. La femme était bien sérieuse se disait Bryn. Il encaissa sa remarque sans broncher, autant ne pas jeter d'huile sur le feu.

- A mon avis Daniel est ici pour s'amuser et s'occuper, je ne le sens pas si serein que ça chez lui. Par contre pour les indépendantistes, c'est sur que son contact aide à m'intégrer dans le groupe. Si je devais me prononcer, je miserais quand même plus sur Joseph, au vu de ce que j'ai pu voir dans le groupe. Il semble tirer ses ordres du père Lesueur.

Les réflexions jetées à la volée par zach ne plurent pas à leur contrôleuse de mission, et celle ci se sentit obligé de redorer le blason féminin... Bryn suivit donc Zach vers la salle de bain...

- Elle a ses ragnagna ou quoi?... Elle est susceptible et peu aimable ce soir?

Bryn n'y connaissait rien en femme mais là c'était invivable. Si l'on rajoutait Hazel qui était aussi boutte en train que les zombies de la nuit des morts vivants, le séjour allait être long.

Dommage. C'était peine perdue. Mal barrée. Elle n'arriverait décidément pas à avoir un placement idéal ni pour un micro, ni pour sa caméra. Pestant intérieurement, Hazel coupa l'eau et cacha superficiellement la caméra pour permettre à Marie d'entrer.

"Oh, tu sais, ce n'est que pour quelques instants. Et il est très joli ce t-shirt!"

Hazel le prit et l'enfila prestement. Pas très à l'aise en petite brassière, elle avait hâte de se recouvrir. Puis une vision d'horreur s'offrit à elle. La main innocente de Marie se porta vers son t-shirt souillé renfermant un objet dont il valait mieux que personne ici ne connaisse l'existence. Prestement, l'écossaise posa sa propre main sur le t-shirt, sans presser pour ne pas qu'un seul bruit suspect (comme de la matière solide contre la céramique du lavabo par exemple) ne vienne éveiller le moindre soupçon. Elle répondit sur un ton embarrassé.

"C'est très gentil, Mais je vais devoir dire non."

Elle glissa son autre main sous le t-shirt pour le replier l'air de rien, et bien planquer la caméra dedans en essayant du mieux possible d'éviter que du coca ne rentre trop en contact avec le matériel, et prit le tissu renfermant l'objet alors que la vois de la mère Le Sueurs venait s'ajouter à la gentillesse débordante de la famille.

"C'est tellement aimable, madame, mais comme je le disais à Marie, je ne peux pas. Je suis déjà bien trop gênée et je ne pense pas qu'en plus ma mère apprécierait que j'abuse de votre gentillesse."

Elle se reporta sur la fillette.

"C'est moi qui te ramènerai ton t-shirt demain lavé et repassé. Tu ne te rend déjà pas compte à quel point tu me rend service."

Elle se baissa pour fourré le t-shirt dans son sac et tant pis si des cahiers de cours devaient en souffrir.

"Je vais rentrer. On se voit demain à l'école Marie?"

Passans ton sac en bandoulière, Hazel préféra ne pas laisser ni à l'une ni à l'autre la moindre opportunité de voir la caméra. Tant pis, elle tâcherai de s'en aller, puis de revenir ensuite sur ses pas pour placer son matériel à l'extérieur, histoire d'au moins surveiller les allées et venues chez les Le Sueurs.

Zachary n'étouffa pas le rire qui le prit quand il reçut au visage le torchon de Sarah. Il était ravi de faire mouche à chaque pique qu'il envoyait à la femme, qui comme chacune des représentantes de son sexe, n'offrait aucun humour en réponse, mais plutôt des grognements ou autres vociférations dont elles avaient le secret.

Retirant l'essuie-main, il ne tarda pas à répondre sur un ton amusé :

" Normal qu'elles essayent pas de prouver leur supériorité. Elles se sont résignées avec le temps... "

Satisfait, l'agent misogyne accompagna Bryn à la salle de bain. A la remarque de ce dernier, un nouveau sourire amusé ne fut pas dissimulé, et il ne manqua pas de commenter :

" En même temps, on a l'impression qu'elle a toujours ses ragnagnas. Moi je dis, un bon coup de kékette et elle serait peut être plus détendue... Mais faudrait encore qu'un mec ait envie ! Dans la catégorie fornication avec un glaçon, elle est pas mal..."

Finalement, Hazel était un peu une version miniature de Sarah... Les formes en moins. Que de la joie avec ce duo à la maison...

Domicile des Le Sueurs, Saint-Hélier

"Voyons, tu ne nous déranges nullement.", protesta madame Le Sueurs avec un sourire aimable. "Transmets mes amitiés à ta maman et dis-lui que ça me ferait plaisir si elle pouvait se libérer pour venir prendre un café à la maison."

Raccompagnée par Marie, Hazel prit congé de sa nouvelle camarade qui l'embrassa en lui souhaitant un bon retour. Bien sûr qu'elle se verrait le lendemain à l'école. Pour une fois que la fille Le Sueurs tombait sur quelqu'un qui partageait à ce point ses centres d'intérêt, elle n'allait pas briser leur amitié naissante.

Une fois dehors, l'Ecossaise s'éloigna tranquillement dans un premier temps pour revenir ensuite rapidement sur ses pas. Tout allait bien, le secteur était calme et aucun mouvement suspect ne se faisait sentir. L'agent put facilement trouver un emplacement où installer son matériel. Bien sûr, ce ne serait certainement pas aussi efficace qu'un micro lacé dans le bureau de Patrick Le Sueurs mais la jeune fille ne désespérait pas réussir à mette sur écoute l'intérieur de la maison, lors de sa prochaine visite des lieux.

Ensuite, contrariée quand même d'avoir raté le coche pour aujourd'hui, Hazel put rejoindre le domicile "familial" pour y retrouver ses frères "bien aimés".

Cottage des Freston, Saint-Hélier

L'arrivée d'Hazel interrompit – temporairement sans doute – le débat philosophique entre Bryn et Zachary. La conversation entre hommes, visant à exposer leur connaissance réciproque sur la gent féminine, devra se poursuivre plus tard. Il était temps de se réunir dans le salon pour faire un rapide point de situation sur leurs avancées respectives et définir la tactique à observer pendant les jours suivants.

"Ah, te voila enfin !", s'était exclamée Sarah lorsque l'Ecossaise avait fait son apparition. "Qu'a donné ta journée avec la famille Le Sueurs ? Qu'as-tu appris sur leur implication dans l'affaire qui nous intéresse ?"

Sortant le plat du four, elle le posa sur la table pendant que les enfants s'installaient pour le diner.

"Et de votre côté, les garçons ?", poursuivit le contrôleur de mission. "Vous en êtes où ?"

Le moment de la mise en commun des informations était arrivé. Que cet échange se passe pendant le repas et non au cours d'un débriefing plus formel ne minimisait certainement pas l'importance de cet instant. Chaque agent, en dépit de son jeune âge, était suffisamment conscient de cela pour se montrer aussi professionnel que possible.

En quittant la mère et la fille, la fillette fit un large sourire de reconnaissance. Dommage que ce soit une mission. Quoique. C'était pas sûr que même sans ces circonstances elle aurait été capable de se faire une amie comme Marie. Plus tard, après avoir pu faire ce qu'elle voulait, Hazel s'était mise en route pour rentrer. Au moins l'extérieur du domicile des Le Sueurs était sous surveillance. Ce placement de matériel lui filait une boule au ventre tant de frustration que de honte. C'était pas avec ça qu'elle allait pouvoir réussir sa mission. Passablement dégoûtée de cette occasion manquée, l'écossaise se traitait de tous les noms, en anglais, en gaélique et en hindi, tant qu'à faire. A mi-chemin, elle avait tout de même sorti son t-shirt maculé de coca pour éviter de faire baigner ses cahier dans son cartable.

De retour à la "maison", Hazel referma soigneusement la porte derrière elle et fut accueillie par "maman". Le regard un peu vide, l'écossaise se reporta sur la contrôleuse avide de réponses. Il était temps de faire le débriefing avant même de se poser. Tant pis. Le devoir avant tout, hein? Sans attendre, elle alla s'installer à table, abandonnant son sac au sol sous sa chaise et le t-shirt sur le dossier en bois. Le repas était prêt, c'était chouette... Mais elle n'avait vraiment pas faim pour la peine. Obnubilée par son échec, elle ne pensa même pas à dire ne serait-ce que "bonsoir".

"A priori, Madame Le Sueurs n'est pas impliquée dans les affaires de son époux. Pas plus que Marie. Le bureau de Monsieur Le Sueurs est fermé à clé. J'ai pu y entrer mais à première vu, il n'y avait rien de compromettant. Seulement j'ai eu trop peu de temps pour tenter d'entrer dans son ordinateur ou de placer un micro. J'ai préféré ne pas éveiller le moindre soupçon. En revanche, j'ai pu placer l'extérieur sous surveillance, histoire qu'on puisse voir qui va et vient directement chez eux. J'espère avoir une meilleure opportunité demain. J'arrive à me lier assez bien à Marie."

Consciente qu'elle allait se payer la honte, Hazel poussa sensiblement son assiette en avant. Pour sûr elle en connaissait un qui allait sauter sur l'occasion pour signaler que c'était du boulot mal fait avant même que Freston n'ait à le faire. Elle jeta un coup d'oeil en coin à Zack, sans manifester d'émotion particulière.

Hazel entra et s'installa à la table, presque dans le même mouvement. Tranquille, elle avait esquivé habilement la préparation du repas et tout le reste, les repproches, tout ça. L'alliance féminine était quelque chose qui dépassait Bryn. Le moment était venu de faire le débriefing de la mission en cours et de leur avancée sur leurs objectifs.

- Pour ma part le groupe marginal dans lequel je suis intégré, grâce à Hazel et son aimable contribution a fait un acte de vandalisme aujourd'hui. Il s'agissait de taguer la chambre des états avec des slogans genre "mort aux rosbeefs"...

Bryn prit un bout de pain pour ponctuer ses phrases et se préparer à manger.

- Joseph, le chef de la bande dit qu'il avait reçu ses ordres du père de Max. J'étais d'ailleurs dans le groupe de Max, avec Daniel qui était là tout à l'heure. Max n'est pas vraiment doué. Il flippe à mort. J'ai beau le rassurer, j'ai l'impression qu'il est un peu là pour faire plaisir à son père. En tout cas, je me rapproche de lui, je l'aide à lui faire prendre conscience de ses capacités. Je pense pouvoir me faire inviter s'il le faut. Ca vaudrait peut être le coup de suivre ou de faire suivre Joseph sur une journée ou deux. Histoire de voir s'il entre en contact avec le père Le Sueurs...

Ha enfin ! Hazel finissait par rentrer finalement. C'était pas trop tôt. Sans ménagement, en allant se mettre à table, Zack signala :

" C'toi qui fera la vaisselle. "

Ca s'appelait la répartition des tâches et pour une fois, ça l'arrangeait bien ! Sarah voulait tout de suite passer aux choses sérieuses. Même le repas risquait d'être chiant. Quoique raconter sa journée serait toujours moins pénible qu'un gros blanc de l'entrée au dessert. Zachary voyait mal l'une des deux en face faire la causette.

Malgré tout curieux de savoir ce qu'avait pu pondre Hazel pour rentrer aussi tard, l'agent écouta son rapport. Il était à peu près sûr d'avoir tous les détails, même ceux dont on n'avait rien à faire. Du coup il se préparait à sauter un mot sur deux pour s'économiser. Lorsqu'il entendit que le bureau était inintéressant et que le temps avait manqué, un sourcil d'intérêt se leva, alors qu'il mastiquait un morceau de pain. Elle avait placé l'extérieur sous surveillance ? On s'en foutait pas un peu de ça ?

S'il résumait la journée d'Hazel en plein camps ennemi : quedalle. Ou presque. Comme si un bureau pouvait être inintéressant ! Surtout avec un ordi. Et placer un micro ! C'était rapide quand même ! Surtout pour quelqu'un comme elle qui devait avoir "l'art de crocheter" à lire sur sa table de chevet, et même aux toilettes devait avoir d'autres livres de cours.

Remarquant le regard en coin d'Hazel, le garçon tenta de cacher au maximum son amusement, sentant qu'il n'en pouvait plus, il lui sourit de façon compatissante :

" Tu feras mieux la prochaine fois ! J'en suis sûr. "

Des encouragements. Ca devait bien être le pire qu'elle s'attendait à avoir, surtout de sa part ! Jubilant intérieurement, Zachary tendit l'oreille vers Bryn tout en continuant encore à observer la jeune fille quelques instants pour se délecter de son visage qu'il espèrerait rubicon de rage. Finalement, le père de Max semblait avoir bien plus à voir avec tout ça que ce qu'ils pensaient. Ca donnerait encore plus de poids à ce que Zack avait fait (et réussi, lui).

Bryn semblait ravi de pouvoir se faire inviter chez Max. Dommage que le requin soit déjà passé par là :

" Nan mais chez les Langlois, j'ai déjà un passe-droit tu sais. J'ai rencontré le père et l'agent infiltré là. Bornson. Maira m'a trop à la bonne. Ca fout les boules à Joseph d'ailleurs, parce qu'il a l'air d'en pincer. Je sais pas s'il veut faire plaisir à son père pour se rapprocher d'elle... Enfin bon. J'ai placé son bureau sur écoute. J'ai eu le temps". Moi. " Puis sinon j'ai pris des photos de documents aussi qui parlaient d'une location de véhicule. On voit bien le numéro d'immatriculation dessus, et puis il y avait aussi une carte du port avec une zone entourée. Elle est dans le téléphone aussi. C'est p'tête l'endroit où ils veulent cacher les armes volées, s'ils sont responsables. "

Un large sourire victorieux au visage, il jeta un coup d'oeil en coin à Hazel qui devait baver intérieurement face à tant de réussite. Elle aurait beau lire des jours durant ses bouquins, le talent, on l'avait ou on l'avait pas. C'était tout !

Cottage des Freston, Saint-Hélier

La feinte compassion affichée par Zachary à l'encontre de l'échec relatif d'Hazel fit froncer les sourcils du contrôleur de mission qui se garda toutefois d'intervenir. Elle avait déjà assez à faire à coordonner les actions de chacun sans devoir jouer le rôle d'arbitre. Heureusement que l'Ecossaise savait se montrer raisonnable pour deux et ne pas réagir aux provocations du requin. Il était vrai, toutefois que l'occasion ratée aujourd'hui allait certainement leur faire perdre un peu de temps mais il n'y avait, en apparence, rien de dramatique.

Le bilan des garçons semblait plus positif. Bryn, pour sa première sortie sur le terrain, avait facilement réussi à s'intégrer à la petite bande, ce qui devrait lui ouvrir des portes pour approcher les adultes et en apprendre un peu plus. Zachary, quant à lui, s'était trouvé dans une situation inédite et avait su prendre des initiatives. Certes, le domicile des Langlois ne devait pas être mis sous écoute mais cela pouvait s'avérer utile finalement.

"Bien joué, Zach.", reconnut Sarah, un peu à contre cœur visiblement. "Tu transfèreras tes données après le dîner. Nos analystes vont peut-être en déduire quelque chose."

Pensive, la jeune femme revint sur les derniers propos du Gallois.

"Ainsi ce n'est pas Patrick Le Sueurs qui télécommande les actions de cette petite bande mais le père de ce fameux Max.", commenta-t-elle, pensive.

"Bryn, as-tu une idée de son identité ? Je n'ai aucunes informations sur un Max dans les fiches qu'on nous a transmises."

"Pas plus que sur un Joseph ou même un... Daniel.", poursuivit-elle. "Je peux demander à Londres de faire une enquête sur eux, mais ça risque de prendre du temps, surtout sans connaître leur nom de famille."

Se resservant dans le plat principal, Sarah essaya de rassurer Hazel pour éviter que la jeune fille, asticotée par un Zachary toujours aussi enclin à se mettre en avant, ne culpabilise de trop.

"Tu penses vraiment pouvoir remettre ça demain, chez les Le Sueurs ?", demanda-t-elle. "Il faudrait vraiment que leur domicile soit sur écoute. Le MI 5 a l'air persuadé de leur implication. Mais c'est quand même étrange que madame Le Sueurs soit tenue à l'écart à ce point des activités subversives de son mari…"

Hazel avait pendant un instant l'impression d'être face à une énorme farce. Entre son "aimable contribution" - des sous-vêtements, quoi... - et la pseudo-compassion de Zack, elle ne fit que récupérer sa fourchette en lançant un regard vaguement blasé à ce dernier, en agrémentant le tout d'un léger haussement d'un seul sourcil. Tien, il restait juste... Fidèle à lui-même. Il lui restait néanmoins des progrès à faire s'il voulait que sa compassion soit crédible pour quelqu'un d'autre que des jeunes de leur âge naïvement peu formé à la reconnaissance d'un mauvais jeu d'acteur. Mais elle devait au moins admettre que l'entendre balancer une phrase faussement encourageante était moins énervant que l'écrasement ou le rebond de frime narcissique qui semblait coller à Zack en temps normal - cf le "requin".

Ah, râté. Pendant un instant, Hazel avait presque cru que le t-shirt bleu marine avait gagné des points en maturité. Mais le "j'ai eu le temps", en parfait écho de celui inverse de l'écossaise venait de faire s'effondrer la base d'estime que la fillette avait commencé à construire à l'égard de Zack. Là encore elle ne pouvait que reconnaître son talent improbable pour passer pour un gros frimeur. Si si, ça tenait du génie à ce stade! Elle gardait le regard fixé sur son assiette dont elle en déplaçait le contenu en prenant parfois une bouchée, mais sans réelle conviction. Non, elle n'était pas particulièrement furieuse contre Zack. Après tout, c'était elle qui avait filé de l'eau à son moulin donc elle était aussi fautive qu'il était pénible. Donc l'un dans l'autre... Elle choisit délibérément de ne pas relever. Après tout, tout brillant qu'il soit, un autre agent avait réussi son coup qui lui n'avait pas l'ancienneté pour justifier son succès. Même si à son sens Bryn s'égarait peut-être un peu trop sur son rôle d'ami par rapport à son rôle d'agent. Faire prendre confiance en lui à un camarade qu'il ne verrait plus ensuite et n'aurait probablement pas autant à rapporter en retour était une perte de temps. Un peu comme les amis, peut-être? Un dernier coup d'oei à Zack la conforta dans cette idée.

Autant se concentrer sur la mission. Il y avait apparemment de nouvelles données à considérer sérieusement et Hazel se demanda si se concentrer sur les Le Sueurs était l'option la plus pertinente à poursuivre. En tous les cas, il y avait matière à creuser. Mais ceci suffirait-il? Mécaniquement, elle hocha la tête aux propos de "maman".

"Oui. J'ai un t-shirt à rendre à Marie comme prétexte. Et je m'entend assez bien avec elle pour m'inviter chez les Le Sueurs. Sans compter la possibilité d'aller monter au manège avec la jumelle."

Le tout serait de se créer une nouvelle opportunité de retourner dans le bureau du papounet. Au moins elle avait déjà eu l'occasion de voir et tester la serrure pour pouvoir pénétrer à nouveau dans le bureau. Seulement elle savait que placer un micro ne suffirait pas. Son erreur d'aujourd'hui allait devoir être rattrapper par des informations plus pertinentes à rapporter. Restait à voir si elle allait y parvenir. Bon Dieu, avec un frimeur comme Zack dans les parages, elle avait la désagréable sensation que sa frustration perso prenait le pas sur son professionnalisme. Le boulot en équipe était vraiment une plaie.

"J'ai dit "à priori". Si elle l'est activement, c'est sans en saisir toutes les implications. Madame Le Sueurs ne semble pas posséder la même passion que son époux pour la politique de Jersey. Elle sait néanmoins que celui-ci en est passionné et connait ses activités du moins officielles."

Pour le reste, difficile à dire. Elle voyait assez mal Madame Le Sueurs se présenter en tant que femme de terroriste. Après une dernière bouchée, Hazel abandonna définitivement ses couverts, n'ayant avalé que la moitié de sa première portion.

- Il y a Max, son père et Declan, ainsi que Joseph sur qui il faudrait deux trois éléments. Pour les noms de famille on pourra facilement les avoir au collège-lycée je pense. Il m'ait avis que le réseau est peut être un peu plus grand qu'il n'y parait.

Finalement l'histoire n'était pas si simple que cela. Les services secrets n'avaient pas autant reussi que ça à glaner des informations sur les autonomistes.

- On pourrait monter une annonce bidon, un leurre pour appâter les autonomistes et les faire réagir?... Genre l'annonce d'une reunion importante ou autre chose?

Ils en penseraient quoi? Bryn se demandait.

Sarah s'occupa d'Hazel. Bah c'était pas une compétition non plus même si l'état d'esprit de la jeune fille l'avait un peu refroidi sur la piste d'athlétisme. Il avait soudain une idée.

- Après avec Zach un soir, on pourrait suivre Max chez lui? Si jamais on a pas les noms de famille. Et si je prenais une photo d'eux ça aiderait?

Il était important de mener cette mission à bien, comme son père l'aurait dit on est au service de sa majesté. Bryn le Gallois était loin de ses rivalités passées pour des questions de territoire ou d'appartenance à des clans qui datait du moyen-age.

Fier comme un coq, Zachary se retint de bomber le torse comme l'aurait fait un certain Canadien de sa connaissance. Sarah qui le félicitait, c'était à annoter d'un coup de feutre rouge sur le calendrier ça ! Ecoutant la suite de la conversation en dégustant son repas, il lui sembla qu'il avait loupé un train. Ou que c'étaient les autres qui en avait loupé un.

" Max ? Bha c'est le frère de Maira. Langlois. T'es rentré chez lui tout à l'heure, quand tu m'as vu. T'as pas tilté ? " demanda-t-il en regardant Bryn.

Pour le coup, ça lui avait paru évident. C'était le soucis quand on avait un esprit supérieur. Tout paraissait clair et limpide et on ne se rendait même plus compte de ce qui était compliqué à comprendre pour d'autres...

" Il a demandé ce que je faisais chez lui. " rajouta-t-il à l'attention de Sarah.

Il reprit une bouchée et rajouta :

" Ouai Declan je le connais pas du tout. Joseph il a pas l'air de rigoler. "

" Sinon si on veut placer la famille des jumeaux sur écoute, on peut aussi se faire inviter par Marc chez lui avec la bande de Bryn. Y'aura toujours moyen d'esquiver les autres un moment à un moment ou à un autre. Et puis on sera deux sur place. "

Faut laisser faire les pros Hazel, rajouta-t-il dans sa tête, avant de songer qu'elle pourrait toujours faire le ménage ici. Ce serait utile au moins, ça...

Cottage des Freston, Saint-hélier

Déjà, en temps normal, il n'était jamais facile de suivre une conversation animée par trois adolescents mais, dans ce contexte, c'était encore pire. Les informations et les propositions fusaient et Sarah devait rester concentrée pour ne pas perdre le fil. Heureusement, le contrôleur de mission n'en était pas à sa première mission sur le terrain et possédait une certaine expérience dans la coordination des jeunes agents.

"Vous avez déjà bien avancé.", constata-t-elle. "Hazel, je compte sur toi pour mettre sur écoute le bureau de le Sueurs, dès demain. Tu es capable d'y arriver sans l'aide de Zach, n'est-ce pas ?"

Un petit sourire en coin accompagnait ces derniers mots. Il était bon parfois de stimuler un peu les rivalités qui pouvaient exister entre ces enfants. Même si le professionnalisme d'Hazel prenait très souvent le pas sur son orgueil, elle ne voudrait certainement pas laisser l'occasion au requin de trop se mettre en avant à ses dépends.

"Je vais demander au MI 5 un complément d'infos sur la famille Langlois.", poursuivit-elle, montrant qu'elle avait déjà pris en compte les précisions de Zachary. "Et leur dire de nous remonter ce qu'ils ont sur Joseph et Declan. Ils trouveront bien les noms de familles dans les fichiers du collège mais je doute que des renseignements vraiment exploitables ne nous remontent sur des mineurs."

Dès la fin du repas, Zachary transféra les photos prises dans le bureau de Martin Langlois tandis que Sarah contactait le Campus, sur une ligne sécurisée, pour y faire son rapport et demander les compléments d'informations.

Plusieurs jours se passèrent, pendant lesquels les "enfants Freston" jouèrent leur rôle de collégiens modèles, s'intégrant toujours mieux au sein de leur groupe respectif. Bryn était parfaitement accepté par la petite bande, poursuivant les activités subversives (à savoir la simple distribution de tracts) avec eux. Malgré quelques timides tentatives du Gallois et de son nouveau copain, Daniel, Joseph n'autorisa pas Zachary à postuler pour rejoindre leurs rangs, la rivalité supposée à propos de Maira y étant surement pour beaucoup. Du coup, le requin devait se livrer à des prouesses pour imaginer des excuses afin d'éviter de se retrouver piégé par les jeunes filles à devoir leur faire une démonstration de ses talents de danseur. Hazel, quant à elle, réussit sans peine à retourner chez Marie et, cette fois, ne loupa pas le coche pour placer un micro dans le bureau du chef de famille. Comme convenu, Daniel était venu dîner chez les Freston et le gamin s'était montré un invité idéal, faisant manifestement des efforts pour bien se tenir et plaire à la mère de son ami.

Pendant ce temps, le MI 5 analysait les documents, auditionnait les enregistrements des conversations captées par les micros et omettait d'informer l'équipe de Cherub de l'avancée de leur enquête, ce qui avait le don d'agacer prodigieusement les jeunes agents qui commençaient à trouver le temps long et le contrôleur de mission qui ne supportait pas se voir tenue à l'écart.

Finalement, un soir en rentrant, ils eurent la surprise de voir Sarah souriante. Elle venait de recevoir une brève note, faisant un résumé succinct de la situation.

"Le père Langlois semble être mouillé jusqu'au cou dans cette affaire.", annonça-t-elle d'emblée aux enfants. "En fait de responsable politique, il s'agirait plutôt d'un mercenaire activiste déjà impliqué dans plusieurs coups d'état. J'attends des précisions à son sujet mais je peux, dès à présent, vous mettre en garde contre cet individu et vous demander de ne plus l'approcher."

La jeune femme adressa un petit sourire à Zachary en poursuivant.

"Tu as eu le nez creux en mettant son bureau sur écoute. Les seules informations pertinentes proviennent de là. Il semble que Patrick Le Sueurs ne soit fait manipuler sur toute la ligne. Son parti de doux rêveurs sert, en fait, d'alibi à une opération beaucoup moins pacifiste."

Ainsi donc, l'impression qu'avait eue Hazel sur l'innocence de madame Le Sueurs paraissait devoir être étendue au reste de sa famille.

"Bryn... Comme je m'en doutais, nous n'avons rien sur tes nouveaux copains.", continua Sarah en regardant le Gallois. "Joseph, Max et Declan semblent être de braves gamins, un peu turbulents, certes, mais inoffensifs."

Les yeux du contrôleur de mission se mirent à briller d'une joie contenue lorsqu'elle livra sa dernière information.

"Les conversations interceptées chez Langlois ont convaincu le MI 5 que les armes se trouvaient bien à Jersey. Elles devraient être encore dans l'entrepôt indiqué sur le plan que Zachary a eu la chance de trouver. Matthew Bornson doit recouper l'information cette nuit."

Avec un petit sourire satisfait, Sarah continua :

"Notre mission est donc terminée et nous allons pouvoir rentrer. Cependant, j'ai obtenu que nous restions encore un jour ou deux pour attendre la confirmation que le MI 5 a bien toutes les cartes en main."

Les yeux de la jeune femme se plissèrent sur une grimace ironique lorsqu'elle conclut :

"Profitez bien de vos derniers jours d'école. Je vous tiendrai au courant s'il y a du nouveau. Et maintenant, à table !", décréta-t-elle. "Hazel, mets le couverts, s'il te plait. Zach fera la vaisselle après, c'est son tour…"

Débriefing, analyse et routine. Heureusement Bryn avait réellement l'impression d'agir pour la reussite de la mission en étant intégré au groupe. Les jours se succédèrent sans que rien n'avance vraiment. C'était la galère. Et puis un soir en rentrant, Bryn remarqua Sarah qui souriait... Clairement il n'était pas habitué. Sans doute une bonne nouvelle..

- C'est génial!... Enfin je veux dire d'avoir reussi à prouver que Mr Langlois est l'un des comploteurs...

Sarah fit un compliment à Zachary pour son initiative.

- Bien joué Zach! dit simplement Bryn en lui tapant une tape amicale sur l'épaule. La mission était bien avancée désormais.

Elle s'adressa ensuite à lui.

- C'est pas grave on pouvait pas savoir. L'essentiel est la reussite de la mission pour l'instant. on devait ratisser large, mais on a fini par avoir ce qu'on voulait? non?

Bryn était satisfait, sa première mission s'était plutôt bien déroulée à part deux trois trucs de débutant. Mais bon il avait pu profiter de l'expérience de Zach, qui sous ses airs turbulents, s'était avéré être un bon agent au nez creux. Il regarda hazel la sérieuse...

*comme quoi... le turbulent gagne et la pisseuse perd... qui l'emportera au prochain tour?*

Hazel lança un regard perplexe à leur contrôleuse de mission. Elle temporise, puis elle fout la merde? Pourquoi les gens étaient si inconstant dans leur manière d'aborder leurs semblables humains? Elle repoussa son assiette et croisa les bras sur le bureau. Si Freston voulait titiller l'esprit de compétition, pour le moment tout ce que l'écossaise ressentait était une vague indignation teintée de colère. C'était déjà assez pénible de cohabité avec l'égo de Zack, si en plus un adulte responsable tentait de se la jouer psy en cherchant à la pousser dans la bagarre en impliquant sa frustration dans la donnée, franchement il y avait mieux pour mener à bien une mission. Pas pertinent et pas professionnel. Seulement elle n'était pas la boss ici et répondit donc tout naturellement par un calme et posé...

"Evidemment."

Tout en ayant parfaitement conscience qu'en se plantant, elle s'enfoncerait d'autant plus et pousserait Zack sur la pente glissante de l'excès de confiance en soi.

Les jours qui suivirent la rassurèrent dans la mesure où Bryn assurait son rôle d'infiltré des sales gosses sans peine, que Zack devait lutter contre les ravages de son sex appeal, et qu'elle avait enfin pu placer le domicile des Le Sueurs sous surveillance. Seulement l'évolution de l'enquête à proprement parlé était longue, surtout en raison de la difficulté avec laquelle les informations étaient partagées. Les joies de l'administration! Tant pis. Le fait que ce soit long possédait un avantage, pour l'écossaise. Elle pouvait au moins se bercer quelques jours dans l'illusion d'avoir trouvé une amie. Même si elle avait conscience de jouer un rôle, le fait de se dire qu'il existait d'autres personnes un peu comme elle avait le mérite de lui permettre de se sentir moins isolée.

Puis enfin tout semblait terminé. Voir Sarah sourire aussi spontanément dès leur arrivée avait un petit quelque chose de franchement irréel. Les informations dans l'ensemble étaient satisfaisantes. Très satisfaisantes, même. Leur boulot était une franche réussite, grâce à Zack certes, mais peu importait. Pour Hazel, c'était du beau travail. Le reste ne dépendait plus vraiment d'eux, du moins si l'entrepôt s'avérait effectivement contenir de l'armement. Il n'y avait plus qu'à espérer que monsieur Langlois n'ait pas pris la liberté de déplacer du matériel, ou pire, d'accélérer ses opérations. Quand Bryn félicita Zack, l'écossaise se contenta de hocher la tête. Oui, c'était principalement grâce à lui, mais il fallait avouer que malgré cette pensée objective et détachée, ça lui écorcherait la gueule de le féliciter verbalement. Et puis il fallait croire qu'ils avaient une rivalité à tenir. Si tout se passait comme prévu, dans quelques jours, ils seraient de retour "chez eux". Adieu le petit rêve amical avec Marie! C'était pas plus mal de revenir à une réalité plus conforme.

"J'espère qu'ils seront plus rapides pour confirmer la récupération des armes."

Quant à ce qu'il restait d'école, Hazel se dit d'avance qu'elle allait cesser d'anticiper sur les leçons pour se concentrer de son côté à se remettre plutôt sur les cours du Campus. Leur rôle ici touchait à leur fin, et tout ce temps sur le terrain lui faisait immanquablement perdre son avance sur son vrai cursus. Hazel répondit spontanément à l'agent Freston.

"Oui, maman!"

Puis alla sans autre mettre la table pour le prochain repas en "famille".

Et voilà. Zack proposait (gentiment) d'aider ceux qui n'y arrivaient pas à faire leur travail parce qu'ils le faisaient mal, et tout de suite c'était mal interprété ! Quelle orgueilleuse cette Hazel ! Elle refusait d'admettre ses limites juste pour pas perdre la face, alors que les résultats étaient là !

Pour la suite, Sarah indiqua qu'elle demanderait quelques infos sur ceux de la bande de Bryn, et allait faire analyser les documents du requin. L'affaire serait surement classée, si Hazel parvenait enfin à faire le nécessaire chez les Le Sueurs ! Donc c'était pas gagné...

Dans les jours suivant, Zachary espérait bien pouvoir se marrer un peu avec la bande de joyeux lurons avec qui trainait Bryn. Ce serait toujours un peu plus amusant que de faire ses devoirs et écouter l'autre crétin chanter et se trémousser. Mais ce salaud de Joseph refusait que le requin s'incruste dans la bande juste par jalousie ! Hazel quant à elle était parvenue à enfin poser son micro. Encore heureux, au deuxième essai !

Du coup, il devait encore traîner plus ou moins avec Maira et sa copine tout en inventant des raisons foireuses pour ne pas pouvoir aller chez l'une ou chez l'autre. Et l'argument du "ma mère veut pas que je sorte trop" tombait à pic, pour une fois. En général, c'était quelque chose de vrai qui empêchait de se rendre là où on voulait aller. Mais pour une fois qu'il pouvait s'en servir à son avantage, il n'allait pas se gêner pour esquiver les filles. Zack rentrait donc docilement chaque soir pour faire rapidement ses devoirs seul, et se collait ensuite à l'ordinateur à regarder des vidéos sur internet ou pour jouer à des jeux.

Un énième soir, alors que Zack commençait à apprécier ce rythme simple et sans prise de tête, malgré le fait d'avoir Sarah en mère et Hazel en soeur, l'agent fut accueilli par un air satisfait des plus étranges sur l'adulte de la maison. Curieux, il écouta les annonces. Petit à petit, le requin se mit à sourire, ravi de la tournure des évènements.

Langlois était le vrai chef de tout ça et la famille Le Sueur était en fait innocente. Zack était même félicité pour avoir pris une initiative qui avait en fait sauvé la mission ! De mieux en mieux ! Ravi, le gamin affichait une mine traduisant parfaitement son état de fierté. Les félicitations de Bryn gonflèrent encore un peu plus le garçon.

" Ouai, j'assure ! " confirma-t-il en toute modestie.

Ils allaient encore passer quelques jours ici et allaient rentrer avec une mission rondement menée ! Même le fait de devoir faire la vaisselle lui passa bien au dessus.

" J'ai bien la dalle ! " lança le gamin, prêt à engloutir un éléphant.

Le lendemain matin, les trois "enfants Freston" étaient de nouveau au collège pour ce qu'ils espéraient être leur dernier jour d'école à Saint-Hélier. Ils pourraient bientôt retrouver l'ambiance de Cherub, ses devoirs interminables et ses innombrables tours de stade venant sanctionner une indiscipline chronique. Sarah attendait la confirmation du MI 5 pour prendre les billets retour par le premier vol en partance pour Londres. Si tout ce passait comme prévu, l'équipe passerait la nuit suivante au Campus, chacun bien au chaud dans son lit.

La matinée venait de s'achever et aucune nouvelle rassurante n'était encore parvenue aux agents. Après le repas, les cours reprirent de façon routinière mais sans parvenir à retenir l'attention des élèves impatient de connaître le fin-mot de leur mission.

Vers 16h00, alors qu'Hazel écoutait un exposé passionnant sur le réchauffement climatique et que Bryn et Zachary s'efforçaient, en travaux pratiques de chimie, de provoquer un précipité blanchâtre, tout en songeant qu'en mélangeant différemment les produits, ils pourraient au minimum détruire la salle, voire raser le bâtiment entier en y mettant un peu de bonne volonté, un SMS arriva simultanément sur leurs trois téléphones.

Citation :

Mission annulée. Bornson retrouvé mort dans la baie. Rentrez immédiatement.

La fin de la mission pointait son nez et Zachary était malgré tout ravi de pouvoir retrouver sa chambre au campus. Le quotidien lui avait plu ici, même si le trop plein d'Hazel commençait presque à lui taper sur le système. Heureusement que Bryn remontait un peu la qualité du quota présence, car Sarah ne faisait pas gagner de points de ce côté là.

La journée suivante, Zack garda la main sur sa cuisse. Son portable était en mode vibreur, mais il s'attendait à rater une confirmation de réussite de la mission d'un instant à l'autre. Pour rien au monde il ne voulait être le dernier au courant ! Mais rien n'arriva durant la matinée. L'excitation ne réussissait qu'à lui faire trouver les cours encore plus longs que d'habitude et le repas du midi arriva malgré tout, sans aucune nouvelle information.

Puis l'après midi avait démarré et le requin s'impatientait de moins en moins. Sarah ne devait pas avoir eu la moindre nouvelle. Ou alors elle attendait qu'ils rentrent pour confirmer ? Finalement, le garçon finit par se calmer. Il vérifiait bien de temps en temps son téléphone machinalement mais il n'y mettait plus vraiment de conviction.

Finalement, ce fut au cours des travaux pratiques de chimie qu'il sentit sa poche vibrer. Laissant à son binôme le soin de faire les mélanges, l'agent regarda rapidement le contenu du message qu'il venait de recevoir. En une seconde, son visage se décomposa totalement. Borson mort. La mission annulée. L'ordre de rentrer immédiatement.

Zachary releva rapidement la tête vers Bryn, le visage paniqué. Rapidement, il tapa un message pour Hazel :

Citation :

On se retrouve au hall d'entrée.

Il était hors de question de rentrer séparés. Maintenant, tout pouvait arriver. Ils ignoraient s'ils étaient découverts eux aussi, mais le garçon était loin d'avoir envie de tenter le diable.

Il annonça à son binôme sans attendre :

" Il s'est passé un truc chez moi, je dois partir. "

Rangeant aussi vite que possible ses affaires en les fourrant dans son sac, Zack se dirigea droit sur le professeur et répéta mot pour mot ce qu'il avait raconté à son camarade de cours mais il rajouta :

" Je vous ramène un mot d'absence dès que je reviens. "

L'avantage dans cette situation était qu'il n'avait pas à simuler la panique sur son visage. Celle-ci était tout de même contrôlée, mais le choc de l'annonce reçue par SMS le rendait quelque peu fébrile.

Jetant un coup d'oeil à Bryn pour voir où il en était, le requin se préparait à sortir de la pièce, avec ou sans l'accord du professeur. De toute façon, il ne le reverrait jamais.

Un jour de cours de plus. Non pas que ça dérange particulièrement Hazel, mais l'écossaise avait hâte d'en finir. Les heures qu'elle passait dans ce collège étaient des heures de perdues pour faire ses vrais devoirs, et pratiquer ses vrais entraînements. Bien qu'elle affichait une mine intéressée de retour en classe, dans un cahier qu'elle tenait sur ses genoux se trouvait le téléphone qu'elle surveillait à intervalles réguliers, entre deux prises de notes inutiles. Déjà que la matinée n'était pas particulièrement palpitante, l'exposé de l'après-midi sur le réchauffement climatique était, sans vouloir faire du mauvais jeu de mot, un sujet déjà maintes fois réchauffé. Bref, ça manquait d 'originalité, et surtout de références claires. Google pouvait aussi être une mine d'intox. A dire vrai, elle avait même la certitude que l'élève faisant l'exposé avait conscience que le phénomène était cyclique à travers les différentes ères et n'avait donc rien de si extraordinaire que ça, si ce n'était sa vitesse.

Alors qu'elle commençait à griffonner des cercles superposés dans un coin du cahier, signe manifeste de son ennui difficilement dissimulable, Hazel aperçu l'écran s'illuminer discrètement. Elle ouvrit instantanément le sms en agitant son stylo entre ses doigts et, percutant l'information, supprima le message dans la seconde qui suivit. Il valait mieux que personne ne tombe dessus. un "merde" lui traversa l'esprit et elle pâlit sensiblement, ce qui arrangeait ses affaires, et glissa son téléphone dans sa poche. Se baissant pour ramasser son sac, elle jeta un regard d'excuse à l'intention de l'élève en plein exposé et tourna un regard de chien battu à l'intention du professeur.

"Excusez-moi, il faut que je sorte, je ne me sens pas très..."

Elle plaqua sa main contre sa bouche en simulant un début de haut le coeur, et sans attendre la moindre approbation, quitta la salle de classe en courant. Dans le couloir, elle sortit à nouveau son téléphone dans l'idée d'avertir les garçons, mais reçu le message de Zack avant. Inutile de répondre, elle pressa le pas et se mit même à courir pour rallier le hall d'entrée. Il était temps qu'ils dégagent d'ici. Quelque chose avait foiré, mais quoi? Une fuite? Son micro s'était fait repéré chez les Le Sueurs? Elle avait encore foiré? Nerveuse, l'écossaise pressa le pas et déboula les escaliers vers le hall pour rejoindre les garçons.

Ils allaient bientôt rejoindre le campus. Bryn était détendu pendant son cours, il savait qu'il allait rentrer sous peu, c'était une question de jours. Sa première mission s'était bien passée finalement, il allait rentrer avec le sentiment d'une mission accomplie.

Il sentit sa poche vibrer en plein cours de chimie.

Bryn se vit confier les éprouvettes contenant les divers produits par son binôme. Il vit Zach prendre son portable et découvrit sa tête qui se déconfisait au fur et à mesure qu'il découvrait le message sur son téléphone. Ce devait être un sale truc à voir sa tête. Bryn posa les éprouvettes et prit le téléphone dans sa poche à son tour, il le consulta et vit la triste nouvelle qui était annoncée.

Aussitôt, il vit Zach qui tapait un message sûrement pour Sarah ou peut être Hazel. Bryn était un peu paniqué. Sa première mort autre que celle de son père à vivre, et c'était un agent qu'il avait connu. Triste nouvelle.

Bryn vit Zachary prendre les devants et annoncer au professeur qu'il devait y aller. Bryn rassembla aussi vite qu'il put ses affaires et courut vers Zachary avant qu'il ne prenne la porte.

- Zach attend!!... C'est maman?

Dit Bryn pour noyer le poisson.

- Je viens avec toi, désolé monsieur. Promis on repasse dés que les nouvelles sont bonnes ou en tout cas dés que nous en savons un peu plus.

Les différents professeurs eurent bien l'air surpris de cette requête aussi étrange que soudaine mais n'émirent aucune objection à laisser sortir les enfants Freston avant l'heure normale. Tout au plus, celui de physique-chimie se composa-t-il un visage compatissant en souhaitant que rien de grave ne se soit passé chez eux.

Arrivés les premiers dans le hall, Zachary et Bryn n'eurent pas longtemps à attendre pour voir débouler Hazel, trottinant malgré les nombreuses pancartes indiquant "Défense de courir". L'inquiétude de la la jeune fille était clairement visible et faisait écho à celle de ses frères. Que s'était-il donc passé pour arriver à un tel fiasco ? Les enfants étaient persuadés avoir parfaitement dissimulé leurs différents micros et n'envisageaient pas qu'ils puissent avoir été repérés par ce moyen.

Au moment où ils allaient quitter le collège, ils virent surgir Daniel d'un couloir, sac de cours en bandoulière. Apercevant ses amis, le gamin leur fit un geste de la main en se dirigeant vers eux, le visage un peu figé.

"Tu parles d'une vacherie... J'viens d'me faire exclure deux jours...", commença-t-il avant de s'interrompre net en remarquant les mines d'enterrement des trois agents. "Merde ! Il vous arrive quoi, les mecs ?"

Le réglement d'une école qu'elle ne risquait pas de revoir lui passa largement au-dessus de la tête. Dévalant les escaliers, l'écossaise aperçut les garçons déjà dans le hall. Tant mieux! Ils n'auraient plus qu'à mettre les voiles fissa. Le problème n'étaient pas seulement d'avoir été repéré, mais aussi d'avoir fait repérer un autre agent et l'avoir conduit à la mort. Tout s'était pourtant bien déroulé jusque-là alors que s'était-il passé au juste? Hazel cherchait à voir où elle avait pu commettre une erreur. Elle avait déjà une fois mal dissimulé un micro en mission. Aurait-elle commis deux fois la même erreur? Ce n'était pas vraiment dans ses habitudes, mais elle ne pouvait pas exclure la possibilité d'avoir échoué une fois encore.

Arrivant au niveau de Bryn et Zack, elle allait ouvrir la bouche pour dire quelque chose quand Daniel débarqua. C'était une réunion d'école buissonnière ou quoi? Seulement quelque chose lui fit tilt et ses traits se décomposèrent l'espace d'un instant. Pourquoi Daniel avait-il l'air aussi figé en parlant de se faire exclure? Il devrait soit avoir l'air mal, soit avoir l'air fière, voire même provocateur, ou franchement honteux, mais pas figé. Daniel n'était-il pas passé chez eux? Daniel n'était-il pas fils unique avec un papounet un peu trop occupé pour s'assurer que son gosse rentrait bien à la maison? De fait, Daniel n'appartenait-il pas à une bande de sale gosse commettant de petits délits en apparence pas bien méchants mais curieusement dictés par un groupe de terroristes en un sens?

Nom de Dieu!

Soit l'écossaise devenait totalement paranoïaque, soit elle en venait à penser qu'ils étaient tous de gros abrutis. La différence majeure entre le gouvernement britannique et le terrorisme pouvait se résumé en une application légèrement différée de l'éthique. De l'autre côté de la barrière il existait immanquablement des gamins comme eux, ou du moins se rapprochant d'eux. Se détournant derrière ses frères, Hazel dégaina son téléphone portable et écrivit prestement à leur "mère".

sms a écrit:

Il nous faut un autre point de rencontre. La maison est peut-être sous surveillance.

Tout en pressant le pouce sur "envoyer", elle lança sur un ton neutre.

"C'est quand même fou avec quelle synchronisation on se retrouve tous les quatre dans ce hall, alors qu'on devrait tous être en classe."

Relevant les yeux, elle fixa Daniel, l'air volontairement scrutateur, guettant la moindre petite faille dans son expression.

"Tu ne trouves pas, Daniel?"

Elle prit d'ailleurs bien soin d'appuyer verbalement sur le prénom du garçon. Si elle se trompait, elle passerait pour une folle. Sinon, elle ferait mouche. Mais en tous les cas, Bornson hors jeu, elle ne doutait pas un seul instant qu'il allait être très difficile de retourner à la maison et plier bagages aussi facilement.

Parvenant enfin au hall d'entrée, les garçons virent arriver à la fois Hazel et Daniel de deux directions distinctes. Pas de bol pour le second, Zachary ne comptait pas du tout tailler la bavette avec lui ! Leur soeur prit la parole soudainement, faisant remarquer la synchronisation de leur sortie à tous. Eux trois, c'était compréhensible, mais celle de leur camarade était assez étrange. La paranoïa d'Hazel devenait contagieuse. Le tout était d'en avoir conscience !

" C'est bon Hazel, laisse-le tranquille. T'es pas obligée de lui cracher ton venin au visage ! " lança-t-il énervé à sa soeur, alors qu'il se plaçait à côté de Daniel pour prendre sa défense.

Il recula d'un pas discrètement et rajouta encore :

" T'en as pas marre de nous les briser à force ? Faut toujours que t'aies... Humpf !" s'interrompit soudainement le requin.

Zachary infligea un atemi à la tempe du garçon rapidement pour se débarrasser de lui. Il n'avait aucune envie de prendre le risque qu'il soit contre eux. S'il était innocent, il s'en sortirait avec une migraine et un peu de peine probablement, mais s'il avait quelque chose à voir, eux pourraient se faire descendre. La balance n'était donc pas bien difficile à évaluer !

Devant l'air inquisiteur d'Hazel, Daniel tiqua, son visage affichant la surprise la plus complète. Alors qu'il s'apprêtait à répondre, l'intervention de Zachary l'interrompit.

"C'est bon, Zach...", commença-t-il. "Vous engueulez pas non plus... J'sais pas c'qu'il s'passe chez v..."

Le garçon n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Le requin venait de passer à l'action, le prenant de court. Le gamin esquissa bien un geste de défense en levant un bras et tournant la tête mais la frappe de l'agent était trop rapide pour qu'il puisse l'esquiver. Touché sur le côté du crâne, Daniel poussa un léger cri de douleur avant de s'écrouler sur le sol, inconscient.

leur plan avait bien fonctionné, ils avaient reussi à esquiver l'heure de cours restante pour enfin parvenir au couloir et pouvoir se dire des choses en privé. Ce qui venait d'arriver à l'agent n'était pas anodin et la mission annulée ne l'était pas non plus.

Et dehors, ils se retrouvèrent tous les trois sans aucun accros... Sauf... La présence de Daniel. Que faisait il ici?
Zachary passa à côté de lui pour le défendre et alors que la discussion allait bon train, qu'il commençait à toiser Hazel, et lui balancer son éternelle répartie au visage, celui ci décrocha un atemi de l'espace à Daniel qui ne put rien faire.

Quelques secondes plus tard il était étendu sur le sol inconscient.

- Putain... Merde... Balança Bryn qui ne comprenait pas grand chose, même si la présence du jeune garçon était strange, il ne méritait pas ça. Il regarda plusieurs fois à droite à gauche pour s'assurer que personne ne prenait le couloir où ils se trouvaient. Puis il prit Daniel par les deux mains et le tira vers les sanitaires les plus proches.

- Bon vous faites quoi vous venez ou quoi?

Dit il à l'intention des deux agents. Il ne fallait pas que le corps de Daniel soit trouvé et Bryn voulait lui faire les poches pour vérifier... Etait il un agent à la solde de Langlois ou pas?