2014/12/04-IR – Cambridge, Grande-Bretagne – [Recrutement de Swann Milénium, initialement Nym James] – Livraison au clair de lune

À plat ventre sur la chaussée, indifférent au sol mouillé qui trempait ses vêtements, l'adolescent avait passé les bras par l'étroit soupirail pour ensuite hisser la fillette jusqu'à lui. Il saisit les poignets de Nym, plutôt que ses mains, pour assurer une meilleure prise et commença à la tirer vers l'extérieur.

Assez facilement, il parvint à soulever la petite fille et ne put s'empêcher d'ironiser.

"T'es plus légère qu'une plume. Faudrait pas t'envoyer dehors car le moindre coup de vent pourrait t'emporter...", commenta-t-il tout en se redressant.

À peine essoufflé par ce nouvel effort (moins violent apparemment que celui qu'il avait dû déployer pour desceller le barreau), Max attirait Nym à lui. Les bras, puis la tête et les épaules de la fillette passèrent par l'ouverture. Celle-ci essayait d'aider du mieux possible son sauveur en poussant avec les pieds le long du mur en pierre.

Enfin, la gamine se retrouva à l'air libre, allongée sur la chaussée humide alors que le garçon tombait sur les fesses en poussant un soupir de soulagement. Entendant le bruit d'une cavalcade, il se remit rapidement debout pour faire face à la menace. Reconnaissant les nouveaux arrivants, il poussa un soupir de soulagement. Suivant de près Jamaal, ce n'était rien de moins qu'Emerick qui apparut dans son champ de vision. Le chef de la bande était accompagné de Faisal, son lieutenant qui restait légèrement en retrait.

Emerick	Faisal

L'attitude d'Emerick trahissait toute l'inquiétude que le jeune homme avait due ressentir lorsque Jamaal était venu l'alerter. Il n'avait pas hésité à se précipiter à son secours, mettant de côté ce qu'il était en train de faire. Loin de la repousser, il serra brièvement sa petite soeur dans ses bras avant de froncer les sourcils.

"Tu foutais quoi dans ce quartier ?", la sermonna-t-il. "Tu sais bien que tu n'as rien à faire dans ce secteur... Bon, on se tire d'ici rapidement. On en reparlera..."

D'un signe de la main, le chef de bande donna le signal du départ et, empoignant Nym par le poignet, il l'entraîna derrière lui. Comme dans un ballet bien ordonné, les autres membres du gang adoptèrent instinctivement la formation de marche. Faisal alla se placer en tête de colonne pour reconnaître l'itinéraire et s'assurer que la voie était libre, tandis que les deux autres garçons restaient un peu en retrait, surveillant les arrières et restant en mesure d'intervenir si les premiers éléments connaissaient des difficultés quelconques.

À cette heure de la nuit et en raison de la pluie battante, ces précautions étaient certainement inutiles, car rares devaient être les badauds se risquant dehors par un temps pareil, mais les habitudes ne s'oublient pas si facilement que ça et Emerick aurait certainement reprit ses "hommes" si ceux-ci avaient fait preuve du moindre laisser-aller.

Après une bonne demi-heure de marche à un rythme soutenu, entrecoupée de petites courses, le groupe parvint jusqu'au refuge de la bande, un entrepôt désaffecté qui se cachait au fond d'un terrain vague. Des planches étaient supposées en fermer les issues mais elles avaient été déplacées depuis longtemps et il suffisait de les faire glisser sur le côté pour dégager le passage.

Le gang avait élu domicile dans ce bâtiment voilà deux ans déjà lorsque le repaire précédent commençait à trop attirer l'attention. Nym avait toujours connu ce cadre, la salle commune qui faisait office de dortoir où les matelas des enfants étaient posés à même le sol, une autre pièce, un peu plus grande où étaient pris les repas, le coin cuisine où s'affairaient en permanence ceux qui était assignés à cette tâche et les "chambres" des chefs, celle d'Emerick bien sûr, mais également celle de Faisal et de Lyzie, une brunette d'une vingtaine d'année, faisant office de second lieutenant. Une société en miniature était ainsi reconstituée et chacun y avait une place et un rôle à tenir : coursiers, mendiants, voleurs, "gros bras" comme cuisiniers.

L'arrivée du petit groupe passa complètement inaperçue. Tout au plus, le passage des jeunes gens entre les matelas provoquèrent de vagues grognements de la part de ceux qui étaient ainsi dérangés dans leur sommeil. Seules les lueurs blafardes de la lune éclairaient vaguement la scène et permettaient de zigzaguer entre les dormeurs en évitant de leur marcher dessus.

Voyant que Nym frissonnait dans ses vêtements trempés, Emerick la guida vers sa couchette.

"Va te coucher, on en reparle demain...", commanda-t-il avant de s'éloigner.

Les quatre garçons se dirigèrent vers la chambre du chef et en fermèrent la porte. Aussitôt, un imperceptible rayon lumineux filtra sous le battant, indiquant qu'une lampe tempête venait d'être allumer. le point de situation serait fait avec Nym le lendemain matin mais le chef de la bande voulait avoir immédiatement le point de vue de ses "hommes".

Assise sur son matelas, Nym restait prostrée, les genoux remontés sur sa poitrine et enserrés de ses deux bras. Coincé dans cet étau, l'ours en peluche à la fourrure élimée par l'usure du temps apportait un peu de réconfort par sa seule présence, dernier vestige d'une époque révolue.

Combien de temps était-elle restée dans cette position inconfortable ? La fillette était incapable de le dire. Autour d'elle, la vie commençait à reprendre son cours. Ses "camarades" se réveillaient les uns après les autres et se levaient. Un brouhaha se fit bientôt entendre au fur et à mesure du lever des pensionnaires. Les autres enfants prenaient leurs affaires et s'habillaient machinalement, indifférents les uns par rapport aux autres. Aucun ne prenait la peine de venir voir Nym pour s'inquiéter de son mutisme inhabituel.

Peu à peu, le silence s'installa dans ce hangar sans que la petite fille n'en ait réellement pris conscience. Chacun était allé vaquer à ses occupations selon un planning bien rodé. Certains allaient arpenter les boulevards pour essayer de mendier pendant que d'autres étaient plutôt chargés de dépouiller les passants d'un portefeuille dépassant un peu trop d'un sac ou d'un collier exposé de façon un peut trop ostentatoire. Nym, généralement, était envoyée sur des missions particulières, délivrées par le "big chief" en personne qui, par ce moyen entendait bien préserver le plus possible sa petite sœur.

Mais ce matin, Emerick semblait être aux abonnés absents. La porte de sa chambre était entrouverte mais aucun bruit de provenait de la pièce comme si celle-ci était déserte. Plongée dans ses pensées, Nym s'était déconnectée du monde extérieur aussi sursauta-t-elle légèrement lorsqu'une main se posa sur son épaule.

"Tu fais quoi encore en chemise de nuit ?", lui demanda la voix inquiète de Max. "Tu es malade ?"

Une batte de baseball en main, le garçon semblait être préposé à la garde du repaire. À une dizaine de mètres de là, Jamaal, son comparse habituel, était négligemment assis sur une caisse. Seuls, un certain immobilisme et la fixité de son regard trahissaient sa concentration. Placé en retrait de la fenêtre, il surveillait l'extérieur, veillant à ce que personne ne s'approche de leur hangar.

Rougissant, Max laissa Nym poser un léger baiser sur la joue de son "sauveur".

"Euh... C'ét... C'était rien.", bafouilla-t-il avant de détourner bien vite le regard du corps nu de la fillette. Certes, il la connaissait depuis une année déjà mais le garçon restait encore emprunté devant ce genre d'exhibition qui troublait ses sens de jeune adolescent.

"Emerick est parti très tôt ce matin, avant même que les autres se lèvent.", répondit-il, les yeux fixant toujours avec obstination le plafond. "Y'avait une réunion pour attribuer les secteurs. Il y a été avec Faisal."

Régulièrement, ce genre de rencontre avait lieu, donnant l'occasion aux petits caïds locaux de redéfinir leur zone d'influence, chacun cherchant à accroître la sienne au détriment de ses voisins. La plupart du temps, un accord pacifique était trouvé mais il arrivait que, parfois, une guerre des gangs s'ensuive, redéfinissant à l'issue de nouvelles frontières et diminuant sensiblement, mais pour une courte période seulement, le nombre de délinquants dans la ville.

Toujours aussi gêné, Max esquissa un léger mouvement de la tête pour regarder de nouveau la fillette, prêt à détourner rapidement le regard si elle se trouvait encore dans le plus simple appareil.

Lentement, Max avait tourné la tête vers celle qui l'interpelait de la sorte, avec réticence dans un premier temps, puis, constatant que la situation s'était normalisée, plus franchement pour regarder Nym, droit dans les yeux.

"Non, désolé, je n'ai aucune instruction particulière pour toi.", répondit-il en secouant a tête. "Mis à part qu'il faut que je joue à la nounou et change tes couches si besoin…"

Un sourire goguenard accompagna ces dernières paroles alors qu'il s'éloignait pour rejoindre Jamaal. Quelques minutes après, les deux garçons se redressèrent pour se diriger vers la porte.

"Bouge pas d'ici, on revient.", lança le noir à la jeune fille avant de sortir faire une ronde en compagnie de son alter-ego.

Fidèles aux consignes, les gardiens du campement allaient effectuer un petit tour à l'extérieur du bâtiment dans une vérification routinière visant autant à montrer qu'il y avait une présence qu'à réellement inspecter les alentours.

Profitant de sa chance, la fillette se leva rapidement de sa couche pour se faufiler dans le repaire de son frère. Au fond de la pièce, un vrai lit, au couchage impeccablement en ordre (quel drôle de maniaque était Emerick pour prendre le temps de faire correctement son lit chaque matin ?) côtoyait une table couverte de papier et de notes diverses. Un des deux tiroirs du meuble était fermé à clé, mais l'autre, entrouvert, laissait voir un révolver posé sur différents cahiers et carnets.

Feuilletant un des calepins, Nym put y relever divers indications concernant des livraisons effectuées, mentionnant la date, l'adresse et la quantité de drogue livrée. Un classeur contenait la liste des membres du gang et comportait différentes annotations. Amusée, la blondinette put voir que son frère considérait Jamaal comme un bon exécutant, loyal mais à n'employait que pour tâches simples alors que Max y était décrit comme efficace mais parfois trop indépendant. Faisal y apparaissait comme quelqu'un d'ambitieux mais de loyal et Nym, elle-même, y figurait comme débrouillarde mais fragile et à protéger.

Au sommet des papiers répandus en désordre sur le bureau (la fillette avait connu son frère plus soigneux que ça) se trouvait une note indiquant seulement "Gare centrale, 10h30" en absence totale d'une quelconque date. Regardant machinalement sa montre, Nym constata qu'il était déjà 10h00. La gare n'était pas si loin que ça mais elle mettrait certaine plus d'une demi-heure à s'y rendre, à supposer déjà que Max et Jamaal la laissent partir et, ensuite, que ce papier ait bien un rapport avec la fameuse réunion.

Discrètement, Nym était parvenu à sortir du bâtiment qui servait de refuge à la bande de son frère. Une fois dans la rue, elle marqua un temps d'arrêt, écoutant attentivement et cherchant à savoir si son départ avait été remarqué par Max ou Jamaal. Non, tout semblait allait pour le mieux, aucune exclamation ne vint ponctuer sa fuite et les deux garçons devaient être convaincus que la fillette se tenaient à l'intérieur, attendant qu'on l'autorise à faire autre chose.

La météo s'était quelque peu améliorée depuis la veille. Certes, ce n'était pas le grand beau temps, le ciel offrait même un plafond assez bas de nuages gris mais au moins, il ne pleuvait plus. Le fond de l'air était encore frais mais il en fallait bien plus pour décourager la petite fille qui était décidée à se mêler des affaires de son frère.

Marchant d'un bon pas jusqu'à l'arrêt de bus, Nym réfléchissait à la façon dont elle allait mener son approche. Allait-elle rester cachée pour essayer d'espionner discrètement les conversations ? Ou, au contraire, allait-elle se montrer et ainsi imposer sa présence à la réunion, au risque de déplaire à Emerick ? Elle aviserait certainement le moment venu...

La gare centrale n'était pas très éloignée de ce quartier de banlieue où la bande était installée mais cela représentait quand même une longue marche, aussi la fillette fut-elle tout heureuse de voir arriver un bus qui lui permettrait d'arriver à son objectif dans un délais raisonnable. La réunion serait certainement déjà commencée mais elle n'en serait qu'à son tout début.

Il était seulement 10h45 lorsque Nym parvint à proximité de l'indroit indiqué sur le papier trouvé dans le bureau de son frère. Entrant dans la gare, la fillette mesura soudain toute la difficulté de la tâche qui surgissait devant elle. À quel endroit exact se trouvait ce mystérieux rendez-vous ? Une foule pressée et bigarrée se pressait en ces lieux et elle ne voyait aucun visage familier.

Soudain, la petite fille se glissa derrière une colonne en voyant arriver deux bobbies, reconnaissables à leur uniforme au casque caractéristique. Ceux-ci effectuaient une patrouille tranquille, regardant attentivement ce qu'il se passait autour d'eux. Ils n'étaient pas particulièrement à la recherche de Nym mais leur intérêt risquait d'être éveillé à la vue d'une fillette de cet âge, traînant seule dans ce lieu public.

Les deux policemen poursuivirent leur patrouille sans remarquer Nym qui jouait à cache-cache, s'évertuant à laisser le poteau entre elle et les représentants des forces de l'ordre. Pour le moment, perdue dans la foule, la fillette n'attirait pas l'attention et pouvait donc essayer de trouver le lieu du fameux rendez-vous.

Le sous-sol de la gare était un gruyère et les galeries formaient un véritable labyrinthe propice aux activités illicites ou occultes. Les représentants de la loi se risquaient rarement dans ces conduits parfois étroits qui pouvaient devenir de véritables coupe-gorges. En fait, cet endroit se prêtait parfaitement au style de réunion rassemblant les chefs des différentes bandes qui se partageaient la ville.

Se mêlant à une famille nombreuse, Nym se rapprocha des toilettes, espérant ainsi atteindre la trappe lui donnant accès aux souterrains. Du coin de l'oeil, elle aperçut une de ses connaissances, assise à même le sol, une bouteille d'eau à ses pieds. Voir Alanah à cet endroit venait la conforter sur le fait qu'elle était sur la bonne piste.

Pour ne pas être remarquée, la fillette se rapprocha davantage de ses nouveaux "parents", espérant ainsi se fondre dans la fratrie bruyante. Avant d'entrer dans les toilettes, elle opéra un dernier tour d'horizon afin de vérifier si rien n'allait venir perturber ses plans.

Alanah ne l'avait pas remarquée, ce qui était plutôt une bonne chose. Par contre, l'attention de Nym fut attirée par divers passants qui semblaient trop immobiles pour être vraiment là par hasard. Était-ce le fruit de son imagination où le couple d'une trentaine d'années qui discutaient assis sur un banc, à environ vingt mètres, jetait de fréquents regards vers l'entrée des toilettes. La femme promenant son chien venait-elle réellement prendre un train ou avait-elle un autre but moins avouable ? Et que dire de ce colleur d'affiche qui semblait prendre tout son temps pour encoller le panneau de bois ?

[HRP]Attention à ne pas avancer trop vite "toute seule" dans l'élaboration du scénario. Tu mets en place, de ton propre chef, des éléments de l'intrigue (souterrains sous la gare, accès via les toilettes par exemple) qui pourraient donner l'impression d'essayer de forcer la main au MJ. Pour le moment, ça va dans le sens de l'aventure que j'imagine (j'ai choisi de ne pas relever les divergences éventuelles) mais attention à ne pas aller trop loin.
Tu dois réagir aux éléments mis en place et non pas en créer de nouveaux.[/HRP]

En arpentant les tunnels, Nym plongeait au fond de sa mémoire pour se souvenir de la disposition des lieux. Sa connaissance du réseau souterrain était quand même relativement sommaire et, si, par malheur, elle s'éloignait des circuits connus, elle courrait le risque de se perdre dans ce véritable labyrinthe.

Pour le moment, elle se trouvait sur une portion qu'elle avait déjà parcourue quelques mois plus tôt aussi n'hésitait-elle pas en franchissant les différents carrefours, se laissant guider par le bruit d'une conversation un peu plus loin. Les paroles restaient encore incompréhensibles mais en se rapprochant un peu, cela devrait s'arranger. Elle pouvait également discerner une lueur diffuse, preuve d'une présence à cet endroit.

Avançant à tâtons, elle s'efforçait de ne faire aucun bruit tout en progressant rapidement. Soudain, elle étouffa un cri de surprise en sentant un obstacle devant elle. Dans ses souvenirs pourtant, cette galerie était bien dégagée et aurait dû lui permettre d'avancer sans heurt.
Avant même qu'elle n'ait le temps de réagir, le faisceau d'une lampe torche l'aveugla, lui interdisant de voir ce qui se trouvait devant elle. Dans le même temps, diverses exclamations se firent entendre trahissant une grande confusion.

"Merde… Une gamine…"

"Bordel, éteignez-moi cette lampe !"

"Il se passe quoi ?"

"Dispersez-vous ! On est trahi…"

Au milieu de toutes ces voix, dont certaines très proches d'elle, Nym reconnut celle de son frère, mais plus lointaine, provenant de l'endroit où devaient se tenir les conversations précédentes.

"Tu es qui ? Tu fous quoi ici ?"

La fillette se sentit soudain empoignée par une main ferme et tirée sur le côté. La vision encore obscurcie par des milliers d'étoiles, elle distingua vaguement, au travers d'un halo lumineux, un galon doré à l'extrémité de la manche de la veste qui était d'un bleu profond. Plusieurs coups de sifflets stridents se firent entendre, suivis de quelques coups de feu, ajoutant encore à la confusion.

[HRPG] Désolée de l'immense retard que j'ai eu et pis ba d'avancer trop vite sous le coup de l'inspiration. Je vais faire attention promis ![/HRPG]

Un grognement de douleur se fit entendre alors que la fillette frappait de toutes ses forces l'homme qui venait de l'empoigner dans l'espoir de lui faire lâcher prise. Malheureusement, si le coup avait bien porté à l'endroit visé, il n'eut pas le résultat escompté.

"Mais tu vas te calmer, dis-moi", insista son "agresseur" en raffermissant sa prise. "Tu es une véritable tigresse. Aie…"

L'homme poussa un cri strident alors, qu'en désespoir de cause, Nym venait de lui mordre la main, l'amenant à desserrer son étreinte. Profitant de l'occasion, elle dégagea vivement son bras, doublant l'attaque par un coup de pied dans les tibias. Sautillant sur place, l'inconnu laissa alors tomber la lampe qui aveuglait la gamine. Lors de sa chute, le faisceau projeta un rayon de lumière qui balaya aléatoirement les environs. Ceci éclaira partiellement la scène et dévoila brièvement les uniformes des policiers britanniques, qui se trouvaient devant elle dans le tunnel, avant de s'éteindre en touchant le sol.

Simultanément, de nouveaux cris parvinrent de l'endroit où devait se tenir la fameuse réunion. Clairement reconnaissable, la voix d'Emeric couvrit un instant les autres.

"Chacun pour soi ! On se retrouve aux endroits habituels !"

Faisant écho à ces cris, plusieurs coups de feu claquèrent et des balles ricochèrent sur les parois de pierre. Profitant de la confusion, Nym fit un bond en arrière, cherchant à s'éloigner le plus vite possible de l'emplacement du combat. Elle savait que ces tunnels possédaient de nombreuses entrées mais, malheureusement, elle ne connaissait que celle par laquelle elle était venue, son frère n'ayant pas jugé utile de lui faire découvrir ensemble toutes les issues de ce labyrinthe.

Débouchant dans les toilettes de la gare, heureusement déserte, la fillette se hâta vers la porte de sortie et passa la tête pour observer ce qu'il se passait dans le hall. Alanah n'avait pas bougé de sa position mais la femme au chien et le colleur d'affiches étaient en grande discussion et lançaient de furtifs clins d'œil dans sa direction, sans sembler l'avoir encore remarquée.

Pour Nym maintenant, il convenait de ne pas perdre trop de temps à tergiverser dans les toilettes. La fillette était persuadée que ses poursuivants, des policiers à coup sûr, étaient sur ses talons. Certes, elle venait de leur échapper et possédait une légère avance mais il s'agissait de ne pas la perdre en hésitant sur les choses à faire.

Il lui fallait rejoindre le plus rapidement possible le refuge pour y retrouver son frère, encore fallait-il que ce dernier ait pu échapper à la souricière mise en place dans les galeries souterraines. De toute façon, elle n'allait pas faire demi-tour pour se jeter à nouveau dans la gueule du loup, donc, autant rentrer au repaire de la bande…

S'élançant dehors en riant, comme si elle était une gamine ordinaire, s'amusant comme une folle et s'élançant pour rejoindre ses parents, Nym jaillit des toilettes publiques tel un boulet de canon. Elle eut à peine le temps de remarquer l'air surpris d'Alanah qui se leva brusquement en la suivant du regard que déjà elle était arrivée au milieu du hall de la gare en direction de la sortie la plus proche.

Comme la fillette s'y attendait, son manège ne passa pas inaperçu et les deux "innocents" badauds tournèrent la tête vers elle. La femme tendit aussitôt le bras en la désignant tandis que l'homme s'élançait à sa poursuite. Des coups de sifflet stridents retentirent et plusieurs personnes surgirent de leur cachette.

Alors qu'elle courait vers la sortie, Nym aperçut soudain deux silhouettes connues. Max et Djamaal, ses "anges gardiens" étaient là. Par quel miracle se trouvaient-ils là, à ce moment précis ? Peu importait ! Il serait bien temps de se poser ce genre de question, une fois en lieu sûr.

"Nym ! Par ici !", cria le jeune noir en se portant à sa rencontre pour couvrir sa fuite.

"Vite, suis-moi…", la commanda alors le garçon aux dreadlocks, en l'attendant pour la guider vers l'extérieur, espérant, sans doute, se perdre ensuite dans les ruelles alentour.

"On se casse !", décida brusquement Max. "T'en fais pas pour ton frère, il s'en sortira tout seul... Suis-moi..."

Prenant la main de Nym, le garçon s'apprêta à l'entraîner rapidement vers l'extérieur. Derrière eux, Djamaal semblait prêt à couvrir leur fuite. Apercevant plusieurs personnes converger vers eux, le jeune noir plongea la main sous son t-shirt pour la ressortir, tenant un pistolet automatique avec lequel il mit en joue les poursuivant. Voyant ça, Max poussa un cri, lui enjoignant de ranger son arme.

"Djamaal, non ! C'est de la folie..."

"Filez, je les retiens.", décida son complice en tirant deux coups de feu. "On se retrouve au hangar..."

Sous les tirs, les policiers s'étaient mis à couvert, permettant aux fugitifs de gagner de précieuses secondes. Sans perdre plus de temps, Max guida Nym, disparaissant dans les ruelles entourant la gare. Le bruit de plusieurs détonations, derrière eux, montrait que les forces de l'ordre commençaient à riposter.

Courant encore quelques minutes, la fillette était à bout de souffle et son garde du corps dut ralentir la cadence pour lui permettre de respirer normalement.

"Allez, c'est trop dangereux de rester là. On est trop près de la gare encore..."

Comme pour lui donner raison, les deux enfants furent brusquement encerclés par une dizaine de policiers armés. Réalisant qu'il serait vain de résister, Max s'arrêta net et, après une grimace, leva lentement les mains en signe de reddition.

Le garçon fit un rapide clin d'oeil à la fillette pour essayer de la rassurer.

"T'en fais pas, tout se passera bien.", lui promit-il à mi-voix. "Je ne te laisserai pas tomber, tu peux en être sûre..."

Les deux enfants furent empoignés sans ménagement et Max fut menotté, les mains derrière le dos. Puis, ils furent conduits dans deux véhicules différents. Prise en charge par deux femmes à la mine revêche qui ne prononcèrent pas une parole, Nym dut montrer dans la voiture. Derrière sa vitre, la gamine vit l'estafette dans laquelle avait été embarqué son camarade s'éloigner et disparaître à un carrefour.

Puis, ce fut son tour. Sa voiture démarra et prit une autre direction. Après quelques minutes, elle s'arrêta devant un bâtiment austère à la façade sinistre.

"Tu vas passer la soirée ici.", lui expliqua une des femmes policiers d'une voix glaciale. "Quelqu'un viendra s'occuper de toi demain."

Guidée jusqu'à une chambre à l'ameublement minimal, Nym se retrouva seule, livrée à ses pensées. Elle entendit nettement le bruit de la clé tournant dans la serrure avant que les pas extérieur ne s'éloignent. Levant la tête, la petite fille fit le tour de la pièce. Dans un angle, se trouvait un lit en fer sur le matelas duquel, deux couvertures pliées avaient été laissées. Dans le coin opposé, un simple lavabo se tenait, une serviette en toile rêche posée en travers. La fenêtre, dont les barreaux étaient trop resserrés pour laisser passer une personne, même de la corpulence de Nym, donnait sur une cour intérieure, déserte à cet instant.

Aucun bruit n'était perceptible, à croire que la gamine était abandonnée, seule en ces lieux...