2014/11/12-IR – Whitechapel Orphenage, Londres, Grande-Bretagne – [Recrutement de José Boogie initialement Phileas Smith] – Une envie d'air frais

[HRP]Voyons… Que peut bien être un petit carré de plastique avec un contenu mystérieux pour un gamin de cet âge ? Ne me dis pas que José est habitué à manipuler des préservatifs ? [/HRP]

Apparemment inquiet des possibles conséquences de ses menus larcins, bien innocents pourtant, Phileas s'employait à faire disparaître toute preuve. Après avoir détruit les cartes Magic, il ressortit de sa chambre en s'assurant que son cadenas était bien fermé et protégeait donc ses maigres trésors.

Esquivant le passage quasi-obligatoire par la salle de bain, le gamin avait décidé d'aller enquêter auprès d'Alex, seul suspect valable à ses yeux. Discrètement, jouant au chat et à la souris avec le surveillant, Phileas réussi à sortir de son dortoir sans se faire remarquer. Une fois dans le couloir, il prit quelques secondes pour entrouvrir une fenêtre donnant sur la rue. Rapidement, il lança le sifflet de toutes ses forces, espérant le voir retomber le plus loin possible de l'établissement. Ainsi, même s'il était trouvé par quelqu'un, il serait impossible d'établir le moindre lien avec l'orphelinat.

Ayant assuré ses arrières en se séparant très vite de la plupart des traces de son passage dans le bureau de Raoul Ruiz, Phileas se sentait un peu plus rassuré. Il ne restait plus qu'à retrouver le lance-pierre pour qu'il n'y ait plus aucune preuve de son intrusion.

Prenant son courage à deux mains, le jeune garçon atteignit la partie de l'orphelinat réservée aux pensionnaires plus âgés. S'il s'y faisait surprendre, il aurait du mal à y justifier sa présence, surtout à un moment où il était supposé être en train de se brosser les dents avant de se mettre au lit.

Atteignant la porte qui donnait accès à ce dortoir, il approcha l'oreille contre le panneau de bois, à l’affût du moindre signe de présence. Tout semblait calme et aucun bruit n'était perceptible. Seul, en arrière fond, parvenait le son étouffé d'une voix monocorde, provenant très certainement d'un poste de télévision.

Dans la chambre, Alex était seul, vautré sur son lit, en train de regarder un film sur son ordinateur portable posé sur le bureau en face de lui. À l'irruption du gamin, il se redressa surpris, l'air légèrement irrité par cette intrusion. Les pensionnaires du dortoir des "petits" n'étaient pas supposés se balader ainsi dans les couloirs, passée une certaine heure, et ne devaient certainement pas venir déranger leurs ainés de la sorte.

Fonçant les sourcils, le garçon blond se leva et alla mettre son film sur pause avant de faire face à celui qui venait d'entrer sans sa chambre. Goguenard, Alex fixait Phileas dans les yeux, sans répondre, s'amusant intérieurement du manque de confiance du gamin. Encore quelques secondes et le courage dont ce dernier avait fait preuve en pénétrant dans l'antre du loup allait se mettre à fondre. Rapidement, la belle assurance affichée ne serait plus qu'un souvenir.

Assis sur son lit, une lueur amusée dans le regard, Alex n'ouvrait pas la bouche, se contentant de garder les yeux rivés sur Phileas et attendant que le garçon poursuive son intervention. Pourvu que, sous le coup de l'émotion, il ne se mette pas à bafouiller lamentablement. Il allait vraiment falloir qu'Hercules Poirot s'associe à Sherlock Holmes pour insuffler au gamin le courage de poursuivre.

Narquois, Alex se tenait immobile devant Phileas, un demi-sourire ironique sur les lèvres. Le malaise du gamin semblait beaucoup amuser son aîné qui n'esquissait aucun geste pour atténuer cela.

"Un lutin ?", demanda Alex, moqueur. "À ma connaissance, il n'y a aucun lutin dans cet orphelinat. Tout au plus quelques gremlins apeurés…"

Se redressant, le grand prit son temps pour s'étirer, faisant craquer quelques articulations. Son sourire ironique ne le quittait pas alors qu'il fixait toujours son vis-à-vis.

"De plus, je n'ai pas le souvenir d'avoir vu une armoire fermée à clé dans ta chambre. Du moins pas la tienne, quand j'y étais…"

Brusquement, un horrible doute s'imposa à l'esprit de Phileas. Avait-il vraiment verrouillé son cadenas avant d'aller rejoindre la salle d'étude ? Ou, trop énervé par la présence intrusive d'Alex dans son cercle privé, avait-il oublié d'accomplir cet acte élémentaire de prudence, surtout lorsqu'on vivait en collectivité au milieu d'enfants dépourvus de tout bien ?

L'attitude narquoise du grand laissait supposer une imprudence bien inhabituelle pourtant. Mais il suffisait d'une fois…

Alex arborait toujours son éternel sourire narquois, celui du bon gros matou qui continue de jouer avec la petite souris devant lui juste avant de la dévorer. Et, pour le moment, le chat avait bien l'intention de s'amuser encore un peu avant de chasser l'importun de sa chambre.

"Rien n'a été volé pourtant.", fit-il observer ironiquement. "Tout au plus, certains objets inadaptés pour des enfants ont été mis à l'écart."

Passant souplement de l'autre côté de son lit, Alex fouilla dans le tiroir de sa table de nuit pour en sortir le lance-pierre.

"Peux-tu m'expliquer ce que tu faisais avec ça ?", demanda-t-il un peu plus sèchement. "Le règlement de l'orphelinat est très strict pourtant sur la possession d'une telle arme..."

Puis, sortant de sa poche le préservatif encore emballé, il poursuivit, d'un ton plus moqueur.

"Et qu'est-ce qu'un garçon de ton âge fabrique avec ça ? Ne me dit pas que tu as des visées sur la petite Janet ? Ou alors sur la dirlo ?"

Ah, Janet... Une mignonne petite brunette de l'âge de Phileas, qui faisait tourner les coeurs d’artichaut de tous ces jeunes garçons, ce qui provoquaient des plaisanteries fréquentes des aînés.

Phileas commençait à s'habituer au sourire narquois d'Alex, presque, il fallait reconnaître qu'une certaine pression émanait du "grand". Mais c'était normal, et Phileas savait pertinemment qu'il ne pourrait pas jouer au plus fin ainsi. Malgré ce petit départ d'accoutumance, le petit garçon ne s'attendait pas un instant à ce qui allait lui tomber dessus. Alex fit une remarque ironique qui fit très clairement référence au fait que c'était Alex qui avait fait une intrusion dans le casier du gamin et qui en avait retiré certains objets problématiques. Le plus problématique étant que le grand les ait en sa possession.

Le suspense ne dura pas, le jeune homme sortit d'une "planque" le lance-pierre en demandant des explications sur sa présence dans le casier de l'enfant malgré les contre-indications de l'orphelinat sur le sujet. Phileas ne baissa pas les yeux. Pour achever le petit garçon, Alex enchaîna sur le préservatif avec le même genre d'interrogations en impliquant la directrice et une enfant quelconque de la maison. Pour tout avouer, Phileas se moquait pertinemment de ces deux objets, mais le lance-pierre pouvait être utile, et, quoi qu'il en soit, il lui fallait désormais se tirer de ce pétrin avec astuce. Sauf qu'il n'y en avait pas, il aurait pu prétendre que ces objets appartenaient à un autre garçon, mais la situation deviendrait trop complexe lorsque la confrontation se ferait et que les adultes seraient mis au courant. Il vérifia que la porte de la chambre était bien fermée et s'en éloigna un peu.

"Janet ? Qui est-ce ? Et j'ai trop de respect pour la directrice pour ça, elle pourrait être ma grand-même..." Les deux assertions étaient parfaitement vraies, tel un hardcore otaku se moquant des personnages féminins non virtuels, Phileas ne faisait pas vraiment attention aux gens en dehors des livres et de ses désirs d'enquêtes. "Non, j'ai juste lu un livre qui mentionnait l'objet et je me demandais à quoi ça ressemblait, et comme je n'ai pas de papa à qui en piquer ou demander, il a bien fallut que je me débrouille..."

Avec un peu de chance le préservatif n'avait pas passé la date de péremption ou le grand n'y avait pas prêté attention. Le Lance-pierre maintenant... Phileas expira profondément et prit de la contenance et un visage sérieux.

"Pour le lance-pierre... écoute... j'en ai besoin, pas maintenant, il y a autre chose que je dois réussir à faire d'abord, et j'y étais presque plus tôt aujourd'hui... mais j'en ai besoin, c'est tout."

Pouvait-il décemment avouer au grand qu'il comptait s'enfuir ? Il n'était pas sûr et s'en garda pour l'instant.

Le regard d'Alex allait de Phileas au petit carré de plastique qu'il faisait tourner entre ses doigts. Goguenard, il fixa le gamin dans les yeux et demanda.

"Tu sais à quoi ça sert au moins ? Et comment ça s'utilise ?", rit-il. "Tu mériterais que je te demande de me montrer comment tu comptais le mettre."

L'aîné marqua une petite pause le temps de laisser le vent de panique souffler dans la chambre et reprit en empochant le préservatif.

"Tu as de la chance que je sois dans un bon jour. Je me contenterai de te le confisquer..."

Reportant son attention sur le lance-pierre, il l'examina un instant.

"Quant à cet engin de destruction, je te le rendrais peut-être... Mais il faut d'abord m'en dire davantage sur tes intentions. Que veux-tu en faire ?"

Après avoir relâché temporairement la petite souris, l'affreux matou s'était empressé de reposer sa grosse patte sur la queue de l'animal, l'empêchant de se sauver.

"Et quel est cette autre chose que tu dois réussir ?", poursuivit-il. "Ce secret est-il inavouable à ce point ?"

Provocateur, Alex brandissait toujours le lance-pierre sous le nez de son jeune interlocuteur mais le grand semblait commencer à se lasser de ce petit jeu. Taquiner Phileas et jouer sur son embarras l'avait amusé un instant mais, à présent cela n'était plus le cas. Le temps était venu de mettre un terme à cette situation.

"Allez dégage, moustique !", dit-il brusquement en lançant l'arme au gamin. "Va imiter Mowgli sur le territoire des grandes chasses. Fais quand même attention à ne pas te faire manger par le tigre."

Ne faisant aucun geste pour retenir Phileas, considérant l'entretien comme terminé, Alex se laissa tomber en arrière sur son lit et croisa tranquillement les mains derrière la nuque.

"Réfléchis quand même bien avant de prendre la poudre d'escampette.", conclut-il avant que le garçon ne quittât la chambre. "Tout n'est pas parfait ici, mais tu y es en sécurité. Qui sait ce que l'extérieur te réserve…"

Le bras plaqué contre le corps pour maintenir le lance-pierre, Phileas se hâta de rejoindre son dortoir, ne croisant heureusement aucun surveillant sur sa route. Entrant dans sa chambre, il attira l'attention de ses camarades, revenus de la toilette du soir. Déjà en pyjama, les garçons étaient assis sur le lit de Rio et discutaient avec animation. L'arrivée du retardataire interrompit net les bavardages.

"Merde, tu étais passé où ?", demanda Myka en tournant la tête vers la porte. "Y'a Ruiz qui te cherche partout..."

"Ça va chier pour toi.", appuya Thomas en hochant gravement la tête. "Il avait pas l'air content du tout quand il a vu que tu n'étais ni dans la chambre, ni aux lavabos..."

Les trois garçons dévisageaient Phileas, se demandant bien ce que leur camarade avait pu faire pour susciter ainsi la colère du surveillant quoique s'esquiver du dortoir où il était supposé être constituait déjà un motif de sanction.

"Tu as fait quoi finalement ?", demanda, à son tour, Rio avec une pointe de curiosité.

"Putain ! T'as trouvé ça où ?", intervint Myka, passant du coq à l'âne en apercevant le lance-pierre que Phyleas avait sorti de sous son chandail pour le poser sur le lit.

Comme hypnotisé, le gamin semblait déjà avoir oublié ses interrogations précédentes, un nouveau sujet, bien plus intéressant, étant venu occulter la simple escapade. Son regard admiratif allait de l'arme à son camarade de chambrée.

Les deux autres garçons se levèrent pour se rapprocher.

"C'est Alex qui t'a donné ça ?", demanda Rio avec curiosité.

"Attends !", le coupa Thomas en fronçant les sourcils. "C'est pas le tire-pierre à James ? Celui que Ruiz, il lui a confisqué y'a deux semaines ?"

À cette hypothèse, les gamins esquissèrent un mouvement de recul, un peu craintif. Il ne s'agissait pas de se voir surpris en fragrant délit avec un truc comme ça et d'être ensuite accusé de complicité.

"Oh putain !", reprit Myka, démontrant par là l'étendu de son vocabulaire. "C'est pour ça que Ruiz, il te cherchait après, tu crois ? T'es vraiment dans la merde s'il te voit avec ça…"

À ce moment, une voix forte que les garçons identifièrent sans peine comme étant celle du surveillant, retendit à l'autre bout du dortoir.

"Allez ! C'est l'heure ! Chacun dans son lit et on éteint les lumières."

Le bruit des portes qui s'ouvraient et se refermaient, se rapprochait de la chambrée des quatre loustics tandis qu'un pas lourd faisait grincer le paquet du couloir.

Malgré leur curiosité et le désir d'en apprendre plus sur l'escapade de Phileas, ses camarades de chambres se hâtèrent de se coucher en entendant l'arrivée du surveillant. Se glissant lui aussi sous ses draps, le gamin se plaça face au mur, essayant de se montrer le plus convaincant possible dans le rôle de l'enfant sage endormi.

Sa ruse sembla fonctionner car, si la porte s'ouvrit bien quelques secondes, elle se referma rapidement sans qu'aucun commentaire, ni question, ne viennent troubler le silence.

Une voix étouffée s'éleva alors.

"Phileas ? T'as fait quoi avec Alex ?"

"Chut, Myka !", intervint aussitôt Rio. "On parle de tout ça demain... Là, si on se fait chopper, on est mort..."

Effrayés par l'idée d'une sanction, les trois autres gamins de la chambre se turent, ce qui arrangeait bien les affaires de Phyleas qui disposait ainsi d'un peu plus de temps pou se forger un alibi. Plus aucun bruit n'était perceptible dans le dortoir. Seul le grincement du parquet sous le poids du surveillant qui poursuivait sa ronde témoignait d'une légère activité extérieure.

Les respirations régulières de Myka et Thomas s'élevèrent bientôt, accompagnées par les légers ronflements de Rio. Tous semblaient profondément endormis. Une porte s'ouvrit encore à l'autre bout du dortoir, puis, plus rien, plus le moindre bruit. Le silence semblait s'être définitivement installé entre ces murs.

Rejetant la couverture, Phyleas s'assit dans son lit pour écouter encore. Tout était calme. Allait-il profiter de cette tranquillité apparente pour se rhabiller et tenter de prendre la poudre d'escampette ?

Avec des gestes précautionneux pour ne pas réveiller ses camarades de chambrée, Phileas se rhabilla le plus vite possible. Autour de lui, les respirations calmes et régulières des enfants endormis se faisaient entendre, montrant que l'escapade projetée du gamin ne connaîtra pas d'obstacle au moment de sa mise en place.

Avant de reprendre le petit sac préparé pour cette occasion, le petit orphelin se métamorphosa en José Boogie, l'aventurier téméraire, prêt à toutes les audaces pour parvenir à ses fins. Moustache au vent et sac sur le dos, le jeune héros se glissa hors de la chambre, veillant à ne pas trop faire grincer le paquet sous son poids. Volant avec légèreté dans le dortoir, il gagna vite les couloirs de l'orphelinat, au bout desquels se trouvait la porte menant à la liberté.

S'éloignant rapidement des dortoirs, José respira un peu plus librement. À cette heure de la nuit, il y avait vraiment peu de chance que quelqu'un se promène dans le bâtiment. La dernière ronde de sécurité avait eu lieu au moment de l'extinction des feux et la suivante ne devrait survenir qu'au petit matin. Entre les deux, le garçon avait les mains libres pour aller et venir.

Atteignant la salle des gardes, il lança un regard noir vers le guéridon maintenant débarrassé de tout système de piégeage et, veillant à ne pas heurter autre chose, se plaça devant la porte donnant sur l'extérieur. Celle-ci était naturellement verrouillée mais cela ne rebuta pas José qui avait pensé à prendre avec lui son matériel de crochetage.

Le mécanisme était ancien mais particulièrement rétif, à moins que ce ne fut le manque d'expérience de l'évadé potentiel. Toujours est-il qu'il lui fallut plusieurs tentatives pour entendre enfin le petit clic, synonyme de succès. Malgré une défense acharnée, la serrure venait de céder, laissant le champ libre à celui qui voulait faire l'orphelinat buissonnier.

Avec un petit sourire de triomphe, José se faufila à l'extérieur. Il faisait nuit et une pluie fine tombait avec régularité. Remontant le col de son blouson, le gamin frissonna légèrement sous l'agression du froid mais il n'allait pas se décourager pour si peu. Ce n'était pas les gouttes d'eau glaciales qui coulaient dans son cou qui allait le faire renoncer.

La porte arrière de l'orphelinat donnait sur une petite ruelle étroite, au sol pavé de façon irrégulière. La ville semblait endormie, à l'image du bâtiment qu'il venait de quitter. Que faire maintenant ? Vers où José comptait-il se diriger pour s'éloigner le plus loin possible de cette bâtisse avant que sa fuite ne soit découverte ?

La pluie tombait fine et régulière, trempant les cheveux du gamin. Elle coulait, lente et insidieuse, et s'immisçait sournoisement dans son cou, trouvant la moindre faille dans l'étanchéité des vêtements pour s’infiltrer, glaciale, sur le torse ou dans le dos de l'orphelin.

La nuit était déjà bien avancée et les rues de Londres semblaient désertes. Les pas précipités de José étaient le seul bruit qui troublait le silence des lieux. Pataugeant dans des flaques d'eau qui se formaient sous l'averse persistante, le garçon poursuivait sa route, atteignant London Bridge sans encombre.

La voie paraissait libre, aussi le fugitif se hâta pour franchir cet obstacle sur lequel il serait vulnérable pendant les longues minutes que durerait la traversée. La chance semblait être de son côté. Aucun badaud ne montrait le bout de son nez pour s'étonner de la présence d'un enfant aussi jeune, dehors par ce temps, à une heure aussi avancée de la nuit.

De l'autre côté de la Tamise, José résolut de se faufiler par des ruelles sombres, voulant à tout pris éviter les grands axes. Et toujours cette pluie fine qui persistait, froide et désagréable.

Une lueur apparut à une trentaine de mètres, se dirigeant vers le garçon. La silhouette caractéristique de deux policiers se découpait dans la pénombre.

Haletant, José se plaque contre le mur, cherchant à se dissimuler dans l'ombre d'une poubelle. À cinq mètres derrière lui, une ruelle étroite s'enfonçait dans l'obscurité. Face à lui, les deux bobbys progressaient lentement en discutant à voix basse, grommelant contre leur supérieur qui leur faisait faire une patrouille par un temps pareil.

Les policiers avançaient tranquillement, éclairant brièvement le chemin devant eux. Les brides de conversations qui parvenaient à José rendaient parfaitement compte de l'état d'esprit des deux hommes à ce moment précis. Ce n'étaient que récriminations contre tous les facteurs qui semblaient s'être concertés pour leur pourrir la vie, aussi bien leur supérieur, qui avait établi ce tour de patrouille, que les éléments qui se liguaient contre eux, en passant par cette maudite ville, aux ruelles étroites et nauséabondes.

Les bobbys patrouillaient sans réelle conviction et leur humeur se détériorait au fur et à mesure que le degré d'humidité de leurs vêtements augmentait. Soudain les hommes s'immobilisèrent, venant d'accrocher dans le faisceau de leur lampe la silhouette menue (et trempée) de José. La présence d'un enfant sous la pluie à une heure aussi avancée de la nuit avait de quoi surprendre ces fiers représentants de l'ordre.

"Eh petit !", appela le premier. "C'est pas un temps à sortir dehors tout seul…"

"Que fais-tu ici ?", surenchérit le second en s'approchant du gamin. "Tu ne devrais pas être au lit à une heure pareille ? Où habites-tu ?"

Devant la détresse affichée par le gamin, les policiers tentèrent d'effacer l'expression maussade de leur visage pour afficher un côté plus rassurant. Ils n'avaient pas affaire à un de ces nombreux vagabonds qui envahissaient les rues de Londres mais à un pauvre enfant, inquiet pour sa maman et qui n'avait pas hésité à braver la furie des éléments pour soulager la pauvre femme.

"Voyons, tu ne vas pas pleurer…", reprit maladroitement le premier bobby. "Je suis sûr que ta maman va bien. Il n'y a pas lieu de t'inquiéter autant."

S'avançant légèrement, les deux policiers pouvaient maintenant parfaitement voir José dont le visage anxieux était éclairé par les lampes torches. La moustache fièrement arborée sur la lèvre supérieure du gamin fit froncer les sourcils des deux hommes, surpris qu'un enfant au timbre de voix aussi juvénile possédât un système pileux aussi développé. Lorsqu'ils réalisèrent qu'il ne s'agissait en fait que d'un postiche, un sourire amusé se forma sur le facies des bobbys.

"Quel âge as-tu mon petit ?", s'enquit le deuxième représentant des forces de l'ordre. "Et où habites-tu ? Nous allons te raccompagner chez toi. Les rues ne sont pas sures à cette heure."

Bombant le torse, les deux policiers affichaient un visage rassurant, s'estimant investis d'une noble mission. Au moins cette ronde désagréable aurait eu un bon côté en leur permettant de venir en aide à un enfant en détresse. Et, quitte à rester dehors par ce temps de chien typiquement anglais, autant faire contre mauvaise fortune, bon cœur et se rendre utile. Cet intermède casserait également la monotonie de leur patrouille en leur offrant une distraction inespérée.