2014/09/20-IR – Tauton, Grande-Bretagne – [Recrutement de Nigel Lackey, initialement Nigel Sloverdriss] – Dans le calme de la nuit

Profitant d'être dans la pièce où Stramoski devait s'isoler pour travailler, Nigel jeta un coup d'œil sur les documents qui traînaient. Diverses factures, bon de commande ou de livraisons étaient empilés sur les tables de desserte. S'approchant de l'ordinateur, le garçon eut une moue d'envie en voyant la taille de l'écran, comparable à celui d'un téléviseur. La tour "unité centrale" était éteinte, posée à terre à gauche du bureau.

Passant derrière le bureau, Nigel essaya d'en ouvrir discrètement les tiroirs. Un seul d'entre eux n'était pas fermé à clé et le garçon put en inspecter rapidement le contenu. Un dossier était rangé dedans, mentionnant un permis de construire pour un immeuble de locaux administratifs. L'adresse de cet immeuble correspondait au terrain vague sur lequel l'acrobate avait souhaité faire de l'exercice, un peu plus tôt dans la nuit.

Son attention entièrement focalisée sur la recherche de documents, Nigel avait un peu oublié de rester sur ses gardes. Il sursauta soudain lorsqu'une voix jeune l'interpella, un peu sèchement peut-être, mais sans réelle animosité. À l'entrée de la pièce, se tenait le garçon blond aperçu un peu plus tôt. Il avait l'air un peu surpris et vaguement amusé de découvrir le gamin ici, le prenant sans doute pour un vulgaire cambrioleur.

"Qui es-tu ? Qu'est-ce que tu fais dans le bureau de mon père ?", demanda-t-il calmement. "Si tu cherches quelque chose à piquer, je crains que tu te sois tromper d'adresse… Sais-tu bien où tu es ?"

Le regard toujours amusé, le garçon blond semblait tout à fait décontracté.

"Je suis en effet le fils du maître de ces lieux.", commença le jeune adolescent avec une pointe d'emphase. "Je m'appelle Nicolas Stramoski. Tu as quand même entendu parler de mon père ?"

Question de pure rhétorique dans l'esprit du garçon car, pour lui, tout le monde à Tauton devait connaître Vlad Stramoski, l'entrepreneur le plus riche de la ville et ami personnel du maire, ce qui était parfois bien pratique pour masquer certains trafics pas très légaux. La réputation de l'homme d'affaire aurait dû suffire à tenir éloigné de la maison les vulgaires cambrioleurs, trop effrayés à l'idée d'éventuelles représailles.

"Que viens-tu chercher ici ?", poursuivit Nicolas, sans répondre à la question suivante. "Tu es quand même gonflé d'oser t'introduire chez nous pour chaparder je ne sais quoi. À moins que ce ne soit un pari stupide... Si tu tiens à la vie, je te conseille de repartir rapidement par où tu es venu avant qu'un des hommes du paternel ne te trouve..."

Une pointe de mépris semblait poindre du ton employé par le garçon alors qu'il parlait des comparses de son père tandis qu'un léger voile de tristesse obscurcissait un bref instant ses yeux.

Se ressaisissant, Nicolas retrouva son demi-sourire énigmatique et s'écarta du passage de la porte, laissant tout loisir à Nigel de sortir. Il ne faisait pas mine de vouloir le retenir, ni même d'appeler quelqu'un.

Nigel évita de pouffer en entendant le jeune homme parler, il n’était pas habitué à entendre quelqu’un parler avec un tel langage, le fils du maitre de ces lieux. En situation normale il se serait laissé aller à son fou rire, mais il n’était pas en situation normale, il devait se contenir. Aussi le jeune homme garda pour lui son fou rire et ses remarques.

Entendu parler de son père, bien sur que non… à moins que Stramoski, ah oui….nan, un sentiment de panique envahit le jeune homme, maintenant qu’il réfléchissait il lui semblait bien avoir entendu parler de se mec par ses camarades. Il était vraiment dans la mouise s’il se faisait prendre. Cela remettait pouvait également remettre en cause son action, faire tomber cette pourriture était quelque chose d’impossible pour un ptit bonhome de son âge il aurait vite fait de se faire refroidir. Nigel resta donc un instant hésitant, avant que le fils de Vlad lui donne la possibilité de s’enfuir.
Il regarda le garçon, il ne s’attendait pas à une telle réaction de sa part, que devait-il faire ? Partir d’ici ? Rester ? Faire semblant de partir ? Ou tout simplement appeler Mckenry ? Nigel adressa un sourire au jeune homme, avança d’un pas dans sa direction comme s’il allait partir :

« Merci »

Avant de s’arrêter au niveau du fiston et d’ajouter l’air sincère :

« En fait, si je puis abuser un tout petit peu plus de ta gentillesse, jsuis pas un voleur ou quoi que soit d’autre, dans l’autre pièce sous la garde d’un des gorilles de ton père se trouve un ami à moi et je voulais le faire sortir d’ici ? Voila tu sais tout, tu penses pouvoir me donner un coup de main ? »

Nigel avait tenté un coup de poker, surement l’un des plus gros coups de poker de sa vie. Rien ne lui disait que le garçon connaissant le véritable but de Nigel, irait tout cafter à son père. Il se prépara donc à courir vers la chambre du gamin pour pouvoir ressortir par la fenêtre afin de prendre de vitesse le gamin au cas où ce dernier le trahirait… ;

Surpris, Nicolas marqua un temps d'hésitation à cette nouvelle demande de Nigel.

"Un ami à toi ?", répéta-t-il d'un ton interrogatif. "C'est qui, ton ami ? Il a fait quoi pour attirer l'attention du paternel au point d'être amené ici ?"

Perplexe, le garçon blond fixait son interlocuteur. La situation lui paraissait vraiment bizarre mais, malgré tout, il ne faisait toujours pas mine de vouloir donner l'alerte.

"Je veux dire… Généralement, il ne s'embarrasse pas d'autant de détail.", poursuivit l'adolescent. "Il n'est pas du genre à ramener du travail à la maison, si tu vois ce dont je parle. Normalement, il a plein d'associés pour régler ce genre de chose et ça ne se fait jamais ici."

Un sourire amusé se forma sur le visage de Nicolas.

"Mais ça pourrait être distrayant au fond, si ton ami s'échappait. Je n'aimerais pas être à la place de celui qui le laisserait filer…"

"Tu n'as pas l'air d'avoir froid aux yeux et ça me plait.", poursuivit-il. "Je veux bien éloigner le garde et l'occuper quelques minutes mais pour le reste, tu te débrouilles tout seul. Et si tu te fais chopper, c'est ton problème. Après tout, c'est ta peau que tu risques…"

Quelques secondes de silence passèrent, puis le garçon demanda.

"Ça marche pour moi. Quel est ton plan alors ?"

Le visage de Nicolas se rembrunit légèrement lorsque Nigel exposa son plan. Visiblement, le garçon n'était pas opposé à s'amuser un peu en ennuyant son géniteur mais il n'irait certainement pas jusqu'à lui causer des ennuis de façon volontaire. Et laisser le jeune inconnu embarquer le dossier n'était certainement pas une chose à faire...

"Je veux bien t'aider à sortir d'ici mais je ne ferai rien contre mon père.", annonça-t-il plutôt sèchement. "J'attire le type qui est dans la chambre et je l'occupe pendant deux-trois minutes. Pour le reste, tu te débrouilles !"

Dans le couloir, le garçon blond attendait que Nigel sorte définitivement du bureau pour en refermer la porte.

"Tu peux te planquer dans la lingerie, le temps qu'il vienne me rejoindre mais je ne veux pas te voir revenir ici. Cette pièce est réservée à mon père. Il est le seul à pouvoir y pénétrer.", déclara-t-il fermement. "Le portail est bien le seul moyen de sortir du parc. Je vais essayer de l'ouvrir mais je ne te promets rien..."

D'un ton légèrement admiratif, Nicolas ajouta.

"T'es vraiment sûr que tu veux essayer de libérer ton copain ? C'est quand même vachement dangereux..."

Aie aie aie, en avait-il trop demandé, Nigel grimaça en voyant le visage du garçon, lorsqu’il avait exposé sa demande d’emporter le dossier avec lui. Nigel n’insista pas, il ne voulait surtout pas que le gamin change d’avis maintenant. Voyant que le garçon souhaitait qu’il libère le bureau de son père il sortit donc calmement avant d’ajouter :

« Pas de problème, je veux juste aider mon ami, rien d’autre »

Ce n’était pas entièrement vrai, à peine un petit mensonge, quoi qu’il en soit Nigel avait tout de même apprit une information importante, les choses sérieuses pourraient alors commencer après. Deux à trois minutes, cela représentait un temps très court, vraiment très court. Il doutait d’avoir le temps de faire sauver Haley en si peu de temps. Surtout que le fils de Stramoski ne semblait pas sur de pouvoir lui ouvrir la porte. Le doute, et l’incertitude commençait à envahir le jeune homme. S’il était seul il ne risquait pas grand-chose à sortir d’ici. Cette sortie serait même facile, mais accompagné du gamin, en ajoutant le temps de lui expliquer sa démarche tout cela demanderait un temps important, sans compter le faire descendre du toit (même si pour cette dernière étape Nigel avait une petite idée).

Alors quand Nicolas lui demanda s’il souhaitait vraiment essayer de libérer Haley, en connaissant tous le danger que cela comportait. Le jeune artiste prit un temps de réflexion sachant qu’il ne pourrait plus reculer ensuite, le ton admiratif de Nicolas ne faisait pas de doute sur la dangerosité de son action.

« Ouais jsuis partant, enfin je suis sur, je vais le faire et tache de retenir le garde le plus longtemps que tu peux et merci »

Puis Nigel alla se glisser silencieusement dans la lingerie, caché derrière la porte cette dernière entrouverte afin de pouvoir savoir lorsqu’il pourrait passer à l’action. Il tacha rapidement également dans la lingerie de voir s’il pouvait trouver quelque chose susceptible de faire office d’une sorte de gros crochet, voir s’il pouvait trouver un cintre en bois robuste.

Une fois dans la pièce servant de lingerie, Nigel alla fouiller rapidement dans les armoires pendant que Nicolas regagnait sa chambre. Assez rapidement, le gamin dégota un cintre en bois qui lui semblait assez solide pour ne pas se rompre à la première utilisation non conventionnelle. Il remarqua également une tringle dans une penderie, ainsi que divers vêtements et une pile de draps blancs pliés qui était posée sur une étagère dans un placard.

Alors que le jeune orphelin se plaçait derrière la porte entrouverte, il entendit un juron provenant de la chambre de son nouvel ami.

"Bordel ! On a pas idée d'être aussi maladroit... Et merde ! Putain, j'arrive à rien là. Y'a quelqu'un pour m'aider ?"

Le tout prononcé assez fort pour être entendu de l'étage mais pas suffisamment pour attirer ceux qui se trouvaient au rez-de-chaussée.

Le stratagème sembla fonctionner car la porte du fond du couloir s'ouvrit sur l'homme en costume sombre que Nigel avait pu voir quelques minutes plus tôt, surveillant le prisonnier.

"C'est vous, monsieur Nicolas ?", demanda le colosse d'une voix ridiculement haut perchée chez quelqu'un de sa stature. "Il se passe quoi ?"

"Ah, tu es là, Michel.", répondit le fils Stramoski, feignant le soulagement le plus vif. "J'ai fait tomber mon téléphone derrière l'armoire et je n'arrive pas à le récupérer. Tu crois que tu peux m'aider à déplacer le meuble ?"

Hésitant un instant, l'homme se dandina dans le couloir. D'un côté sa mission était de ne pas quitter le prisonnier des yeux une seule seconde mais de l'autre, le fils du patron avait besoin d'un coup de main... Et, finalement, il n'allait pas être bien loin s'il venait l'aider. Les deux chambres se trouvaient à moins de dix mètres l'une de l'autre.

Prenant sa décision, le garde du corps franchit rapidement l'espace le séparant de Nicolas, décider à faire vite pour pouvoir reprendre son poste sans délai. Vlad Stramoski n'était pas réputé pour son indulgence envers ceux qui ne faisaient pas leur travail.

"Écartez-vous monsieur Nicolas.", demanda-t-il en allant face à l'armoire, tournant de ce fait le dos à la porte. "Je vais faire vite..."

En cas de besoin, la lingerie pourrait offrir quelques cachettes pour les deux gamins encore assez menus physiquement, que ce soit en se glissant dans une penderie ou derrière un des rideaux, mais ces abris ne pouvaient être que provisoires et permettre de déjouer une recherche superficielle. Ils ne résisteraient certainement pas à une fouille systématique, explorant chaque recoin de façon plus approfondie.

Dans la chambre de Nicolas, le garde ahanait en s'efforçant de déplacer l'armoire afin de permettre au fils de son employeur de retrouver son bien. Profitant de cette diversion, une fois la fenêtre de la lingerie ouverte, Nigel put se glisser dans la chambre où se trouvait le jeune Haley. Ce dernier était toujours à plat ventre sur son lit, la tête enfouie dans son oreiller. Par moment, quelques légers soubresauts agitaient le gamin, signe que les sanglots n'étaient pas encore complètement terminés mais restaient relativement discrets.

Étonné par la voix juvénile qui le tirait de son chagrin, Haley leva la tête et la tourna vers le nouveau venu. En découvrant qu'il s'agissait d'un garçon de son âge, il écarquilla les yeux de surprise. Les propos de son visiteur firent naître un espoir dans le cœur du prisonnier, mêlé à une part de doute. Commet quelqu'un d'aussi jeune pouvait le sortir d'ici ? Son propre père, pourtant officier de Police, était impuissant et un simple enfant prétendait pouvoir faire quelque chose.

Se frottant rapidement les yeux pour faire disparaître les larmes qui y perlaient encore, Haley renifla deux ou trois fois avant de se mettre debout.

"M'aider ?", demanda-t-il, incrédule. "Mais comment pourrais-tu… Euh, oui, oui, bien sûr, je suis avec toi…"

L'espoir grandissait et le garçon s'accrochait de toutes ses forces à cette perspective. Il avait besoin de croire que cela allait être possible, qu'il allait parvenir à quitter rapidement cet endroit horrible.

"Euh, le sens de l'équilibre ? Je sais pas trop… Ca dépend pour quoi faire…"

Sans trop comprendre où Nigel voulait en venir, il l'aida à retirer les draps de son lit. Mais, regardant par la fenêtre ouverte, il eut un recul instinctif.

"Tu… Tu ne veux pas me faire sortir par là quand même ? C'est… C'est impossible.", dit-il en s'efforçant de réprimer ses tremblements.

En équilibre sur le bord du toit, Nigel trouva un crochet auquel il fixa solidement les draps noués entre eux qu'il laissa se dérouler jusqu'au sol, présentant ainsi une voie d'évasion tout à fait crédible. Puis, encourageant le jeune Haley, il l'incita à sortir par la fenêtre pour le rejoindre.

Avec quelques réticences, le gamin se décida à enjamber le montant, se retrouvant, pas rassuré du tout, à l'air libre. Dans un reflexe de peur, il agrippa la main de son sauveteur, essayant de ne pas céder à la panique qui montait. Tremblant et respirant profondément pour se calmer, il se laissait guider par le jeune acrobate, avançant à pas prudents.

"Tu me tiens ? Hein ?", murmura-t-il d'une voix apeurée, alors qu'il avançait le long de la corniche. "Me lâche pas…"

Broyant sans s'en rendre compte les doigts de Nigel, Haley était pale comme un mort, essayant de refreiner les tremblements qui le saisissaient. Lentement, les deux gamins progressaient, parcourant la distance entre les deux fenêtres, centimètre par centimètre.

Dans un sursaut de soulagement, la main du fils de l'inspecteur put enfin se poser sur le bord de la fenêtre de la lingerie. Aidé par son camarade, l'enfant se hâta d'en franchir le montant pour se retrouver à l'intérieur de la pièce, tremblant encore d'une frayeur rétrospective. Sautant avec souplesse, Nigel le rejoignit à son tour sans faire de bruit.

Provenant de la chambre de Nicolas, un bruit de meuble que l'on traînait sur le plancher leur parvint distinctement. Le garde du corps avait réussi à déplacer l'armoire, permettant au fils Stramoski de récupérer son bien.

"Super, Michel ! Merci.", s'exclama une voix juvénile.

La voix du garçon leur parvenait distinctement, peut-être un peu plus fort que nécessaire. Leur allié de circonstance utilisait ce moyen tout simple pour leur faire savoir qu'il n'allait pas pouvoir retenir le garde plus longtemps, espérant sans doute que les fuyards aient terminé de mettre leur plan à exécution.

La fenêtre de la lingerie refermée en silence, Nigel guida le jeune Haley vers un placard penderie qu'il avait repéré précédemment. Là, une fois glissés derrière les vêtements reposant sur des cintres, les deux garçons étaient provisoirement à l'abri.

Pendant que le fils de l'inspecteur, relativement stressé, bafouillait en chuchotant le numéro de son père, des éclats de voix leur parvinrent en provenance de la chambre.

"Alerte ! Le gamin s'est enfui !", hurlait Michel en traversant le couloir en courant.

"Qui ça ?", demandait Nicolas d'une voix étonnée en suivant le mouvement.

Bien entendu, aucune explication ne fut donnée alors que le garde du corps se précipitait pour donner l'alerte et informer son patron de l'évasion. Aussitôt après, une grande agitation fut perceptible au rez-de-chaussée. Des portes claquèrent et plusieurs personnes se précipitèrent à l'extérieur. Des cris et des interjections fusaient alors que la fouille du jardin commençait.

Recroquevillés dans leur cachette, les deux gamins n'en menaient pas large mais, pour le moment, les recherches semblaient dirigées vers l'extérieur et leur offraient un certain répit. Fébrilement, Nigel composa le numéro de portable de l'inspecteur McKenry.

"Allo ? Willian McKenry à l'appareil..."

À l'autre bout du fil (oui, même si nous sommes à l'ère des téléphones portables, il faut toujours considérer qu'il existe un lien filaire...), la réponse de l'inspecteur marquait la surprise, mêlée à de l'incrédulité. Il fallait bien avouer que la voix juvénile de Nigel n'était pas de nature à être particulièrement crédible et ferait plutôt penser à une blague de mauvais goût.

"Comment ça ?", réagit McKenry plutôt vivement. "Qui est à l'appareil ?"

Il y eut un bref silence et l'homme reprit de façon plus fébrile.

"Mon fils ? Que sais-tu de mon fils ?", demanda-t-il.

"Euh, oui, OK", poursuivit-il à l'annonce de pouvoir parler à son fils.

"Haley ? C'est bien toi ? Tout va bien ?"

"Oui, oui, papa.", le rassura le gamin d'une voix enrouée, retenant à grand peine ses larmes. "Viens me chercher ! Vite, je t'en pris..."

Sur un sanglot étouffé, Nigel reprit le téléphone pour poursuivre et inciter l'inspecteur à agir vite. L'homme marqua un long silence, digérant l'information.

"Ce n'est pas aussi simple que ça...", commença-t-il. "Je n'ai pas le droit d'intervenir comme ça... Pas sans mandat..."

L'inspecteur se tut à nouveau pour réfléchir. Aucun juge n'accepterait de délivrer un mandat au milieu de la nuit, sur la base d'un coup de téléphone donnée par un gamin, et toute intervention spontanée aurait pour effet l'annulation de la procédure. Stramosky s'en sortirait encore et serait libre de se venger.
À moins que... Une idée venait de jaillir chez McKenry. Très vite, il reprit la parole.

"T'es là, petit ?", demanda-t-il. "Le seul moment où je peux intervenir est dans le cas d'un flagrant délit ou s'il y a un danger immédiat... Tu penses pouvoir déclencher un incendie dans la villa ? Je serais dans le secteur, par hasard, avec une voiture de patrouille et je me mêlerais aux pompiers."

L'opération était risquée mais elle pouvait réussir.

"Allumez le feu quelque part à l'étage, de préférence près d'une fenêtre donnant sur l'extérieur, et ensuite mettez-vous à l'abri...", commanda-t-il. "Préviens-moi dès que c'est fait. Les pompiers seront là dans les cinq minutes suivant l'alerte."

"Tu vas où ? Ne m'abandonne pas…", rétorqua Haley, inquiet.

Le gamin semblait au bord de la panique. Ayant certainement mis trop d'espoir dans l'intervention de Nigel et les derniers propos de ce dernier n'avaient vraiment pas de quoi rassurer.

"Je… Euh, oui, d'accord. Mais tu vas revenir, hein ?", demanda-t-il en s'emparant avidement du téléphone.

Sortant de la lingerie, Nigel se retrouva dans le couloir. Il n'y avait aucun bruit à l'étage et la chambre de Nicolas était vide, signe que le fils Stramosky avait dû rester avec son père, histoire certainement de se procurer un sérieux alibi concernant l'évasion du prisonnier.

Se glissant à nouveau dans le bureau du maître des lieux, le jeune acrobate commença à fouiller rapidement la pièce, cherchant dans les différents tiroirs et sur les étagères s'il trouvait de quoi allumer un feu. Côté papiers, ce ne serait pas ce qui allait manquer. Factures diverses, dossiers plus ou moins importants, enveloppes traînaient sur la table ou au fond des tiroirs.

Soudain, Nigel eut un petit sourire de triomphe et découvrant un briquet au fond d'un pot contenant différents crayons. Maintenant, où allait-il pouvoir déclencher son incendie ? L'idéal serait de le faire à un endroit facilement visible de l'extérieur et, ensuite, de ne pas traîner pour donner l'alerte. Il serait vraiment trop bête d'échapper à un kidnapping pour mourir brûlé avant l'arrivée des secours…

Nigel cacha le dossier immobilier sous sa chemise, le glissant légèrement dans son pantalon pour le maintenir et éviter de le perdre, puis il récupéra la pile de papier et ressortit du bureau, direction la chambre où il avait trouvé le jeune Haley.

Là, il froissa les feuilles près de la fenêtre afin d'en faire un tas aussi important que possible et y ajouta divers vêtements, s'arrangeant pour que le foyer embrase rapidement les rideaux. Complétant son oeuvre en empilant la chaise sur le tout, il se hâta d'allumer le papier.

Faisant un pas en arrière, il regardait les flammes se développer rapidement, se propageant et consumant les feuilles, puis s'attaquant aux vêtements. La fenêtre, ouverte, provoquait un appel d'air qui attisait ce début d'incendie. Soudain, le rideau prit feu dans une immense flamme et Nigel, ressentant la montée brutale de température sur son visage, fit un pas en arrière pour sortir de la pièce et rejoindre Haley.

Depuis la lingerie, les deux enfants entendaient le bois qui crépitait, signe que l'incendie se propageait allègrement. Il fallait maintenant espérer que quelqu'un donne rapidement l'alerte pour que les pompiers puissent arriver rapidement. Nigel voyait le visage d'Haley commencer à se décomposer au fur et à mesure que la peur gagnait le gamin. Le feu était proche, bien trop proche pour cet enfant déjà éprouvé par son enlèvement. Le retard des secours ne semblait pas arranger les choses.

"Ils font quoi ?", interrogea-t-il d'une voix inquiète. "Je veux pas mourir..."

Tournant la tête vivement, affolé comme un oiseau pris en cage, Haley respirait de plus en plus vite. Son front se couvrait de sueur. Soudain, il fit quelques pas vers la porte comme pour s'enfuir.

"Vite ! Vite !", implora-t-il, cédant à la panique. "Il faut qu'on sorte d'ici... On va brûler sinon..."

Voulant contenir la vague de panique d'Haley, Nigel le gifla brusquement, espérant lui faire retrouver, du moins partiellement ses esprits.

"Aie ! Je... Euh, pardon...", bafouilla le gamin en se frottant la joue. "Euh, oui, oui, OK..."

Respirant un grand coup, le garçon tendit son téléphone à Nigel avant d'aller essayer de calfeutrer la porte d'accès à la lingerie, voulant les isoler du mieux possible de l'incendie qui se développait à côté. Saisissant plusieurs chiffons, il les glissa dans les interstices de la porte, veillant à ne laisser aucun jour par lequel la fumée pourrait se glisser.

Pendant ce temps, Nigel recontacta l'inspecteur McKenry pour lui exposer la situation et l'informer qu'il venait d'accomplir la première partie du plan.

"Parfait.", lui répondit l'homme d'une voix satisfaite. "Il y a longtemps que le feu s'est propagé ? Les pompiers arrivent ? As-tu donné l'alerte ou sais-tu si quelqu'un l'a fait ?"

À l'annonce de l'arrivée prochaine de son père, Haley sembla retrouver un surcroît de courage et esquissa un petit sourire confiant.

"Oui, tu verras.", affirma le gamin avec force et conviction. "Papa va tout arranger..."

Au bout du fil, Nigel était tombé sur le centre d'appel des pompiers et devisait avec un opérateur.

"Allo ? Quelle est votre adresse ?", interrogeait la voix lointaine, déroulant méthodiquement le protocole visant à perdre le moins de temps possible. "Oui, oui, chez monsieur Stramoski... Mais j'ai besoin d'avoir l'adresse exacte."

Il y eut un bref silence, l'interlocuteur attendant une réponse que le gamin était incapable de lui donner. Puis la voix reprit, calme et apaisante.

"Tu sais bien où tu habites, mon petit ? Dis-moi ton adresse et nous trouverons..."

L'homme se tut, semblant écouter quelque chose, puis reprit.

"Oui, c'est bon. Un de mes collègues m'informe que l'alerte a déjà été donnée et que des secours sont en route. Éloigne-toi de l'incendie et ne gêne pas l'intervention..."

Effectivement, dans un grand fracas de sirènes hurlantes, plusieurs véhicules remontaient la rue conduisant à la propriété du mafieux. Très vite, le portail d'entrée fut ouvert et les secours s'organisaient, déroulant les lances d'incendie. Quelques minutes après l'arrivée des camions, des trombes d'eau s'abattirent sur la fenêtre en flammes, visant à circonscrire au plus vite les foyers.